Dissuasion : « Les intérêts de nos partenaires européens sont toujours pris en compte », assure M. Macron

Comme le souligne la Revue stratégique publiée en octobre 2017, en matière de dissuasion nucléaire, la doctrine française ne définit pas avec précision les « intérêts vitaux » qu’elle est chargée de préserver, car « il est de la responsabilité ultime et unique du chef de l’État d’apprécier en toute circonstance leur éventuelle mise en cause et de décider, au cas par cas, de la nature de la réponse qu’il convient d’y apporter. »

Qu’en sera-t-il après le discours sur la « stratégie de défense et de dissuasion » que le président Macron prononcera le 7 février devant les stagiaires de la 27ème promotion de l’Ecole de guerre à Paris? D’autant plus que, outre-Rhin, plusieurs voix se font entendre pour que l’Allemagne soit protégée par le parapluie nucléaire français, selon des modalités qui divergent d’un intervenant à l’autre.

Ainsi, pour Wolfgang Ischinger, ancien diplomate et actuellement président de la conférence de Munich sur la sécurité, la dissuasion française devrait « profiter » à l’Union européenne en échange d’une contribution financière des États membres à son développement et à sa mise en oeuvre. Et son contrôle resterait français. « Une condition que nous devons accepter! », a-t-il dit, en février 2019.

En revanche, vice-président du groupe parlementaire de la CDU/CSU [chrétiens-démocrates] chargé des questions militaires et de sécurité, Johann Wadephul a plaidé en faveur d’une « coopération » de l’Allemagne avec la France dans le domaine des armes nucléaires. Et d’avancer l’idée que la dissuasion française pourrait « être placée sous un commandement commun de l’Union européenne ou de l’Otan. »

Cela étant, cette orientation est loin de faire l’unanimité en Allemagne, pays qui participe déjà aux plans nucléaires de l’Otan en stockant sur l’une de ses bases aériennes une vingtaine de bombes nucléaires tactiques américaines B-61, pouvant être mises en oeuvre par des chasseurs-bombardiers PANAVIA Tornado.

Lors des élections fédérales de 2017, Martin Schulz, le chef de file des sociaux-démocrates [avec lesquels les chrétiens-démocrates gouvernent actuellement], avait plaidé pour le retrait de ces armes nucléaires américaines d’Allemagne… Avant lui, Guaido Westerwelle, alors chef des libéraux du FDP, s’était aussi engagé dans cette voie, quand il était ministre des Affaires étrangères, en 2009. Et, actuellement, les écologistes allemands et le parti de gauche Die Linke sont sur cette même ligne.

Quoi qu’il en soit, lors de la conférence de presse qu’il a donné au côté du Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, le président Macron a eu à répondre à la question de savoir si, en matière de dissuasion nucléaire, la Pologne faisait partie des « intérêts vitaux » de la France.

« Sur la question nucléaire, il m’appartient de définir les intérêts vitaux et j’aurai l’occasion, pas plus tard que vendredi matin, de revenir très longuement sur ce point, dans le discours que j’aurai à prononcer. Mais je veux dire ici clairement qu’à mes yeux, les intérêts de nos partenaires européens sont toujours pris en compte. Je reviendrai précisément sur la doctrine mais aussi sur les procédures et modalités que je souhaite proposer sur ce sujet dans les prochains mois à nos partenaires », a répondu Emmanuel Macron.

Maintenant que le Brexit est effectif, la France est le seul pays membre de l’Union européenne à disposer d’une dissuasion nucléaire, laquelle repose sur deux composantes : océanique avec les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] et aéroportée avec les Forces aériennes stratégiques [FAS] et la Force aéronavale nucléaire [FANu].

Or, ces deux composantes doivent être en partie renouvelées dans les années à venir [avec notamment le SNLE de 3e génération et le missile ASN4G hypersonique]. Pout cela, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 prévoit une enveloppe de 37 milliards d’euros.

En 2006, à l’occasion d’un discours prononcé à l’Île-Longue, le président Chirac avait évoqué le principe de « dissuasion concertée », avancée quelques années plus tôt par Alain Juppé, alors Premier ministre. « Ma conviction demeure que nous devrons, le moment venu, nous poser, ensemble, la question d’une défense commune, qui tiendrait compte des forces de dissuasion existantes, dans la perspective d’une Europe forte, responsable de sa sécurité », avait-il dit. M. Macron va-t-il reprendre cette « conviction » à son compte?

Cela étant, et au-delà de la question nucléaire, les Européens doivent avant tout, selon M. Macron, se « doter de capacités militaires et de coopérations capacités et opérationnelles » pour se protéger eux-même davantage. Et de souhaiter que « l’intégration et le travail conjoints européens se renforcent » dans la défense et « que l’Europe se dote d’un budget digne de ce nom en la matière. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]