La tension monte à nouveau entre le Vietnam et la Chine

Début avril, la diplomatie américaine a accusé Pékin de chercher à profiter de la crisé liée à l’épidémie de Covid-19 pour « étendre ses prétentions territoriales illégales en mer de Chine méridionale », une région stratégique où plusieurs pays expriment des revendications territoriales, dont le Vietnam, Bruneï, la Malaisie, Taïwan et les Philippines.

Or, estimant que la quasi-totalité de cette partie du monde lui appartient – ce que conteste la Cour permanente d’arbitrage [CPA], selon laquelle ses prétentions territoriales ne reposent sur aucun fondement juridique et historique – la Chine pratique la politique du fait accompli. Depuis maintenant plusieurs années, elle y a aménagé de nombreux récifs à des fins militaires, en y installant notamment des capacités d’interdiction et de déni d’accès.

Carrefour des principales routes maritimes commerciales, la mer de Chine méridionale recèle d’importantes ressources halieutiques et pétrolières. D’où l’intérêt qu’elle suscite. Son contrôle permettrait par exemple à la Chine de bloquer le trafic en direction du Japon.

Depuis l’accusation américaine, un groupe aéronaval formé autour du porte-avions chinois CNS Liaoning y a été déployé pour des manoeuvres… Et, le 18 avril, Pékin y a annoncé la création de deux districts administratifs relevant de la ville de Sansha, créée en 2012 sur l’île de Woody [ou Yongxing], dont l’appartenance est revendiqué notamment par le Vientam.

Les deux districts en question concerne les archipels Spratleys et Paracels, dont la propriété est également contestée, là encore par le Vietnam. Ce qui donne lieu à des incidents, comme encore le 2 avril, quand un bateau de pêche vietnamien a été coulé par un navire de la garde-côtière chinoise.

« Un tel acte du navire des garde-côtes chinois viole la souveraineté du Vietnam sur l’archipel de Hoàng Sa [Paracel, ndlr], causant des dommages, menaçant la sécurité de la vie et les intérêts légitimes des pêcheurs vietnamiens », a réagi Hanoï, avant d’annoncer avoir déposé une plainte contre Pékin pour cet incident.

Mais les choses n’en sont pas restée là. Ainsi, la semaine passée, le navire océanographique chinois Haiyang Dizhi 8 ainsi qu’un moins un bateau de la garde côtière chinoise ont été repérés à 158 km au large du Vietnam, c’est à dire dans la zone économique exclusive [ZEE] vietnamienne.

Pour rappel, et d’après le droit de la mer, une ZEE s’étend à partir de la ligne de base de l’État jusqu’à 200 milles marins [370,42 km] de ses côtes au maximum

Puis, Haiyang Dizhi 8 a ensuite été détecté à 352 km au large des côtes du sultanat de Brunei et de la Malaisie. Cette fois, il était accompagné par 7 navires des gardes-côtes chinois. Un patrouilleur malaisien a été envoyé sur place pour les tenir à l’oeil.

Mais, le 16 avril, l’amiral Zubil Mat Som, le chef de la garde-côtière malaisienne, a confirmé devant la presse que le Haiyang Dizhi 8 était entré dans la ZEE de la Malaisie. Les ministères malaisiens des Affaires étrangères et le ministère de la Défense ont refusé de faire le moindre commentaire.

Quoi qu’il en soit, ce 21 avril, la Chine est allée encore plus loin en publiant les noms chinois et les coordonnées de 80 îles, récifs, hauts-fonds et monts sous-marins situées en mer de Chine méridionale.

« Aucun État ne peut revendiquer la souveraineté sur des éléments sous-marins à moins qu’ils ne soient à moins de 12 milles marins de la terre. La Chine l’ignore-t-elle ou essaie-t-elle délibérément de renverser le droit international? », a demandé Bill Hayton, associé au centre de réflexion britannique Chatham House, cité par l’AFP.

Et d’ajouter : « La Chine a ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer [CNUDM ou UNCLOS] qui est très claire sur ce que les États peuvent et ne peuvent pas revendiquer comme territoire. Pourtant, la Chine semble aller à l’encontre de la CNUDM en affirmant sa souveraineté dans des endroits très éloignés. »

Quoi qu’il en soit, cela n’est évidemment pas de nature à apaiser le Vietnam, lequel a vivement réagi à l’annonce de la création des deux districts administrés depuis Sansha, qui compterait 1.800 habitants [dont de nombreux militaires…]

« La position constante du Vietnam est de s’opposer fermement à la création de la soi-disante ‘ville de Sansha’ et aux actes s’y rapportant qui ont gravement violé la souveraineté du Vietnam, sont nuls et non avenus, ne profitent pas aux relations d’amitié entre les nations et compliquent la situation en Mer Orientale et dans le monde », a ainsi fait valoir Lê Thi Thu Hang, la porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères.

« La Chine prendra toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder sa souveraineté, ses droits et ses intérêts en mer de Chine méridionale », a rétorqué Geng Shuang, son homologue au ministère chinois des Affaires étrangères

« Tout pays qui tente de nier, par quelque forme que ce soit, la souveraineté, les droits et les intérêts de la Chine sur la mer de Chine méridionale et d’insister sur ses revendications illégales est voué à l’échec », a-t-il ajouté.

En attendant, les États-Unis ont appelé la Chine à mettre fin à ses « intimidations » dans les eaux contestées, à commencer par celles situées au nord de la Malaisie avec la présence du Haiyang Dizhi 8. Et, dans le même temps, la marine américaine a confirmé avoir envoyé le navire d’assaut amphibie USS America et croiseur USS Bunkel Hill en mer de Chine méridionale.

« Grâce à notre présence opérationnelle continue dans la mer de Chine méridionale, nous oeuvrons à promouvoir la liberté de navigation et de survol, ainsi que les principes internationaux qui sous-tendent la sécurité et la prospérité de la région Indo-Pacifique », a fait valoir un porte-parole de l’US Navy auprès de l’agence Reuters.

Selon USNI News, l’activité aérienne à bord de l’USS America serait soutenue. Avec ses F-35B, ses hélicoptères CH-53E Super Stallion et se MV-22B Osprey, il s’agit de la principale capacité aéronavale américaine actuellement disponible dans la région après l’escale forcée à Guam du porte-avions USS Theodore Roosevelt pour cause d’épidémie de Covid-19.

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