À l’ONU, la Russie a obtenu un léger assouplissement de l’embargo sur armes imposé à la Centrafrique

En janvier 2019, via une résolution présentée par la France, et après avoir accord plusieurs dérogations notamment à Moscou et à Paris pour équiper les forces armées centrafricaines [FACa], le Conseil de sécurité des Nations unies évoquait un possible « assouplissement » de l’embargo sur les armes imposé à la Centrafrique, à condition de remplir des « critères clair et bien identifiés » concernant la réforme secteur de la sécurité, le processus de désarmement, de démobilisation, et processus de réintégration des combattants ainsi que sur la gestion des armes et des munitions.

En septembre 2019, le Conseil de sécurité décida un premier assouplissement de l’embargo en autorisant la livraison aux FACa d’armes individuelles d’un calibre ne devant pas excéder 14,5 mm.

Et cela alors que, six mois plus tôt, un accord de paix, négocié au Soudan sous l’égide de l’Union africaine et signé par le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés pouvait laisser espérer – sans trop d’illusions au regard du passé – une amélioration de la situation.

Seulement, cet accord n’a pu qu’offrir qu’un calme relatif, avec des chefs de guerre [ou leurs représentants] devenus membres du gouvernement alors que, sur le terrain, les groupes dont ils sont issus continuent régulièrement à se livrer à des exactions, comme cela a encore été en octobre dernier, quand le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice [MLCJ] de Gilbert Toumou Déa, ministre délégué aux groupes armés, a attaqué les positions du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique [FPRC] dans la région de Birao.

Plus récemment, la ville de Bria a été le théâtre de violents combats entre des factions rivales au sein du FPRC, pour des motifs ethniques [les Roungas s’opposant aux Goulas et aux Karas, ndlr].

Par ailleurs, ces violences surviennent régulièrement malgré la présence des Casques bleus de la MINUSCA [Mission multidimensionnelle intégrées des Nations unies pour la stabilisation de la République centrafricaine] ainsi que celle de mercenaires, employés par la société militaire privée russe Wagner. Une mission de formation des FACa, conduite par l’Union européenne et commandée actuellement par la France, est également déployée à Bangui.

Devant les députés de la commission des Affaires étrangères, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], a expliqué que « l’investissement de la France […] en Centrafrique » est »vertueux » et qu’il « n’attend pas de retour », contrairement à celui de la Russie, qui a renforcé son influence à Bangui.

« Si les Russes veulent venir aider ces pays à s’extraire de leur marasme, pourquoi pas? C’est l’attitude que nous avons adoptée quand ils sont arrivés en Centrafrique, mais il est arrivé ce qui devait arriver : ils ont commencé par se considérer comme nos concurrents et se sont lancés sur certains réseaux dans des actions extrêmement virulentes contre la France dans la guerre des perceptions. Les Russes venaient avec l’espoir de tirer avantage des ressources minières centrafricaines », a rappelé le CEMA.

Cependant, le général Lecointre a également assuré avoir contacté son homologue russe pour lui dire : « Finissons-en, et faisons du cas centrafricain l’exemple de notre capacité à coopérer. »

Pour autant, Paris et Moscou peinent toujours à s’entendre sur le cas de la Centrafrique. Ce qui a donné lieu, au sein du Conseil de sécurité, à un nouveau bras de fer au sujet de l’embargo sur les armes.

En effet, compte tenu de la situation, la France, soutenue par les membres européens et africains [Niger, Afrique du Sud et Tunisie, ndlr] du Conseil de sécurité souhaitait prolonger cet embargo jusqu’au 31 juillet prochain. Or, avec l’appui de la Chine, la Russie voulait obtenir un assouplissement conséquent de ce même embargo. D’où les frictions entre Paris et Moscou, la diplomatie russe ayant été jusqu’à préparer un second projet de résolution pour faire échec à celui proposé par son homologue française.

Voulant éviter la mise aux voix de deux projets concurrents de résolution et, surtout, un veto russe et/ou chinois, ce qui aurait eu pour conséquence la fin de l’embargo, la France a fait une concession à la Russie en acceptant un nouvel assouplissement, consistant à autoriser la livraison aux FACa de « véhicules militaires dépourvus d’armes et des engins armés d’un calibre inférieur à 14,5 mm », à condition d’en notifier l’ONU au préalable.

Finalement, la résolition présentée par la France a réuni 13 suffrages au sein du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine s’étant abstenues.

« Nous voulions voulions un assouplissement plus important de l’embargo sur les armes », a fait valoir Dmitri Polyanskiy, le réprésentant adjoint de la Russie au près de l’ONU. Et de déplorer que « tous les arguments » avancés par Moscou « n’aient pas été pris en compte ». Quoi qu’il en soit, a-t-il prévenu, ils seront de nouveau servis en juillet prochain…

« Le Conseil de sécurité est pleinement à l’écoute des autorités centrafricaines » dans le domaine de la sécurité, a, de son côté, fait valoir Anne Gueguen, la représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies, avant de souligner la nécessité d’adopter une « approche responsable. »

Reste que depuis septembre 2019, comme l’ont noté les États-Unis, les autorités centrafricaines n »ont fait aucune demande d’exemptions à l’embargo, comme elles sont pourtant autorisées à le faire…

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