Covid-19 à bord de l’USS Theodore Roosevelt : Le secrétaire à l’US Navy poussé à la démission

Devant la multiplication des cas de Covid-19 à bord de l’USS Theodore Roosevelt, le porte-avions qu’il commandait depuis quatre mois, le capitaine de vaisseau Brett Crozier envoya un message à sa hiérarchie pour l’avertir de l’ampleur que prenait l’épidémie ainsi que pour lui demander l’autorisation de débarquer la quasi-totalité de l’équipage à Guam.

En effet, avait-il plaidé, si « retirer la majorité de l’équipage d’un porte-avions nucléaire américain en cours de déploiement et l’isoler pendant deux semaines peut paraître une mesure extraordinaire », c’est un « risque nécessaire. » Et d’insister : « Nous ne sommes pas en guerre. Les marins n’ont pas à mourir. Si nous n’agissons pas maintenant, alors nous ne parviendrons pas à prendre correctement soin de notre atout le plus fiable », à savoir « nos marins. »

Dans un premier temps réticente, l’US Navy se rangea finalement aux arguments développés par le capitaine de vaisseau Crozier, dont celui qui soulignait qu’il était impossible de faire respecter les recommandations pour freiner l’épidémie à bord de l’USS Theodore Roosevelt  étant donné la promiscuité inhérente aux navires de guerre.

Seulement, le « pacha » de ce porte-avions fit parvenir son message à des personnes extérieures à sa chaîne de commandement. Ce qui favorisa la fuite de son contenu dans la presse. D’où la décision prise par Thomas Modly, le secrétaire à l’US Navy [et ancien de la « maison » étant donné qu’il y servit durant sept ans en qualité de pilote d’hélicoptère], de relever le capitaine de vaisseau Crozier de son commandement.

« L’écho donné à ce message a alarmé inutilement les familles de nos marins » et « semé le doute sur les capacités et la sécurité opérationnelles du navire, ce qui aurait pu encourager nos adversaires à en profiter », justifia M. Modly, dont la décision était soutenue par Mark Esper, le chef du Pentagone, ainsi que par l’amiral Mike Gilday, le « patron » de l’US Navy. « Nous demandons à nos commandants de faire preuve de jugement, de maturité, de leadership et de calme sous la pression. […] Or, le capitaine de vaisseau Crozier a fait preuve d’un très mauvais jugement en période de crise », avait-il ajouté.

L’affaire prit ensuite un tournant politique, certains élus du Parti démocrate estimant cette sanction « injuste » et « excessive ». Et, depuis, après avoir été acclamé par son équipage au moment de quitter l’USS Theodore Roosevelt, le capitaine de vaisseau Crozier a été testé positif au Covid-19. Selon un dernier bilan, plus de 230 marins du porte-avions sont désormais dans le même cas [ils n’étaient que trois au 24 mars]. Mais plus de 2.000 ont été testés négatifs.

Cependant, Thomas Modly a visiblement perdu les pédales dans cette « crise ». Devant l’équipage de l’USS Theodore Roosevelt, le 6 avril, il a critiqué le capitaine de vaisseau Crozier en des termes peu élégants.

Aux marins du porte-avions, M. Modly leur d’abord tenu un discours combattif. « C’est votre devoir. Ne pas vous plaindre. Tout le monde a peur de cette chose [le Covid-19]. Mais je vais vous dire une chose : si ce vaisseai était au combat avec des missiles hypersoniques pointés vers lui, vous seriez effrayés aussi. Mais vous feriez votre travail. Et c’est ce que j’attends de vous », a-t-il dit.

Quant au capitaine de vaisseau Crozier, « s’il ne pensait pas que son message finirait par être publié, alors c’est qu’il était trop stupide ou trop naïf pour commander un navire comme celui-ci », a-t-il lancé, avant de s’en prendre aux médias, qu’il a jugés « trop partiaux » car « leur parti pris dépend de leur couleur politique » et qu’ils « sont là pour nous diviser ».

Le secrétaire américain à Défense s’est ensuite désolidarisé des propos tenus par M. Modly. Et il a demandé à ce dernier de s’excuser auprès du capitaine de vaisseau Crozier. « Je tiens à m’excuser auprès de la Marine pour mes récents commentaires à l’équipage du TR [Thedore Roosevelt] », a-t-il fait savoir, dans un communiqué, après avoir pourtant persisté et signé quelques heures plus tôt.

Critiqué au sein de la classe politique américaine, M. Modly a finalement remis sa démission le 7 avril.

« Ce matin, j’ai accepté la démission de M. Modly. Il a démissionné de lui-même […] pour que la Navy puisse passer à autre chose », a confirmé Mark Esper, via Twitter. Et il a nommé James E. McPherson, un ancien amiral jusqu’alors sous-secrétaire à l’US Army, pour lui succéder. « Il faut maintenant donner la priorité aux besoins de la Navy, y compris à l’équipage du Teddy Roosevelt, et passer à autre chose, tous ensemble », a-t-il dit.

Par ailleurs, la carrière du capitaine de vaisseau Crozier pourrait ne pas souffrir de cet épisode. « Aucune décision sur son sort ne sera prise avant les conclusions d’une enquête en cours sur l’incident », a assuré M. Esper.

Le président Trump s’est également invité dans cette affaire. Certes, a-t-il dit aux journalistes, le 6 avril, le message « n’aurait pas dû être envoyé » et c’est « une erreur qui n’aurait pas dû être commise », a-t-il affirmé. « Cela dit, la carrière du [capitaine de vaisseau Crozier] était bonne avant cela. Donc, je vais m’impliquer et voir ce qui se passe parce que je ne veux pas détruire quelqu’un parce qu’il aurait eu une mauvaise journée », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, il reste à voir les conséquences qu’aura la démission de M. Modly, sachant que ce dernier avait remis à cause le format à 12 porte-avions pour l’US Navy et engagé une étude pour déternir les capacités futurs de l’aéronavale américaine.

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