Syrie : Les forces américaines bloquent des convois russes se dirigeant vers les champs pétroliers en zone kurde

En octobre dernier, après avoir annoncé le retrait des forces américaines du nord-est de la Syrie, laissant ainsi le champ libre à la Turquie de lancer une offensive contre les milices kurdes syriennes [YPG] afin d’instaurer une zone de sécurité, le président Trump avait expliqué qu’il comptait empêcher l’accès des sites pétroliers et gaziers situés en zone kurde à l’État islamique [EI ou Daesh] mais aussi aux troupes syriennes et russes.

Les forces américaines garderont le « contrôle des champs pétroliers » car ils « fournissent une source de financement essentielle aux Forces démocratiques syriennes [FDS, dont les YPG constituent le gros des troupes, ndlr], qui leur permet de sécuriser les camps de prisonniers de l’EI et de mener des opérations », expliqua Mark Esper, le chef du Pentagone, à l’époque.

Aussi, les États-Unis redéployèrent environ 500 soldats dans les régions de Deir ez-Zor et de Hassaké, alors que, dans le même temps, et suite à un accord conclu à Sotchi par Moscou et Ankara afin de mettre un terme à l’opération turque, les troupes russes prenaient possession des bases abandonnées par la coalition anti-jihadiste [et donc par les forces americaines] dans le nord-est de la Syrie. Et cela, afin de mener des patrouilles conjointes avec leurs homologues turques dans les environs de la zone de sécurité que ces dernières venaient d’établir avec leurs supplétifs syriens.

Seulement, ce qui devait arriver a fini par se produire. Ainsi, il a été rapporté par des journalistes présents sur place ainsi que par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH] que des patrouilles russes ont tenté, à plusieurs reprises, de pénétrer en zone kurde, ce qui a contraint les forces américaines à intervenir pour les en empêcher. Ce qui a donner lieu, parfois, à des tensions.

Le 31 janvier, les soldats américains ont bloqué une patrouille russe qui allait vers la frontière irakienne. L’incident s’est produit entre les villes de Tall Tamer et d’al-Malikiyah [ou Dayrik] dans la province d’Hassaké, sur l’autoroute M4, laquelle est devenue une « ligne de démarcation » entre les deux camps.

Plusieurs incidents de ce type au cours desquels des militaires américains ont forcé des patrouilles russes à rebrousser chemin, auraient été constatés les jours précédents

L’OSDH, qui dispose d’un vaste réseau d’informateurs sur le terrain, en a priori documenté l’un d’eux. Le 29 janvier, les forces américaines auraient bloqué un convoi russe à la hauteur du village d’al-Kharita, sur la route menant à Hassaké, la capitale régionale. Ce qui aurait donné lieu à des « altercations verbales ».

Trois jours plus tôt, la progression de véhicules militaires russes vers le champ pétrolier de Rumeylan [dans le nord-est d’Hassaké] aurait été stoppée par une patrouille américaine.

« Ces actions s’inscrivent dans le cadre des tentatives américaines de saper le rôle de la Russie dans le nord-est de la Syrie et d’empêcher les Russes d’utiliser l’autoroute M4 dans la région, sauf lorsqu’ils se dirigent vers les zones frontalières avec la Turquie », a expliqué l’OSDH.

Le dernier incident en date remonte au 4 février. Le même scénario s’est en effet joué dans les environs du village de Karki Laki, à l’est de Qamichli. Là, une patrouille américaine a intercepté un convoi russe, qui tentait de rejoindre à nouveau al-Malikiyah.

Parallèlement à ces incidents, la tension entre Ankara et Damas est montée d’un cran, les forces turques et syriennes ayant échangé des tirs meurtriers le 3 février, dans la région d’Idleb, malgré son statut de « zone de désescalade ».

Échappant partiellement au contrôle de Damas, cette province abrite plusieurs organisations jihadistes, dont Hayat Tahrir Al-Cham [HTS], ainsi que des groupes rebelles syriens soutenus par Ankara, qui y a installé 12 « postes d’observation ».

Depuis maintenant plusieurs mois, les forces gouvernementales syriennes, avec l’appui de l’aviation russe, ont repris plusieurs localités qui échappaient jusqu’alors à leur contrôle. Ce qui fait craindre à la Turquie un afflux de réfugiés vers son territoire.

« La Turquie ne laissera pas les forces syriennes progresser dans la région d’Idleb », a encore prévenu le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le 4 février, avant d’indiquait qu’Ankara évoquerait la question avec Moscou « sans colère ».

« J’ai dit à mon homologue [russe] Sergueï Lavrov que le régime menait des attaques provocatrices contre nos postes d’observation autour d’Idleb, que nous riposterons s’il continue et qu’ils [les Russes] devaient arrêter le régime aussi rapidement que possible », a affirmé, le même jours, Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères. « Nous n’acceptons pas non plus l’excuse selon laquelle ‘nous ne pouvons pas contrôler totalement le régime' », a-t-il ajouté.

Dans ce bras de fer avec Damas [et Moscou], Ankara peut compter sur le soutien de… Washington. « Les États-Unis condamnent une fois de plus les agressions continues, injustifiables et impitoyables du peuple d’Idleb […] Nous soutenons notre allié de l’Otan, la Turquie, au lendemain de l’attaque, qui a causé la mort de plusieurs membres du personnel turc affectés à un poste d’observation utilisé pour la coordination et la désescalade, et soutenons pleinement les réactions d’autodéfense justifiées de la Turquie », a en effet assuré Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, via un communiqué.

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