Contre les ondes de choc, on n’a rien fait de mieux depuis le casque français Adrian de 1915, dit une étude

Actuellement, l’US Army a l’intention d’équiper progressivement ses soldats avec un nouveau casque qui, appelé Gen II IHPS [Integrated Head Protective System], est plus léger tout en offrant un niveau de protection balistique plus élevé. Et il est possible d’y fixer une mentonnière, afin de protéger intégralement la tête du combattant.

En France, dans le cadre du programme « Combattant 2020 », le Centre Interarmées du Soutien Équipements du Commissariat [CIEC] et la Section technique de l’armée de Terre [STAT] ont mis au point le casque F3 qui, grâce à sa coque aramide [kevlar, ndlr] assurera une meilleure protection contre les éclats et les tirs de balles de 9 mm.

Cela étant, un casque ne sert pas seulement à protéger le combattant contre les éclats d’obus et les balles… mais aussi à le préserver contre les ondes de choc créées par les explosions, lesquelles peuvent provoquer des hémorragies ou des commotions cérébrales, comme l’ont montré les récents tirs de missiles iranien contre deux bases irakiennes abritant des militaires américains, en janvier dernier.

Sur ce point, l’armée française avait visiblement un siècle d’avance avec son casque Adrian, distribué à ses soldats à partir de 1915. C’est en effet ce que tend à démontrer une étude réalisée par des chercheurs de l’Université Duke, à Durham [Caroline du Nord] et intitulée « Protection contre les ondes de choc primaires dans la conception des casques de combat : une comparaison historique entre aujourd’hui et la Première Guerre mondiale. »

« Les casques militaires modernes ne protègent pas mieux le cerveau des ondes de chocs créées par une exploision que leurs équivalents de la Première Guerre Mondiale », affirme cette étude. Mais un modèle en particulier fait mieux que tous les autres : le casque Adrian de 1915.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont placé différents modèles de casques [dont le « Brodie » britannique et le « Stahlhelm » allemand, apparus lors de la Première Guerre Mondiale] sur la tête d’un mannequin équipé de capteurs de pression. Puis, ils l’ont placé sous un tube à choc [qui reproduit et concentre les ondes de détonation], mis sous pression avec de l’hélium jusqu’à ce qu’une paroi de la membrane éclate, libérant ainsi le gaz dans une onde de choc.

Chaque casque a été testé « avec des ondes de choc de force variable, correspondant chacune à un type différent d’obus d’artillerie, explosant à une distance de un à cinq mètres », explique l’étude. La pression ainsi exercée était similaire à celle reconnue pour causer des lésions cérébrales.

Résultat : le risque d’hémorragie cérébrale est de 50% sans casque, de moins de 10% avec les casques Brodie et Stahlhelm, de 5% avec le casque encore en vigueur au sein de l’US Army et de seulement 1% avec l’Adrian français.

« Le résultat est surprenant parce que le casque français a été fabriqué avec des matériaux similaires à ceux de ses homologues allemands et britanniques et que sa coque est plus fine », a commenté Joost Op ‘t Eynde, l’un des auteurs de cette étude.

Mais le casque Adrian avait une particularité : réminiscence des casques de cavalerie, il était doté d’un cimier. Et c’est ce qui explique les résultats de l’étude étant donné que ce dispositif permet d’amortir les chocs.

« Le casque Adrian doit protéger les soldats des éclats des obus qui explosent au-dessus des tranchées. La présence d’un cimier est destinée à amortir les chocs venant par le dessus [le cimier s’écrase, puis le choc est transmis à la bombe du casque]. Il s’inspire de la bourguignotte du Moyen Âge et n’est pas conçu pour arrêter directement une balle de fusil ou de mitrailleuse. Il est fabriqué à partir d’une plaque de 33 cm de diamètre dans une tôle d’acier laminé d’une épaisseur de 0,7 mm ; ne pesant que 670 à 750 grammes », rappelle une chronique des Archives du Pas-de-Calais dédiée à la Grande Guerre.

« Mais quel que soit le casque testé, les résultats indiquent clairement que les casques pourraient jouer un rôle particulièrement important dans la protection contre les traumatismes cérébraux induits par une explosion légère. Selon les chercheurs, cette découverte à elle seule montre l’importance de poursuivre ce type de recherche pour concevoir des casques qui peuvent mieux absorber les ondes de choc », résume le communiqué publié par l’Université Duke.

« Avec tous les matériaux modernes et les capacités de fabrication que nous possédons aujourd’hui, nous devrions être en mesure d’améliorer la conception des casques afin de mieux protéger les soldats contre les ondes de choc », conclut Joost Op ‘t Eynde.

Par ailleurs, le nouveau casque Gen II IHPS de l’US Army [photo ci-dessus] n’est sans doute pas aussi « innovant » qu’on peut le penser. En 1916, l’armée française avait en effet aussi imaginé des moyens visant à protéger la face de ses soldats contre les éclats d’obus.

Ainsi, le médecin aide-major de 1ère classe Aron Polack, de la Mission d’essais, Vérifications et Expériences techiques, inventa une visière en métal s’adaptant sur l’avant du casque Adrian. Mais elle fut abandonnée étant donné qu’elle gênait la vision des soldats ainsi que le port du masque à gaz. Elle fut alors remplacée par la visière Dunand. Si elle n’empêchait plus de porter le masque à gaz, cette dernière, munie de nombreuses fentes horizontales, provoquait un malaise visuel quand le soldat se mettait en mouvement. Aussi fut-elle également écartée… et tomba dans l’oubli.

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