Une enquête conclut à la responsabilité de Damas dans trois attaques chimiques; L’UE réclame des sanctions

Mis en place pour enquêter sur l’usage d’armes chimiques en Syrie et en établir les responsabilités, le Joint Ivestigative Mechanism [JIM], réunissant des experts des Nations unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] fut contraint d’arrêter ses investigations, son mandat n’ayant pas pu être reconduit en novembre 2017, la Russie s’y étant opposée.

Aussi, de nouvelles compétences ont été données à l’OIAC en juin 2018, malgré, là encore, l’opposition de Moscou. Jusqu’à présent, les enquêteurs de cette dernière ne pouvaient que dire si un attaque chimique avait eu lieu. Et il ne leur était pas possible d’en désigner les responsables. Cette restriction a donc été levée.

Plusieurs mois après, l’OIAC a rendu public un rapport sur des attaques chimiques au sarin et au chlore ayant été commises à Lataminah, entre les 24 et 30 mars 2017. Et l’organisation a usé de son nouveau pouvoir en affirmant que le régime syrien d’en avoir été responsable.

Ainsi, l’équipe d’identification et d’enquête de l’OIAC [IIT], chargé d’identifier les auteurs présumés d’attaques chimiques, est arrivée à la conclusion qu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que ceux qui ont utilisé, à Lataminah, du sarin, les 24 et 30 mars 2017, et du chlore le 25 mars 2017 « étaient des individus appartenant à la force aérienne syrienne ».

Des attaques d’une telle nature stratégique n’ont pu avoir lieu que sur ordre des plus hautes autorités du commandement militaire de la République arabe syrienne », a affirmé Santiago Oñate-Laborde, le coordinateur de cette ITT. « Même si l’autorité peut être déléguée, la responsabilité ne le peut pas », a-t-il fait valoir.

Dans le détail, le rapport [.pdf] a établi qu’un avion d’attaque Su-22 « Fitter » appartenant à la 50e brigade de la 22e division aérienne de l’armée de l’air arabe syrienne et ayant décollé de la base de Shayrat, avait largué une bombe M400 contenant du gaz sarin au sud de Lataminah, le 24 mars 2017, vers 6 heures. Le même scénario s’est reproduit six jours plus tard, à la différence que plus de personnes en ont été les victimes [60 au total, contre 16 lors de la première attaque].

S’agissant de l’utilisation de chlore, le rapport affirme qu’un hélicoptère militaire syrien, ayant décollé de la base de Hama, a largué un cylindre en contenant sur un hôpital, ce qui a affecté au moins 30 personnes.

Cela étant, l’OIAC « n’étant pas un organe judiciaire ayant le pouvoir d’attribuer la responsabilité pénale individuelle, il appartient désormais au secrétaire général de l’ONU et à la communauté internationale dans son ensemble de prendre les mesures jugées nécessaires et appropriées », a déclaré Fernando Arias, son directeur.

À l’instar des rapports publiés par le JIM, celui de l’OIAC n’a pas échappé aux critiques et aux dénégations de la Syrie, soutenue par la Russie.

« Le rapport de l’OIAC sur l’utilisation de substances toxiques dans la ville de Lataminah en 2017 est trompeur et contient des conclusions infondées et fabriquées visant à falsifier les faits et à accuser le gouvernement syrien », a réagi Damas.

« Malgré les efforts de désinformation de la part des soutiens d’Assad en Russie et en Iran, il est clair que le régime syrien est responsable de nombreuses attaques chimiques », a commenté Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine. L’utilisation d’armes chimiques par un pays quel qu’il soit représente une menace inacceptable pour la sécurité de tous les États et ne peut pas rester impunie », a-t-il ajouté

Cela étant, le régime syrien a déjà été « puni » après l’attaque de Khan Cheikhoun, commise le 4 avril 2017, également avec du gaz sarin, une substance dont il était censé s’être débarrassé, après un accord sur la destruction de son arsenal chimique, négocié par les diplomates russes et américains en septembre 2013.  Sans attendre les conclusions de l’enquête du JIM, les États-Unis avaient alors bombardé la base de Shayrat, celle qui avait donc été utilisée précédemment pour bombarder Lataminah. Deux destroyers américains avaient tiré 59 missiles de croisière Tomahawk.

Plus tard, la France avaient publié des preuves pointant la responsabilité de Damas pour l’attaque au sarin à Khan Cheikhoun, tout en démolissant la thèse défendues par la Russie et la Syrie pour expliquer la présence de ce gaz dans cette localité [Damas avait assuré que son Su-22 avait bombardé un dépôt rebelle ayant abrité une telle substance].

Quoi qu’il en soit, sur la foi de ce rapport de l’OIAC, et ayant déjà pris des mesures en l’encontre de responsables syriens pour leur rôle dans le programme chimiqe de Damas, l’Union européenne a réclamé de nouvelles sanctions, ce 9 novembre.

« Les personnes identifiées comme responsables de l’utilisation d’armes chimiques doivent être tenues pour responsables de ces actes répréhensibles », a ainsi affirmé Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

« L’utilisation d’armes chimiques par quiconque – qu’il s’agisse d’un État ou d’un acteur non étatique – en tout lieu, à tout moment et en toute circonstance, constitue une violation du droit international et peut être assimilée aux plus graves des crimes internationaux – les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité », a fait valoir M. Borell.

« L’impunité pour ces actes horribles ne sera pas tolérée. Il appartient maintenant à la communauté internationale d’examiner dûment le rapport et de prendre les mesures appropriées », a-t-il affirmé. L’Union européenne […] est déterminée à faire en sorte que cette violation manifeste des principes fondamentaux de la convention reçoive la réponse la plus ferme possible des États parties à la convention sur les armes chimiques », a encore insisté le Haut représentant, pour qui « l’obligation de rendre des comptes est essentielle pour empêcher la réapparition des armes chimiques. »

Le prochain rapport que doit publier l’OIAC portera sur l’attaque chimique de Douma qui, menée en avril 2018, avaient été attribuée à Damas par France, le Royaume-Uni et les États-Unis; Ce qui avait motivé l’opération Hamilton, laquelle avait consisté à bombarder les sites utilisés pour les besoins du programme chimique syrien.

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