Les États-Unis vont maintenir deux porte-avions dans le Golfe persique pour « dissuader » l’Iran

Être plus imprévisible. Tel est le principe qu’entend suivre l’US Navy pour le déploiement de ses unités, à commencer par ses groupes aéronavals. Et c’est ce qui a été appliqué au porte-avions USS Dwight D. Eisenhower, parti immédiatement en mission après avoir terminé un dernier exercice de certification, et donc sans revenir à Norfolk, son port d’attache, où il était pourtant attendu.

« La stratégie de défense nationale indique clairement que nous devons être imprévisibles sur le plan opérationel pour nos adversaires stratégiques [la Russie et la Chine, ndlr] tout en respectant nos engagements envers nos alliés et partenaires », avait expliqué, en janvier, l’amiral James G. Foggo III, le commandant des forces navales américaines en Europe, qui dirige également le commandement des forces interarmées [JFC] établi à Naples.

La mission de l’USS Dwight D. Eisenhower et de son escorte n’avait alors pas été précisée. Après avoir été placée sous l’autorité de la 2e Flotte de l’US Navy, et donc déployé en Atlantique-Nord pour surveiller les routes maritimes entre l’Amérique du Nord et l’Europe, le navire a mis ensuite le cap vers la Méditerranée, où il a pris part à un exercice avec le porte-avions Charles de Gaulle.

Là encore, les intentions de l’US Navy n’étaient pas claires. L’USS Eisenhower allait-il revenir dans l’Atlantique? Allait-il rester en Méditerranée? Ou bien mettrait-il le cap vers le Golfe persique et rejoindre [ou relever] l’USS Harry S. Trumman? La réponse a été donné quelques jours après le « passex » avec le Charles de Gaulle, le porte-avions américains ayant été signalé dans le canal de Suez.

Mais, à ce moment-là, la situation ne s’était pas une nouvelle fois dégradée en Irak.

En effet, le 11 mars, des tirs de roquettes contre Camp Taji, une base irakienne abritant des membres de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis ont fait trois tués et 14 blessés.

Sans doute fallait-il s’y attendre, étant donné que cette attaque a été lancée le jour de l’anniversaire du général Qassem Soleimani, le général iranien qui, responsable des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, avait été tué par une frappe américaine en janvier dernier. Ce qui avait donné lieu à une escalade militaire s’étant terminé par une salve de missiles lancés par l’Iran contre des bases irakiennes accueillant des forces de la coalition.

En représailles à l’attaque de Camp Taji, les États-Unis ont bombardé cinq positions tenues en Irak par la milice chiite Kata’ib Hezbollah.

C’est donc dans ce contexte que, le 13 mars, le général Frank McKenzie, chef de l’US CENTCOM, le commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a indiqué que les États-Unis maintiendront deux porte-avions dans la région du Golfe persique.

« Nous allons garder les [porte-avions] pendant un certain temps pour faire comprendre à l’Iran que des représailles [aux frappes contre le Kata’ib Hezbollah] donneront lieu à une réponse massive », a déclaré le général McKenzie, lors d’une conférence de presse. Et d’ajouter que des batteries de défense aérienne Patriot étaient en cours de déploiement en Irak et qu’elles seraient opérationnelles d’ici « quelques jours ».

Depuis 2001, l’objectif de la Marine américaine est de disposer, en moyenne et sur l’année, de 1,7 porte-avions dans la zone de responsabilité de sa Ve Flotte, laquelle englobe le Golfe persique. Lors de fortes tensions régionales, elle y a compté jusqu’à deux groupes aéronavals.

Mais ces dernières années, elle a beaucoup de mal à tenir cet objectif. Pire : en 2016, elle avait dû se reposer sur la Marine nationale et donc sur le porte-avions Charles de Gaulle pour assurer la permanence aéronavale de la coaltion anti-jihadiste dans dans le Golfe persique.

À noter que l’annonce faite par le général McKenzie survient après que l’US Navy a lancé une étude devant déterminer l’avenir de ses capacités aéronavales d’ici 2030. Et l’idée qu’elle pourrait se contenter de seulement quatre nouveaux porte-avions de la classe Ford est désormais avancée.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de l’attaque contre Camp Taji, situé à une trentaine de kilomètres au nord de Bagdad, le chef de l’US CENTCOM a confirmé qu’elle avait été réalisée avec un lanceur placé sur un camion, lequel a été rapidement retrouvé par les forces de sécurité irakiennes. Mais ces dernières n’ont interpellé aucun milicien chiite. Et pour cause : « Vous réglez la minuterie » pour le lancement des roquettes et « vous vous enfuyez », a-t-il expliqué. « Si nous avions vu ce camion, nous aurions pris des mesures », a-t-il assuré.

Quant aux frappes américaines réalisées en représailles de cette attaque, leur objectif visait à « limiter la capacité du Kata’ib Hezbollah à mener de futures attaques », a dit le général McKenzie. « Je mets en garde l’Iran et ses mandataires contre toute tentative de riposte », a-t-il ajouté.

« Nous ne cherchons pas d’occasions d’attaquer [l’Iran] mais les États-Unis réagiront en cas d’agression », a affirmé le général américain. Toutefois, il a estimé que l’Iran ne chercherait pas une confrontation directe avec les États-Unis. En revanche, selon lui, il est probable que Téhéran continuera ses « provocations par procuration », via des groupes qui lui sont proches, « en Irak et ailleurs dans la région ».

Reste que cette présence de deux porte-avions de l’US Navy dans le Golfe persique n’a pas dissuadé de nouveaux tirs de roquettes contre Camp Taji, ce 14 mars.

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