L’US Air Force fait le tri dans ses projets d’armes hypersoniques

Étant donné qu’ils lancèrent le programme « Prompt Global Strike » [CPGS] en 2001, on pouvait penser que les États-Unis prendraient une avance confortable dans le développement d’armes hypersoniques, d’autant plus que plusieurs tests d’engins hypervéloces furent conduits, avec des fortunes diverses, au cours de ces dernières années.

Finalement, dans ce domaine, la Russie et la Chine ont pris les devants. Ainsi, en décembre, Moscou a annoncé la mise en service de son système hypersonique « Avanguard » et continue le développement du Kinjal, un missile devant être mis en oeuvre par des avions MiG-31K. Évidemment, étant désormais à la traîne, les États-Unis mettent les bouchées doubles pour combler l’écart.

« Bon, j’ai dit à Donald [Trump], si tu veux, on te les vend [des systèmes hypersoniques, ndlr]. Comme cela, on pourrait immédiatement tout rééquilibrer. Cependant, ils disent qu’ils en produiront bientôt eux-mêmes. Peut-être qu’ils en produiront bientôt. Mais à quoi bon dépenser de l’argent, alors que nous en avons déjà dépensé », a même ironisé Vladimir Poutine, en septembre 2019.

En janvier, le président Trump a indiqué que les États-Unis étaient en train de fabriquer de « nombreux missiles hypersoniques ». En réalité, du moins officiellement, plusieurs projets sont en cours. Et chaque branche armée [ou presque] a le sien. Voire plusieurs.

Pour le moment, l’US Navy se fait plutôt discrète sur ce sujet. Mais son secrétaire par intérim, Thomas Modly, a dit vouloir accentuer les efforts pour doter la marine américaine de telles armes.

Dans une note publiée le 30 janvier [SECNAV Vectors 9], M. Modly a fait un parallèle avec l’envoi dans l’espace de Spoutnik, le premier satellite artificiel conçu par l’Union soviétique. Ce rappel historique « devrait nous faire prendre conscience que des percées technologiques majeures telles que les armes hypersoniques peuvent déstabiliser la sécurité mondiale et constituer une menace existentielle pour notre nation », a-t-il écrit. « En fait, les applications possibles des technologies hypersoniques ont déjà changé la nature de l’espace de bataille, tout comme la technologie nucléaire l’a fait au siècle dernier », a-t-il ajouté.

Quant à l’US Army, elle n’entend pas être en reste. Elle a ainsi lancé le projet « Long-Range Hypersonic Weapon » [LRHW], c’est à dire une arme hypersonique mise en oeuvre par un lanceur monté sur un camion. Ce système reposerait sur un « missile balistique universel à propulsion solide à moyenne portée » [appelé AUR, pour All-Up Round] et le Common Hypersonic Glide Body [C-HGB], c’est à dire un planeur hypersonique qui doit être commun aux trois armées. Les groupes Dynetics Technical Solutions et Lockheed-Martin sont impliqués dans ce projet.

Enfin, l’US Air Force a lancé deux programmes : l’Hypersonic Conventional Strike Weapon [HCSW, prononcer « Hacksaw », ndlr], pour lequel Lockheed-Martin a obtenu un contrat de 928 millions de dollars en 2018, et l’Air Launched Rapid Response Weapon » [ARRW, ou ARROW]. En outre, d’autres projets de recherche sont en cours sous l’égide de la DARPA [l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation], dont l’Hypersonic Air-breathing Weapon Concept [HAWC] et le Tactical Boost Glide [TBG].

Cela étant, alors qu’elle vient d’indiquer qu’elle demanderait un budget de 207,2 milliards de dollars pour le prochain exercice fiscal, l’US Air Force a fait part de son intention d’abandonner le programme HCSW pour mieux se concentrer sur celui qui semble actellement le plus avancé, c’est à dire l’ARRW, pour lequel Lockheed-Martin a également obtenu un contrat de 988,2 millions de dollars.

« En raison des priorités budgétaires, il a été décidé de sélectionner qu’un seul programme d’arme hypersonique cette année afin de concentrer les efforts sur l’ARRW, qui est en bonne voie pour obtenir une capacité opérationnelle initiale en 2022 », a expliqué Ann Stefanek, la porte-parole de l’US Air Force.

Pour rappel, les premiers essais du système ARRW, qui repose sur le missile AGM-183A, ont eu lieu en juin 2019, avec l’implication d’un bombardier stratégique B-52H Stratofortress. « Le prototype ne contenait pas d’explosifs et il n’a pas été libéré du B-52 pendant les essais en vol. Ce type de collecte de données est requis pour tous les systèmes d’armes de l’US Air Force en cours de développement », avait-il été expliqué à l’époque.

Dans sa demande de budget pour 2021, l’US Air Force entend investir 382 millions de dollars dans le développement de systèmes hypersoniques, contre 576 millions cette année.

Le HCSW devait être une arme hypersonique pouvait être mise en oeuvre par les chasseurs-bombardiers contre des cibles situées dans des environnements fortement contestés. Les travaux sur ce système vont se poursuivre encore pendant quelques semaines, du moins jusqu’à un examen « critique » de conception, prévu en mars. En tout cas, les avancées que ce programme a permis d’obternir « permettront d’accélérer la génération et la démonstration de diverses capacités d’armes hypersoniques dans un avenir proche », a expliqué Mme Stefanek.

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