Idleb : Ankara lance l’opération « Bouclier de printemps » contre les forces syriennes

Le 27 février, des frappes aériennes attribuées aux forces syriennes ont fait au moins 33 tués dans les rangs des troupes turques déployées dans la province d’Idleb au titre du processus d’Astana et de l’accord de Sotchi, conclu avec la Russie.

Pour rappel, la Turquie avait obtenu d’établir une « zone de désescalade » dans la province d’Idleb, largement contrôlée par les jihadistes de l’organisation Hayat Tahrir Al-Cham et, dans une moindre mesure, par les groupes rebelles syriens qu’elle soutient. L’enjeu, selon Ankara, était d’éviter une offensive des forces syriennes et russes dans cette région, afin d’éviter un nouvel afflux de réfugiés vers son territoire.

Seulement, considérant que la Turquie ne tenait pas ses engagements à l’égard des groupes jihadistes, la Russie ne s’est pas opposée à l’offensive menée par Damas dans cette région. Mieux : elle l’a même soutenue. Ce qui, depuis mai 2019, donne lieu régulièrement à des tensions avec les forces turques. Tensions qui ont donc connu un nouveau pic le 27 février, malgré les avertissements répétés du président turc, Recep Tayyip Erdogan.

En effet, le 19 février, et après plusieurs incidents ayant coûté la vie à des soldats turcs, ce dernier avait menacé Damas de lancer une « offensive imminente » à Idleb.

« Il s’agit de nos dernières mises en garde […] Nous pourrons surgir une nuit sans crier gare. Pour le dire d’une manière plus explicite, une opération à Idleb est imminente. […] Nous avons fait tous nos préparatifs pour pouvoir appliquer nos propres plans. […] Nous sommes déterminés à faire d’Idleb une région sûre pour la Turquie et les populations locales, quel qu’en soit le prix », avait en assuré M. Erdogan.

Les dernières frappes syriennes contre les forces turques – qui se trouvaient alors au sein d’unités combattantes de groupes terroristes, selon Moscou – ont provoqué une riposte de la part d’Ankara. Mais, jusqu’à présent, on ignorait qu’elle avait été conduite dans le cadre de l’offensive qu’avait promise M. Erdogan.

« L’opération ‘Bouclier du Printemps’, déclenchée après la vile attaque du 27 février à Idleb, se poursuit avec succès », a en effet annoncé Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense, lors d’une allocution retransmise par la télévision, ce 1er mars.

La veille, les forces turques avaient multiplié les frappes contre leurs homologues syriennes. Et Ankara d’annoncer la destruction, pour la seule journée du 29 février, d’un système de défense aérienne Pantsir S-1 [via un drone], de 8 chars, de 4 véhicules blindés, de 5 obusiers, 2 lance-roquettes. En outre, ces raids auraient fait 56 tués dans les rangs syriens.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme [OSDH], les frappes turques ont fait 74 morts au sein des forces syriennes depuis le 27 février. La même source assure que 10 membres du Hezbollah libanais et quatre miliciens pro-Iran ont été tués.

Par ailleurs, un haut responsable turc, anonyme, a assuré, auprès de la presse, qu’une « installation d’armes chimiques » aurait été détruite à environ 13 km au sud d’Alep. Mais il est difficile de confirmer ou d’infirmer une telle déclaration. En tout cas, le président Erdogan a affirmé, ce 1er mars, que « 7 entrepôts de produits chimiques » avaient été visés.

Quoi qu’il en soit, M. Akar a précisé que le but de cette opération « Bouclier de printemps » est de « mettre fin aux massacres du régime [de Damas] et empêcher une vague migratoire ». Et de préciser qu’Ankara n’a « ni l’intention, ni l’envie d’entrer dans une confrontation avec la Russie. » Cependant, a-t-il dit, la Turquie attend de la Russie qu’elle fasse pression sur Damas pour « arrêter ses attaques ».

« Nous ne sommes pas en Syrie pour convoiter leurs terres ou bien le pétrole, nous sommes en Syrie pour la sécurité de notre frontière. […] Nous ne sommes pas là-bas en tant qu’invité d’Assad. Nous sommes là-bas en tant qu’invité du peuple syrien. Nous n’avons pas l’intention de quitter cette région tant que la population syrienne n’aura pas dit ‘C’est bon le travail est fini' », a fait valoir le président Erdogan, ce 1er mars.

En réponse à cette offensive, l’état-major syrien a annoncé la fermeture de l’espace aérien au-dessus de la province d’Idleb. « Tout avion qui viole notre espace aérien sera traité comme un avion ennemi qui doit être abattu et empêché d’atteindre ses objectifs », a rapporté l’agence Sana.

Ce qui a donné lieu à un premier engagement aérien entre les forces turques et syriennes. Engagement qui a tourné à l’avantage des premières puisque deux avions syriens, a priori des Su-24 « Fencer » ont été abattus.

Pour l’instant, la Russie n’a pas réagi aux annonces faites par Ankara.

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