Un député s’interroge : « La Chine a-t-elle réussi à diminuer nos capacités militaires à cause ou grâce à un virus? »

L’hypothèse que le SARS-Cov-2, le coronavirus responsable de l’épidémie de Covid-19, se soit « échappé » du laboratoire P4 de l’Institut de virologie de Wuhan, est de plus en plus souvent évoquée depuis quelques jours.

Son histoire commence en 2003. Afin d’aider Pékin à lutter contre les maladies infectueuses, notamment après l’épidémie de SRAS, le gouvernement français, conduit par Jean-Pierre Raffarin à l’époque, autorisa la livraison de laboratoires mobiles P3 à la Chine.

Puis, il fut décidé d’aller encore plus loin avec la construction, à Wuhan, d’un laboratoire P4, malgré les réticences des services de renseignement français qui soupçonnaient Pékin de vouloir développer des armes biologiques. Mais les autorités chinoises donnèrent alors assez de garanties pour passer outre…

Seulement, quelques faits n’aidèrent pas à lever les doutes. Comme le flou entourant le sort des laboratoires P3 précédemment livrés, et dont il fut avancé qu’ils étaient sous le contrôle de l’Armée populaire de libération [APL]. Dans le récent livre « France Chine, les liaisons dangereuses« , du journaliste Antoine Izambard, un fonctionnaire français raconte :

« Nous leur avons demandé [aux Chinois] ce qu’étaient devenus les P3 et ils nous ont répondu que certains, situés dans une région proche de l’Himalaya, avaient gelé durant l’hiver et que d’autres avaient disparu. C’était assez déroutant. »

Autre élément « inquiétant », relève Christophe Izambard : le choix de la société IPPR Engineering International pour la maîtrise d’ouvrage du futur laboratoire P4 de Wuhan, laquelle était promise au cabinet d’architectes français RTV. Or, l’entreprise désignée dépendait de la China National Equipment of Machinery Corporation [CNEMC], elle-même contrôlée par l’Armée populaire de libération. En outre, Technip, qui devait certifier le laboratoire s’est retiré du projet…

Dans le livre de Christophe Izambard, un autre fonctionnaire français résume, : « Durant ces quinze années, la Chine a plusieurs fois manqué à sa parole, un certain flou a notamment entouré son action en faveur d’un programme biologique offensif. Les dirigeants chinois nous avaient, par exemple, certifié qu’ils n’avaient pas d’autres P4 et ne projetaient pas d’en construire de nouveaux. On sait aujourd’hui qu’ils en ont plusieurs, dont certains sont assez suspects ».

Magré ce flou des autorités chinoises, le laboratoire P4 finira par être inauguré en 2017. À cette occasion, il avait été annoncé que 50 chercheurs français y travailleraient pendant cinq ans afin d’apporter leur expertise à leurs homologues chinois. Or, jamais ils ne poseront leurs valises à Wuhan.

Évidemment, étant donné que l’épidémie de Covid-19 est partie de Wuhan, ce laboratoire P4 est au centre des interrogations.

D’autant plus que, le 14 avril, le Washington Post a évoqué deux câbles diplomatiques qui, émanant de l’ambassade des États-Unis en Chine, alertèrent, dès janvier 2018, sur les mesures de sécurité insuffisantes en vigueur au sein de ce laboratoire, qui étudiait les coronavirus sur les chauves-souris. Depuis, l’administration américaine a dit mener une enquête « exhaustive sur la façon dont ce virus s’est propagé. »

« Rien que le fait qu’il faille poser ces questions, rien que le fait que nous n’en connaissons pas les réponses, que la Chine n’a pas partagé les réponses, cela en dit long », a commenté Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine. « Ce que nous savons, c’est que ce virus est né à Wuhan, en Chine. Ce que nous savons, c’est que l’Institut de virologie de Wuhan n’est qu’à quelques kilomètres du marché de rue. Il y a encore beaucoup à apprendre », a-t-il ajouté.

Pour autant, peut-on dire que le SARS Cov-2 ait été créé en laboratoire dans le cadre d’un programme d’arme biologique? C’est ce qu’avait sous-entendu, Zhao Lijian, le porte-parole de la diplomatie chinoise, quand il affirma que « l’armée américaine pourrait avoir apporté l’épidémie à Wuhan. » Désormais, il rappelle que « l’OMS a indiqué qu’il n’y a aucune preuve scientifique que le virus provient d’un laboratoire.

Cependant, rien ne permet d’affirmer que le SARS Cov-2 est effectivement une arme biologique. « Au vu du génome et des propriétés de ce virus, rien n’autorise à dire qu’il s’agit d’un virus fabriqué », a ainsi expliqué Richard Ebright, professeur de biologie chimique à l’Université Rutgers, dans les colonnes du Washington Post, en janvier dernier.

Toutefois, si le SARS Cov-2, virus « inconnu » qui « porte aujourd’hui encore beaucoup de mystères », selon le président Macron, n’est pas une initialement une arme biologique, on peut imaginer que l’on puisse s’en servir comme tel [une pierre n’est pas une arme à l’origine. Mais, bien lancée, elle en devient une…]. En tout cas, l’opacité, les omissions, voire les mensonges des autorités chinoises concernant le début de l’épidémie ainsi que l’exploitation qu’elles font de cette dernière en matière politique, militaire et éventuellement économique alimentent doutes et interrogations.

Qui plus effet, l’épidémie de Covid-19 a des conséquences militaires. Ainsi, le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt a dû interrompre sa mission dans le Pacifique en raison de la propagation rapide du virus à son bord. Même chose pour le le groupe aéronaval formé autour du porte-avions Charles de Gaulle, la mission Foch ayant été écourtée d’une dizaine de jours.

Député LREM du Calvados, Christophe Blanchet a fait part de ses interrogations auprès de Florence Parly, la ministre des Armées, lors de l’audition en vidéoconférence organisée le 16 avril par la commission de la Défense nationale, à l’Assemblée nationale.

« Est-ce que la Chine a réussi à neutraliser ou à diminuer nos capacités opérationnelles à cause ou grâce à un virus? », a demandé le député, en écho à une question de son collègue Fabien Lainé [MoDem, Landes] portant sur les opérations d’influence chinoises relatives à l’épidémie. Ce dernier s’est aussi demandé si on n’était pas entré « dans une nouvelle guerre froide avec de nouveaux acteurs » car « quand on voit le retrait américain, les Chinois, eux, sont à la manoeuvre. »

« La réponse est non. Nos capacités opérationnelles ne sont pas neutralisées », a répondu Mme Parly. « Nous pouvons avoir certaines capacités temporairement en décontamination, avec le porte-avions Charles de Gaulle, mais pour le reste, nos forces continuent d’assurer la défense avancée de notre territoire, en mer, sous les mers, dans les airs et sur terre. […] Les opérations extérieures contre les groupes terroristes se poursuivent activement », a-t-elle fait valoir.

Quant à la Chine, Mme Parly a repris à son compte les propos tenus par le président Macron dans les colonnes du Financial Times. Il y a « manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas. […] N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que [la gestion de l’épidémie par les autorités chinoises] c’est beaucoup plus fort. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas », a-t-il dit.

Cependant, a continué la ministre, « il faut se rappeler que le virus, c’est d’abord une calamité. Ce n’est pas une arme. Et j’ose espérer, car j’ai foi en l’humanité, que personne ne peut vouloir voir nos anciens partir, nos populations se claquemurer, nos économies décroître et notre prospérité s’effondrer ». Et de conclure : « Alors je crois qu’il faut se garder, là aussi, des procès inutiles ».

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