Malgré des réserves, les députés allemands ouvrent la voie à la mise au point d’un démonstrateur du SCAF

Étant donné que le président Macron est attendu le 15 février prochain en Allemagne, où il participera à la Conférence sur la sécurité de Munich, un vote négatif du comité des Finances du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr] au sujet du contrat de Recherche et technologie [R&T] relatif au Système de combat aérien du futur [SCAF] aurait été du plus mauvais effet.

Pour rappel, ce contrat, d’une valeur totale de 150 millions d’euros, aurait dû être attribué à Dassault Aviation et à Airbus Defence & Space [ADS] lors du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, en juin 2019.

Puis, les désaccords entre Paris et Berlin sur la politique en matière d’exportation d’armes ainsi que les atermoiements concernant le développement du char de combat du futur [également menée dans le cadre d’une coopération franco-allemande] eurent pour conséquence de retarder le dossier. Et il avait été alors dit que le contrat serait attribué en janvier 2020. Ce qui n’a donc pas été le cas puisque le Bundestag ne s’était pas encore prononcé, comme il est fondé à le faire quand il est question d’un investissement supérieur à 25 millions d’euros.

Or, un feu vert des députés allemands n’était pas forcément acquis d’avance. Au-delà des tracas politiques auxquels la ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, fait face [au point de renoncer à la chancelière Angela Merkel], certains élus ont fait part de leurs réticences à voter pour ce projet en l’étant, dans la mesure où il ferait une part trop belle à l’industrie française aux dépens de celles d’outre-Rhin.

Les tensions au niveau des motoristes appelés à participer au développement du SCAF, à savoir le français Safran et l’allemand MTU Aero Engines, en sont ainsi un exemples. Des membres du Bundestag estimèrent en effet que le partage industriel était trop à l’avantage de l’industriel français. Et cela même si l’expérience de MTU dans le domaine des moteurs d’avions de combat était des plus limitées. Finalement, un accord fut trouvé en décembre dernier.

Ces réserves des parlementaires allemands expliquent la tribune publiée en janvier dans les colonnes du Figaro par les chefs d’état-major des forces aériennes des trois pays impliqués dans le programme [France, Allemagne et Espagne] ainsi que les propos tenus récemment par Florence Parly, la ministre française des Armées, à leur endroit. En effet, elle leur avait expliqué que leur vote aurait une « importance décisive » et qu’il enverrait un « signal politique fort, sur la volonté de nos deux pays de construire l’Europe de la défense. »

Quoi qu’il en soit, ce 12 février, les députés allemands n’ont donc pas voulu prendre le risque de couper ce « signal politique fort » et de faire tanguer davantage la relation franco-allemande. En effet, à l’exception des élus Verts [le président Macron rencontrera leurs responsables à Munich, ndlr] et du parti Die Linke, ils ont débloqué les 77 millions d’euros de crédits nécessaires au développement d’un démonstrateur du New Generation Fighter, l’avion de combat de nouvelle génération sur lequel reposera le SCAF [qui mettra en réseau chasseurs-bombardiers, effecteurs, drones, satellites, etc… dans une logique de combat collaboratif].

« Nous allons le faire car nous ne voulons pas détériorer les relations franco-allemandes, et ce juste avant la venue du président français Emmanuel Macron ce week-end en Allemagne pour la Conférence sur la sécurité de Munich », avait pris soin d’expliquer, rapporte l’AFP, Rainer Brandl, le rapporteur du projet à la commission du Budget.

Cependant, ce feu vert s’accompagne de quelques conditions. Et cette victoire d’un jour pourrait ne pas avoir de lendemain… En effet, les députés allemands demandent des garanties pour que les intérêts des industriels d’outre-Rhin soient mieux pris en compte et que le projet de char du futur [Main Ground Combat System, MGCS], conduit par l’Allemagne, puisse avancer au « même rythme » que le SCAF.

« Le programme de l’avion de chasse, piloté par les Français, progresse vite, alors que celui du char est à la traîne », a fait valoir un député allemand auprès de l’AFP. Sur ce point, le retard pris par le MGCS est largement dû à l’attitude de Rheinmetall, qui a chamboulé le partage industriel tel qu’il était prévu en annoçant son intention de prendre le contrôle de Krauss Maffei Wegmann, le partenaire du français Nexter Systems.

Cela étant, cette exigence n’a pas vraiment de sens car les deux projets sont foncièrement différents en termes d’enjeux et ils ont chacun leur calendrier propre. Aussi, il ne faudrait pas qu’elle devienne un prétexte, à l’avenir, pour justifier une remise en cause du SCAF…

« Les questions programmatiques fondamentales telles que les droits de propriété intellectuelle et le rôle futur de l’Espagne dans le programme ne sont toujours pas suffisamment claires », a résumé l’écologiste Tobias Lindner. Or, a-t-il continué, « ces questions sont très importantes pour garantir que l’avion puisse également être entretenu en Allemagne et, si nécessaire, développé davantage d’ici quelques décennies. »

Après l’étude de concept, le vote du Bundestag va donc permettre aux bureaux d’études des industriels impliqués de mettre au point un démonstrateur, d’ici 2026, au mieux. Mais ce projet, au regard des investissements qu’il suppose, sera toujours à la merci des députés allemands, dès qu’il s’agira de débloquer de nouveaux fonds.

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