La République de Chypre a commandé des missiles Exocet et Mistral auprès de MBDA

Au regard du format de ses forces armées et de l’équipement de ces dernières, la République de Chypre n’a pas vraiment les moyens de faire respecter sa souveraineté sur ses eaux territoriales, lesquelles suscitent la convoitise d’Ankara, en raison des réserves de gaz naturel qu’elles recèlent.

Expliquant qu’elle agit au nom des intérêts de la République turque de Chypre-Nord [RTCN], qu’elle est la seule à la reconnaître, la Turquie envoie des navires de prospection dans la zone économique exclusive de la République de Chypre [donc, au sud de l’île], ce qui donne lieu à des tensions diplomatiques. En outre, Ankara n’a que faire des mises en garde que lui adresse l’Union européenne, dont Nicosie est membre.

Et ce ne sont pas les sanctions que s’apprêtent à prendre le prochain Conseil des ministres de l’UE qui dissuadera les autorités turques de renoncer au gaz chyprioten puisqu’il est question de geler les avoirs et d’interdire l’entrée sur le territoire de l’Union deux personnalités turques impliquées dans les activités de forage en Méditerranée orientale.

Quoi qu’il en soit, en décembre, le Congrès américaine a fini par lever l’embargo sur les armes que Wahington avait imposé à Nicosie en 1987 afin de ménager la Turquie et [accessoirement] d’encourager la réunification de l’île. Mais, depuis, la donne a changé… Et la mesure prise il y a une vingtaine d’années n’a pas produit les effets escomptés.

« Au moment où Chypre cherche à approfondir son partenariat stratégique avec les États-Unis, il est dans notre intérêt stratégique et économique de lever ce vieil embargo […] qui ne fait pas avancer nos objectifs de sécurité », a plaidé le sénateur Robert Menendez, à l’origine de cette initiative.

Seulement, le temps presse pour la République de Chypre, qui peut compter sur le soutien de la France. Ces dernières semaines, des frégates française ont navigué dans les eaux chypriotes et même effectué des exercices conjoints. En outre, le 5 février, le porte-avions Charles de Gaulle a traversé, avec son escorte, le « bloc 8 » de la zone économique exclusive chypriote. Attribué à Total et à ENI par Nicosie, il fait l’objet d’une campagne de prospection menée par le Yavuz, un navire turc.

Au delà de ces marques de soutien, appelées à s’intensifier dans les mois à venir, Nicosie a l’intention d’améliorer les capacités de ses forces armées. D’où la signature de deux contrats attribués au missilier européen MBDA.

En effet, selon les sources « proches » du dossier sollicitées par l’AFP, la République de Chypre a commandé des missiles sol-air MISTRAL [MIssile Transportable Anti-aérien Léger], qui peut être aussi utilisé contre les embarcations rapides, pour 150 millions d’euros, ainsi que des missiles anti-navires Exocet, destinés à armer une batterie de défense côtière. Le montant total de la commande s’élève à 240 millions d’euros.

Pour le moment, MBDA n’a pas fait de commentaires sur ces deux contrats. À noter que la République de Chypre est également engagée dans le programme européen EU BLOS [Beyond Line Of Sight / Tir Au-delà de la Vue Directe] qui, reposant sur le Missile Moyenne Portée [MMP] du missilier européen, est conduit par la France.

Cela étant, dans le cadre du consortium Eurosam, qu’il forme avec Thales, MBDA est aussi impliqué dans le programme turc T-LORAMID [Long-Range Air and Missile Defense System]. En janvier 2018, Ankara avait en effet notifié un contrat d’étude de définition portsant sur un futur système de défense aérienne, basé sur le SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre], un système développé via une coopération franco-italienne.

Le mois dernier, Ismil Demir, responsable de l’industrie turque de l’armement, a dénoncé « l’attitude négative » de la France dans ce programme. Il faut dire que les contentieux entre Paris et Ankara se sont récemment multipliés…

« Nous sommes actuellement au stade de l’étude de définition. La France a une attitude négative pour la prochaine phase. Cela crée des problèmes pour aller plus loin », a dit M. Demir à la presse, le 6 janvier. « Si cette attitude se poursuit, nous procéderons avec l’autre partenaire [l’Italie] », a-t-il ajouté.

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