Les Philippines décident de mettre fin à un important accord militaire avec les États-Unis

Alors que la Chine venait de prendre le contrôle du récif philippin de Scarborough, situé au large de l’île de Luçon, Manille et Washington décidèrent, en 2014, de renforcer leurs relations militaires en révisant les clauses d’un traité de défense mutuelle signé en 1951.

Seulement, depuis qu’il a été élu à la tête des Philippines, Rodrigo Duterte amorça un rapprochement avec Pekin et Moscou et remit en cause les relations militaires de son pays avec les États-Unis, en raison notamment de ses rapports avec le président Obama, ce dernier n’ayant pas ménagé ses critiques à l’égard des méthodes aussi expéditives que musclées de son homologue philippin.

« J’ai donné suffisamment de temps aux Américains pour jouer avec les soldats philippins », alla jusqu’à affirmer M. Duterte, après avoir dit envisager la tenue d’exercices militaires avec la Russie et la Chine.

Plus tôt, le président philippin avait prié les conseillers militaires américains affectés auprès des forces philippines engagées contre le groupe terroriste Abu Sayyaf de quitter l’île de Mindanao et décidé de mettre un terme aux patrouilles communes avec l’US Navy.

Cependant, et alors que Donald Trump venait de succéder à Barack Obama à la Maison Blanche, le président philippin fut pris au dépourvu quand des groupes se revendiquant de l’État islamique attaquèrent puis occupèrent la ville de Marawi, située sur l’île de Mindanao. Peu habituée au combat urbain, l’armée philippine fut mise en difficulté… Et Manille dut accepter l’aide militaire de l’Australie ainsi que celle des États-Unis.

Dans le même temps, après ceux de Scarborough et de Reed Bank, la Chine se mit à lorgner sur d’autres récifs philippins, comme celui de Pag-asa. En avril 2019, quelques 200 bateaux chinois allèrent croiser dans ses eaux, obligeant le président Duterte à réagir. « Je ne vous l’ordonne pas et je ne vous le demande pas non plus à genoux, je vous dis simplement de ne pas toucher à Pag-asa, car j’y ai des soldats. Si vous y touchez, ce ne sera plus la même chose. Je demanderai aux soldats de ‘préparer une mission-suicide’ », lança-t-il.

Au regard de la menace jihadiste, des appétits chinois et de l’arrivée de M. Trump à la Maison Blanche, on aurait pu penser que les sentiments de M. Duterte à l’endroit des États-Unis allait changer. D’autant plus que, le Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, rappela à dessein la clause de défense mutuelle prévue à l’article 4 du traité de 1951.

« La construction d’îles et les activités militaires de la Chine en mer de Chine méridionale menacent votre souveraineté, votre sécurité et donc vos moyens de subsistance, de même que ceux des États-Unis. Aussi, […] toute attaque armée contre les forces philippines, ses avions ou ses vaisseaux en mer de Chine méridionale activera les obligations mutuelles de défense définies par l’article 4 de notre traité de défense mutuelle », avait en effet affirmé M. Pompeo.

Pour autant, ce 11 février, Manille a annoncé sa décision de mettre fin au « Visiting Forces Agreement » [VFA, accord sur les forces étrangères] signé en 1998 afin d’offrir un cadre légal à la présence de militaires américains aux Philippines et de permettre l’organisation de manoeuvres conjointes.

Selon ce VFA, un soldat américain auteur d’un délit ou d’un crime sur le territoire philippin a l’assurance d’être jugé par un tribunal de son pays, à moins que les faits qui lui sont reprochés ne soient « d’une importance particulière pour les Philippines. »

« La résiliation du ‘Visiting Forces Agreement’ a été notifiée au chef de mission adjoint à l’ambassade des États-Unis », a fait savoir, via Twitter, Teodoro Locsin, le ministre philippin des Affaires étrangères.

Cette décision serait motivée par le fait que les États-Unis ont refusé d’accorder un visa à Ronald Dela Rosa, ex-chef de la police des Philippines devenu sénateur. À Manille, cela a été perçu comme une sanction contre la façon dont est conduite la lutte contre le narco-trafic dans ce pays. En outre, et en lien avec cette affaire, M. Duterte a refusé l’invitation que lui a adressé M. Trump pour participer à un somment entre les États-Unis et l’Association des nation d’Asie du sud-est [ASEA], en mars prochain.

« C’est une décision grave avec des implications importantes pour l’alliance entre les États-Unis et les Philippines », a réagi l’ambassade américaine à Manille. « Nous allons réfléchir avec soin à la meilleure façon de faire avancer nos intérêts mutuels », a-t-elle ajouté.

Selon l’accord que souhaite dénoncer Manille, les deux parties ont 180 jours pour trouver éventuellement un terrain d’entente pour éviter une résiliation. D’ici là, M. Duterte a le temps de changer d’avis. À moins que M. Trump ne l’envoie sur les roses…

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