Sous-marins : Pour son Pdg, Naval Group est la cible d’une « campagne malveillante » en Australie

Arrivé au terme de son mandat à la tête de Naval Group, Hervé Guillou va laisser un groupe en bonne santé à son successeur, désigné Pierre-Eric Pommellet.

En effet, en 2019, le constructeur naval militaire a affiché un chiffre d’affaires de 3,7 milliards d’euros, une marge opérationnelle de 7,6% et un résultat net consolité de 188,2 millions. Des chiffres à comparer avec ceux trouvés par M. Guillou il y a cinq ans : à l’époque, Naval Group [ex-DCNS] n’avait pratiquement plus de trésorerie et accusait une perte de 336 millions d’euros…

Même si la concurrence se fait forte – d’où le nouvel appel lancé par M. Guillou, le 21 février, à une consolidation de l’industrie navale militaire européenne, Naval Group dispose d’un carnet de commandes de 15 milliards d’euros. De quoi lui assurer quatre ans de chiffre d’affaires.

Cela étant, certains contrats sont plus délicats à gérer que d’autres… Tel est le cas de celui portant sur l’acquisition de 12 sous-marins Shorfin Barracuda par l’Australie [programme « Attack »]. Pour rappel, Naval Group avait été choisi en 2016 par Canberra aux dépens de l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS] et du consortium japonais formé par Heavy Industries et Kawasaki Heavy Industries.

D’une valeur totale de 50 milliards de dollars australiens sur 50 ans, ce programme concerne Naval Group mais également Lockheed-Martin, qui fournira le système de combat des futurs sous-marins de la Royal Australian Navy [RAN]. Ainsi que de nombreux sous-traitants.

Seulement, en janvier, le Bureau national d’audit australien [ANAO] a rendu un rapport [.pdf] dans lequel il a pointé un retard de 9 mois dans la phase de design des sous-marins Attack, laquelle « représente 47 % des coûts à ce jour. » Et ce document n’a pas livré de recommandations particulières pour la poursuite du programme [hormis des « points d’attention »], l’opposition au Premier ministre conservateur, Scott Morrisson, des groupes de pression proches de certains sous-traitants écartés du projet et la presse ont alimenté la polémique.

Ainsi, selon des médias locaux, le Naval Shipbuilding Advisory Board, un organe consultatif, aurait même recommandé au gouvernement australien de s’interroger sur la poursuite du projet. Ce qui a été fermement démenti par le ministère australien de la Défense.

Et, visiblement, chaque mot prononcé maladroitement par tel responsable peut faire l’objet de mauvaises interprétations. Le Pdg de la filiale australienne de Naval Group en a récemment fait l’expérience. Évoquant les défis que devait relever l’industrie locale, il a prévenu que la part australienne dans le programme Attack pourrait être inférieure à 50% en raison de problèmes de sous-traitance.

Et d’expliquer que Naval Group Australia fait face à des « défis spécifiques » liés à l’industrie australienne « dont il ne fait que prendre connaissance. » Évidemment, certains ont voulu y voire une tentative pour priver les sous-traitants australiens d’une partie du contrat…

« Tout est mis en oeuvre pour que l’industrie australienne soit totalement impliquée », s’est ensuite justifié Naval Group à Paris, en soulignant que plus de 137 sous-traitants australiens avaient déjà été intégrés au projet.

Lors d’une récente audition au Sénat, M. Guillou avait évoqué ces attaques contre son groupe en Australie. « En ce qui concerne le contrat australien, c’était là une attaque médiatique à charge, qui a ensuite été relayée par un certain nombre de médias qui ne nous veulent pas que du bien. L’État australien a été le premier à défendre Naval Group et notre partenariat. Le seul point qui pourrait faire l’objet de critiques est que nous avons effectivement décalé de 5 semaines une revue de conception, en raison d’évolutions opérationnelles qui nécessitent des études supplémentaires. Sur un programme de 25 ans, je ne pense pas que cela soit un problème… La première livraison reste fixée à 2032 et je ne vois pas de raison de penser qu’elle ne sera pas honorée », avait-il expliqué.

Le 21 février, le Pdg de Naval Group est revenu à la charge. « Ces critiques sont totalement malveillantes et totalement infondées […] Ceci est une campagne malveillante qui n’a aucune raison d’être », a-t-il déclaré.

« Nous sommes en train de travailler sur les modalités des transferts de technologies, nous sommes en train de construire un chantier à Adélaïde et les industriels eux-mêmes reconnaissent l’effort considérable que nous faisons », a poursuvi M. Guillou. « Tout ceci se déroule normalement, il faut juste comprendre que nous sommes une entreprise du temps long, que ces transferts de technologies sont complexes parce que c’est de la haute technologie et que cela va prendre du temps », a-t-il ajouté.

La semaine passée, la ministre française des Armées, Florence Parly et celle de la Défense australienne, Lynda Reynolds, ont publié un communiqué pour réaffirmer le « plein engagement » de la France et de l’Australie à mener le programme Attack à son terme.

« Nous avons passé en revue ce jour la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat Stratégique qui forme la base du Future Submarine Program. Nous avons toutes les deux réaffirmé notre plein engagement envers le programme, son calendrier et la montée en charge des capacités industrielles australiennes. Nous nous sommes mises d’accord sur un processus de suivi – à notre niveau – de la mise en œuvre du programme, sur une base trimestrielle cette année, avec une réunion en France en avril et une autre en Australie à mi-année. […] Nous sommes déterminées à travailler ensemble pour en faire un succès », en effet assuré les deux ministres.

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