La disponibilité des chasseurs-bombardiers F-16 fait polémique en Pologne

On savait que les 28 MiG-29 de la force aérienne polonaise, hérités de la période soviétique, n’affichait pas un taux de disponibilité satisfaisant. D’où, d’ailleurs, la décision de Varsovie de les remplacer dans le cadre du programme Harpia, pour lequel 32 avions de 5e génération américain F-35A ont été commandés pour pour 4,6 milliards de dollars.

Cependant, cette acquisition, annoncée fin janvier par Mariusz Blaszczak, le ministre polonais de la Défense, n’est pas épargnée par les critiques, venant notamment de l’opposition, et en particulier de la formation centriste « Plateforme civique ». En effet, Joanna Kluzik-Rostkowska, députée issue de ce parti politique, a dénoncé les conditions dans lesquelles les négocations ont été menées avant la signature du contrat relatif aux F-35.

« Premièrement, le ministre Blaszczak a annoncé leur achat puis a entamé des négociations, ce qui a évidemment affaibli la position polonaise lors des discussions. Je suis également préoccupé par le refus persistant du ministère de la Défense nationale de fournir aux députés des informations à ce sujet et lorsque nous l’avons interrogé sur l’achat des F-35 quelques jours avant la fin janvier, il il n’a même pas été en mesure de fournir son montant », a confié Mme Kluzik-Rostkowska au site Onet, avant de préciser qu’elle demanderait une réunion de la commission de la Défense nationale pour évoquer cette affaire.

Mais tel n’est pas le seul grief adressé à Mariusz Blaszczak. Ces dernières semaines, Onet a publié une série d’articles sur la situation de la force aérienne polonaise. Si ces papiers n’ont pas manqué de souligner le mauvais état des MiG-29 « Fulcrum » [seulement six seraient en état de vol, nldr], ils ont également affirmé que celui des F-16 C/D Block 52+, acquis en 2003, n’était qu’à peine meilleur, de nombreux avions étant cloués au sol, faute de pièces détachées pour les maintenir en condition opérationnelle. D’où le recours à la « cannibalisation » [qui consiste à prélever des composants sur un appareil pour en équiper un autre] afin de pouvoir disposer de 30 à 40% de la flotte.

En outre, le nombre de pilotes qualifiés serait également insuffisant, beacoup ayant cédé aux sirènes de l’aviation commerciale. Le chiffre de 23 a été avancé… ce qui fait que même si tous les F-16 étaient aptes à voler, la force aérienne polonaise ne pourrait pas en aligner plus qu’elle ne compte de pilotes confirmés.

Le ministère polonais de la Défense a vivement réagi à la publication de ces articles en accusant Onet de propager de « fausses informations ». Cependant, la députée Kluzik-Rostkowska a confirmé les éléments avancés par le site, assurant qu’elle les avait obtenus auprès d’autres « sources indépendantes. » Aussi a-t-elle posé pas moins de 13 questions écrites aux services de Blaszczak pour éclaircir cette affaire.

« Combien de F-16 sont actuellement capables de voler? Combien de MiG-29 sont actuellement capables de voler? Comment comptez-vous utiliser pleinement le potentiel du F-35, si nous ne sommes pas en mesure d’utiliser celui du F-16? En plus d’acheter le F-35, le ministre a-t-il un plan pour sortir la force aérienne polonaise de l’effondrement, d’autant plus qu’elle atteindra l’état de préparation au combat dans les 8 à 10 ans au plus tôt? », a ainsi demandé, Mme Kluzik-Rostkowska.

Pour le moment, la parlementaire n’a pas reçu les réponses qu’elle attend. Mais c’est vers le site Defence24 que l’état-major polonais s’est tourné pour livrer quelques explications et relativiser, au passage, les informations d’Onet.

Pour commencer, et après avoir souligné que le nombre d’appareils aptes à prendre part à un engagement opérationnel est une « information sensible », il a rappelé qu’un avion est considéré comme « disponible » quand il est en mesure d’effectuer dans un certain délai l’une des missions correspondant à son emploi.

Ce qui veut dire qu’un taux de disponibilité de 100% d’une flotte est impossible dans la mesure où plusieurs appareils seront toujours immobilisés pour des opérations de maintenance. Et, dans ces conditions, l’essentiel est de pouvoir en disposer suffisamment au bon moment.

Cela étant, l’état-major polonais a indiqué que le taux de disponibilité des F-16 était compris entre 40 et 70%. Et qu’il se situait plutôt dans la partie haute de cette fourchette. Soit 55% au moins [ce qui ferait 26/27 avions disponibles]. Voire 70% [dont 33-34 F-16 disponibles].

Selon Defence24, le taux de disponibilité des F-16C de l’US Air Force serait de 70,03% et celui des F-16D de 66,24%. Et d’en conclure que celui des F-16 polonais, pourtant moins âgés que leurs homologues d’outre-Atlantique, était donc « légèrement inférieur ». Et l’explication viendrait de la processus d’approvisionnement en pièces détachées, qui seront plus long que pour les appareils américains.

Mais le site rappelle un autre chiffre : le taux de disponilité des avions de 5e génération de l’US Air Force n’est que de 50% environ… Notamment à cause des problèmes de jeunesse du F-35A.

Reste qu’une question est restée sans réponse : celle concernant le nombre insuffisant de pilotes qualifiés. Ce problème ne serait propre à la Pologne : d’autres forces aériennes, à commencer par l’US Air Force, y sont confrontées. Mais Mme Kluzik-Rostkowska finira bien par obtenir un jour des précisions sur ce sujet.

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