De nouvelles affaires d’espionnage troublent les relations entre la Bulgarie et la Russie

En avril 2015, l’homme d’affaires bulgare Emilan Gebrev, son fils et un cadre de son groupe manquèrent de passer de vie à trépas avoir avoir été exposés à un neuroparalytique jusqu’alors inconnu. Trois ans plus tard, à Salisbury [Royaume-Uni], le colonel Sergueï Skripal, un officier du renseignement militaire russe [GRU] ayant fait défection, et sa fille furent empoisonnés avec du Novitchok, une susbstance chimique mise au point par l’Union soviétique à l’époque de la Guerre Froide.

Or, ces deux affaires pourraient être liées. Ou, du moins, elles ont un point commun : le général russe Denis Viatcheslavovitch Segeev, alias Sergueï Fedotov. Dans un comme dans l’autre, il était présent à Sofia et à Salisbury lors de deux tentatives d’assassinat. D’ailleurs, en octobre 2018, la justice bulgare fit savoir qu’elle enquêtait sur son compte, en « pleine coordination » avec les autorités britanniques.

Finalement, le 23 janvier, le bureau du procureur de la République bulgare a annoncé l’inculpation de « trois citoyens russes » pour avoir tenter de tuer Emilen Gebrev avec une « substance organique non identifiée », dont la dissémination aurait pu faire un nombre important de victimes. Et il également émis des mandats d’arrêt européens contre les suspects ainsi qu’une « notice rouge » [avis de recherche] auprès d’Interpol.

A priori, si leur identité n’a pas été dévoilée par la justice bulgare, ces trois ressortissants russes font a priori partie de l’unité 29155 du 161e centre de formation spéciale du GRU, laquelle serait chargée d’exécuter les « basses oeuvres ».

Quoi qu’il en soit, le lendemain, et alors que le procureur général bulgare, Ivan Guechev, s’était entretenu avec des diplomates américains chargés de la coopération judiciaire entre Sofia et Washington, une autre affaire d’espionnage impliquant la Russie a éclaté.

« Des enquêtes ont été ouvertes sur deux ressortissants étrangers qui recueillaient des informations classées secret défense puis les transmettaient à un État étranger », a en effet indiqué la justice bulgare, avant de préciser que les investigations avaient été interrompues en raison de l’immunité diplomatique des suspects.

Selon la même source, l’un des deux espions présumé exerçait les fonctions de premier secrétaire au service consulaire de l’ambassade de Russie à Sofia. C’est ce qui était du moins écrit sur ses cartes de visite… Car, en réalitait, il « cherchait des données » sur le système électoral bulgare depuis 2017.

Quant au second espion démasqué, il travaillait au service commercial de l’ambassade de Russie. Il collectait des « informations concernant l’approvisionnement et la sécurité énergétique » avant de les transmettre au « du service de renseignement russe à Moscou », selon le Parquet bulgare.

Plus tard, l’ambassadeur russe a été convoqué par le ministère bulgare des Affaires étrangères.

« Nous allons prendre les mesures appropriées, ils [les deux diplomates russes] seront probablement déclarés persona non grata », avait auparavant expliqué Ekaterina Zaharieva, la cheffe de la diplomatie bulgare.

Côté russe, on a démenti les accusation bulgares. « Aucune preuve confirmant des activités incompatibles avec le statut [des deux hommes] n’a été présentée », a réagi l’ambassade de Russie, tout en regrettant les manières bulgares. Cela « ne répond pas à l’esprit traditionnellement constructif des relations entre les deux pays », a-t-elle fait valoir.

« Le 24 janvier, les autorités bulgares ont pris la décision d’expulser du pays un diplomate de l’ambassade et un employé d’un bureau commercial de la Fédération de la Russie en Bulgarie. Aucune preuve clair pour soutenir cette décision n’a été fournie », a enchéri le ministère russe des Affaires étrangères. « Nous considérons cette mesure officielle de Sofia comme ouvertement inamicale et provocatrice, allant à l’encontre du caractère constructif et traditionnellement fondé sur le respect mutuel des relations russo-bulgares. Nous gardons le droit de riposter », a-t-il prévenu.

En tout cas, il s’agit de la second affaire d’espionnage mis au jour par Sofia en moins de six mois. En septembre dernier, Nikolai Malinov, un ancien député du Parti socialiste bulgare avait été inculpé pour avoir oeuvrer à renforcer l’influence de la Russie dans le pays, avec le concours de Leonid Rechetnikov, un ex-agent de renseingnement russe, devenu directeur, jusqu’en 2017, de l’Institut russe d’études stratégiques [RISI]. L’ex-parlementaire lui aurait même transmis des informations classifiées contre rémunération.

Puis Sofia avait expulsé un diplomate russe, accusé d’avoir « conspiré » avec l’ancien député, lequel avait pu avoir accès « à des informations confidentielles émanant de la Bulgarie, de l’Union européenne et de l’Otan. » En réaction, Moscou en fit de même avec un diplomatie bulgare.

Membre de l’Otan et de l’UE, la Bulgarie a toujours entretenu des relations économiques, voire politiques, privilégiées avec la Russie. Ainsi, au moment de « riposter » à l’affaire Skripal, Sofia n’avait pas expulsé de diplomates russes, contrairement à d’autres pays européens. D’ailleurs, la victoire, en 2017, de Roumen Radev, à l’élection présidentielle bulgare, avait été perçue comme étant celle de Vladimir Poutine… notamment parce cet ancien pilote de chasse plaidait pour un rapprochement avec Moscou.

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