La Turquie menace la Syrie de lancer une opération militaire « imminente » dans la région d’Idleb

Redoutant un afflux de réfugiés vers son territoire et voulant protéger les groupes rebelles qu’elle soutient contre une éventuelle offensive des forces gouvernementales syriennes, la Turquie avait obtenu auprès de la Russie un accord visant à faire de la province d’Idleb, alors en grande partie contrôlée par les jihadistes du Hayat Tahrir Al-Cham [HTS], une « zone de désescalade ». Elle y installa une douzaine de postes d’observation.

Seulement, en 2019, les forces syriennes, appuyées par leurs homologues russes, sont passées à l’offensive, reprenant le contrôle de plusieurs localités, dont celle, stratégique, de Khan Cheikhoun, en août. Puis elles ont continué leur progression, jusqu’à s’emparer, ces derniers jours, de Saraqeb et du secteur de Rachidine Al-Rabea [dans la province d’Alep], ce qui fait qu’elles ont désormais la maîtrise de l’autoroute M5, qui relie le sud de la Surie à Alep via Damas.

Cependant, ces avancées ont été marquées par des frictions avec les forces turques présentes à Idleb. Ainsi, le 3 février, plusieurs soldats turcs ont été tués par des tirs syriens. Ce qui a donné lieu à une vive riposte de la part d’Ankara. Le même scénario s’est produit une semaine plus tard.

Dans le même temps, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a multiplié les menaces et les avertissements à l’endroit de Damas tout en reprochant à Moscou de ne pas respecter les accords précédemment conclus au sujet de la zone de désescalade d’Idleb.

Ce qui a été contesté par Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, qui a renvoyé l’accusation à Ankara, en faisant valoir que la Turquie « ne faisait rien pour neutraliser les terroristes » de la région d’Idleb alors qu’elle s’y était engagée lors des accords de Sotchi et d’Astana.

« Il faut que le régime syrien arrête les hostilités et se retire derrière les frontières de l’accord [d’Astana]. Sinon nous en occuperons avant la fin du mois de février », a encore répété M. Erdogan, le 15 février. « Nous aimerions le faire avec le soutien de nos amis. Mais
si nous devons le faire de façon plus musclée, nous le ferons », a-t-il ensuite ajouté, en s’adressant aux Occidentaux.

Évidemment, la situation trouble le rapprochement entre Ankara et Moscou. Toutefois, selon des propos rapportés par la chaîne NTV, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, aurait estimé que les divergences de vues sur la Syrie « ne doivent pas affecter les relations turco-russes. »

En outre, dans cette affaire, et après des mois de dissensions, les États-Unis ont apporté leur soutien à la Turquie. « Nous comprenons et soutenons les préoccupations turques légitimes justifiant la présence des forces turques en Syrie et notamment à Idleb », a ainsi affirmé James Jeffrey, le représentant spécial américain pour la Syrie. « Quand la Russie, l’Iran et Assad vont constater qu’ils ne pourront pas progresser davantage sans entrer en conflit avec nous ou avec la Turquie, ils réaliseront qu’il est temps de revenir à la table de négociations à Genève pour résoudre ce conflit par les moyens diplomatiques », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, M. Erdogan a de nouveau menacé Damas qu’il s’exposait à une opération militaire turque « imminente » s’il ne retirait pas ses troupes de certaines positions qu’elles occupent actuellement à Idleb, où les combats ont provoqué l’exode de 900.000 civils.

« Il s’agit de nos dernières mises en garde […] Nous pourrons surgir une nuit sans crier gare. Pour le dire d’une manière plus explicite, une opération à Idleb est imminente », a lancé M. Erdogan, ce 19 février. « Nous avons fait tous nos préparatifs pour pouvoir appliquer nos propres plans. […] Nous sommes déterminés à faire d’Idleb une région sûre pour la Turquie et les populations locales, quel qu’en soit le prix », a-t-il insisté.

« Malheureusement, ni les discussions menées dans notre pays et en Russie, ni les négociations menées sur le terrain ne nous ont permis d’obtenir le résultat que nous voulons », a encore déploré le président turc. « Nous sommes très éloignés du point que nous voulons atteindre, c’est un fait. Mais les discussions [avec les Russes] vont se poursuivre », a-t-il cependant assuré.

À Moscou, le Kremlin a confirmé la poursuite des discussions avec la Turquie. Mais s’agissant de la dernière mise en garde de M. Erdogan, il a été très clair : « S’il s’agit d’une opération contre le pouvoir légitime de la république syrienne et des forces armées de la république syrienne, ce sera, sans doute bien sûr, la pire des options », a fait valoir son porte-parole. En revanche, a-t-il continué, une opération turque contre des « groupes terroristes » dans la province d’Idleb irait « dans le sens de l’accord de Sotchi ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]