Syrie/Idleb : La Turquie suggère aux États-Unis de lui livrer des batteries de défense aérienne Patriot

Le 12 février, après des accrochages entre les forces syriennes et turques dans la province d’Idleb, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait menacé de frapper « partout » le régime syrien en cas de nouvelle attaque contre ses troupes.

« Si la moindre blessure arrivait à nos soldats sur les postes d’observation ou ailleurs, […] nous frapperons les forces du régime [syrien] partout à partir d’aujourd’hui, et ce indépendamment des frontières d’Idleb ou de l’accord de cessez-le-feu de Sotchi » signé en 2018 ave la Russie, avait en effet prévenu M. Erdogan. « Nous le ferons par tous les moyens nécessaires, par voie aérienne ou terrestre, sans hésiter », avait-il insisté.

Contrôlée par les jihadistes de l’organisation « Hayat Tahrir Al-Cham » et des groupes rebelles soutenus par Ankara, le gouvernorat d’Idleb est le théâtre d’une offensive lancée avec le soutien de la Russie par les forces syriennes. Ce que la Turquie voulait justement éviter, en mettant en avant que cela provoquerait un afflux de réfugiés sur son territoire.

D’où les accords d’Astana et de Sotchi, lesquels firent de la province d’Idleb une « zone de désescalade », avec la mise en place de douze postes d’observation turcs. De son côté, la Russie a justifié l’offensive en cours par le fait que la Turquie « ne faisait rien pour neutraliser les terroristes », contrairement aux engagements qu’elle avait pris.

Quoi qu’il en soit, le 20 février, et malgré les avertissements répétés de M. Erdogan, deux soldats turcs ont été tués [et cinq autres blessés] par une frappe aérienne dans la région d’Idleb. Ce qui, selon le ministère turc de la Défense, a donné lieu à une « riposte » par des bombardements. Le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun, a accusé le régime syrien d’avoir été à l’origine de cette attaque. « Le sang de nos martyrs ne restera pas sans vengeance », a-t-il fait valoir.

Le même jour, et alors que les relations entre Ankara et Moscou se sont refroidies en raison des opérations menées à Idleb, le ministère russe de la Défense a appelé le gouvernement turc à cesser son soutien aux « groupes terroristes », après avoir dénoncé des tirs qui, venus des positions turques, ont blessé quatre soldats syriens.

« La partie turque doit cesser de soutenir les actions des groupes terroristes et de leur donner des armes », a en effet affirmé l’état-major russe, expliquant que des « formations terroristes ont mené plusieurs attaques massives » venaient de lancer des attaques « massives » contre les positions syriennes dans les secteurs d’Al-Nayrab et de Qaminas, situés au sud d’Idleb. Et de préciser que ces assauts avaient été brisés par des frappes aériennes réalisées par des Su-24 « Fencer ». Un char, six blindés et cinq véhicules tout-terrain « lourdement armés » auraient ainsi été détruits.

La diplomatie russe, par la voix de sa porte-parole, Maria Zakharova, s’est ensuite dite « très préoccupée par le soutien des forces armées turques aux combattants » et un « tel incident viole les accords russo-turcs […] et risque de provoquer une nouvelle escalade du conflit dans cette partie du territoire national syrien. »

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], ces combats auraient fait 27 tués, dont les deux militaires turcs, 14 rebelles soutenus par Ankara et 11 soldats syriens.

Dans cette affaire, les États-Unis ont déjà fait part de leur soutien à la Turquie, alors que les relations entre les deux pays n’étaient jusqu’alors pas au mieux de leur forme, notamment à cause de l’achat par Ankara de systèmes russes de défense aérienne S-400 et de l’offensive lancée par M. Erdogan dans le nord-est de la Syrie contre les milices kurdes syriennes [YPG], alliées de la coalition anti-EI [opération Inherent Resolve].

D’où la suggestion faite par Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense. « Il y a une menace de frappes aériennes, de missiles contre notre pays. […] Il pourrait y avoir un soutien avec des [batteries de défense aérienne] Patriot », a-t-il dit, le 20 février, à l’antenne de CNN Turk. Cependant, ses propos avaient été enregistrés quelques heures avant la mort des deux soldats turcs dans la province d’Idleb.

« Nous n’avons aucune intention d’affronter la Russie », a encore assuré M. Akar, avant de préciser que les discussions avec Moscou allaient se poursuivre, notamment pour régler les problèmes relatifs à la gestion de l’espace aérien au-dessus d’Idleb.

S’agissant des batteries de défense aérienne Patriot, M. Akar a précisé qu’il ne s’agissait pas de solliciter les États-Unis pour envoyer des soldats en Turquie pour les mettre en oeuvre. A priori, Ankara souhaiterait plutôt que Washington lui en livre quelques exemplaires. Ce qui n’est guère probable… étant donné que le minitre turc a une nouvelle fois assuré que les S-400 acquis auprès de la Russie seraient bien activés. « N’ayez aucun doute là-dessus », a-t-il dit.

Or, non seulement ces batteries S-400 ne sont pas inter-opérables avec les systèmes utilisés par l’Otan mais ils sont aussi incompatibles. D’où, d’ailleurs, des tensions entre Ankara et les autres membres de l’Alliance atlantique.

À noter que l’Otan a maintenu son opération « Active Fence », laquelle vise à protéger le territoire turc contre la menace de missiles en provenance de la Syrie. Actuellement, l’Espagne et l’Italie ont déployé des systèmes Patriot et SAMP/T.

Cela étant, le 20 février, l’Otan a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo évoquant ce que la Turquie lui apporte, avec les mots clés « #Turkey is NATO, #WeAreNATO. » Il s’agissait ainsi de célébrer le 58e anniversaire de l’adhésion d’Ankara à l’Alliance… avec deux jours de retard. La Grèce, qui fut admise en même temps, n’a pas eu droit à autant d’égards…

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