Un destroyer chinois a visé un avion de patrouille américain P-8 Poseidon avec un laser

En octobre 2018, une étude publiée par la Fondation pour la recherche stratégique [FRS] rappelait que la Chine s’était engagée très tôt dans le mise au point d’armes laser à « vocation stratégique comme tactique ».

Ce qui semblait d’ailleurs « cohérent » avec sa doctrine de défense active, laquelle « prescrit une stratégie opérationnelle résolument offensive concentrée sur le déni d’accès de l’ennemi [comprendre les forces américaines principalement] » et vise, entre autres, « à contre-attaquer ou à attaquer de façon préemptive les ‘lignes extérieures’ de la puissance ennemie, notamment ses systèmes C4ISR [Computerized Command, Control, Communications – Intelligence, Surveillance, Reconnaissance].

Restait à savoir si l’Armée populaire de libération [APL] serait alors en mesure de déployer de telles armes. À ce propos, l’étude de la FRS évoquait l’hypothèse selon laquelle cela pouvait être effectivement le cas avec les destroyers de Type 052D de sa composante navale. Mais il n’y avait alors aucune certitude. Ce qui n’est peut-être plus le cas après l’incident que vient de dénoncer le commandement de la flotte américaine du Pacifique [USPACFLT].

En effet, dix jours après les faits, ce dernier a indiqué qu’un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon de l’US Navy avait été visé par un laser par un navire chinois alors qu’il volait au-dessus des eaux internationales, à environ 380 nautiques à l’ouest de l’île de Guam, où les États-Unis disposent d’une importante base militaire. Et donc au-dessus de la mer des Philippines.

« Le P-8A Poseidon évoluait dans l’espace aérien international conformément aux règles et réglementations internationales. Les actions du destroyer de la République populaire de Chine ont été dangereuses et non professionnelles », a fait valoir la marine américaine.

Selon cette dernière, le navire chinois impliqué dans cet incident serait le « Hohhot », un destroyer de type 052D [ou Luyang III] portant le numéro 161. Ce bâtiment, affecté à la flotte de la mer du Sud de l’APL, est entré en service en janvier 2019.

Le laser utilisé par le navire chinois n’était « pas visible à l’oeil nu mais il a été détecté en vol par les capteurs embarqués » à bord de l’avion de patrouille maritime, a précisé la flotte américaine du Pacifique. Ce qui signifie que le faisceau pointé vers le P-8A Poseidon a été émis dans le spectre infrarouge.

« Les lasers de qualité militaire peuvent potentiellement causer de graves dommages aux équipages et aux marins, ainsi qu’aux navires et aux aéronefs », a encore souligné la marine américaine, pour qui le comportement du destroyer chinois a violé le « Code des rencontres imprévues en mer » qui, conclu lors du Symposium naval du Pacifique occidental de 2014 afin de réduire les risques d’incident, traite « spécifiquement de l’utilisation de lasers qui pourraient blesser le personnel ou endommager l’équipement. »

« Les actions du destroyer étaient également incompatibles avec un protocole d’accord entre le département américain de la Défense et le ministère de la Défense de la République populaire de Chine concernant les règles de comportement pour la sécurité des rencontres aériennes et maritimes », a encore fait valoir l’US Navy.

Cela étant, le P-8A Poseidon a pu rejoindre la base aérienne de Kadena [Japon], où il a été inspecté pour voir s’il n’avait pas subi de dommages.

Pour le moment, le ministère chinois de la Défense n’a pas réagi aux accusations américaines, l’incident n’ayant d’ailleurs pas été évoqué lors de la dernière conférence de presse hebdomadaire de son porte-parole, le 28 février.

En revanche, le quotidien Global Times, contrôlé par l’État chinois, a décrit les accusations de l’US Navy comme étant une « tentative évidente de faire un battage médiatique sur la théorie de la ‘menace chinoise’ afin d’augmenter son budget. »

« Le navire de guerre chinois effectuait un entraînement normal dans les eaux internationales, et l’utilisation d’équipements connexes au cours de cet entraînement est conforme au droit international. Comparé à l’entraînement prévu par le navire de guerre chinois, l’avion de guerre américain qui s’approchait rapidement était l’agressif », a encore fait valoir le journal.

Photo : P-8A Poseidon – US Navy

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