Le nouveau chef de Daesh serait un Turkmène d’Irak, identifié comme étant « Amir al-Salbi »

L’État islamique [EI ou Daesh] n’avait pas tardé à désigner un successeur à son chef, Abu Bakr al-Baghdadi, tué lors d’un raid des forces spéciales américaines mené dans la province syrienne d’Idleb, le 27 octobre 2019. Ainsi, via un communiqué diffusé quatre jours plus tard, l’organisation jihadiste fit savoir que sa Majlis al-choura [assemblée consultative, ndlr] venait de faire allégeance à Abu Ibrahim al-Hashemi al-Qurashi en tant que « commandeur des croyants et nouveau calife des musulmans. »

Cependant, l’identité de ce nouveau chef jihadiste était alors un mystère, l’EI ayant donné son nom de guerre. Et, même si le président Trump, prétendit qu’il savait « exactement » qui il était, les services de renseignement naviguaient alors dans le brouillard. Ce qu’avait admis un responsable américain à l’époque

« Nous ne savons pas grand-chose de lui, sauf qu’il est le principal juge de l’EI et qu’il dirige l’Autorité de la charia [loi islamique] », avait confessé Hicham al-Hachemi, un expert irakien de Daesh.

La référence à « al-Qurashi » renvoyait à la tribu arabe au sein de laquelle naquit le prophète Mahomet, ce qui serait une condition nécessaire pour prétendre à devenir « calife ». Mais l’histoire a montré qu’il y avait eu des entorses à cette règle durant la période ottomane… D’ailleurs, al-Baghdadi, issu du clan des Badrites, ne pouvait pas prétendre à une telle filiation.

L’existence même de cet « Abu Ibrahim al-Hashemi al-Qurashi » fut remise en cause. « L’organisation a été prise de court par la brutalité de l’élimination de Baghdadi. Elle a depuis communiqué l’identité d’un successeur dont on ne sait s’il existe véritablement, ou s’il sert juste d’appât pendant que le processus de désignation d’un successeur effectif se poursuit dans la zone Syrie-Irak », avait estimé, auprès de l’AFP, Jean-Pierre Filiu, spécialiste du monde arabe et professeur à Sciences-Po Paris. Et d’ajouter : « Les ‘provinces du Sinaï’, et surtout du ‘Grand Sahara’ font preuve d’un activisme particulièrement meurtrier, à la fois du fait de leur dynamique propre, mais aussi pour laisser le temps à la direction centrale de gérer l’après-Baghdadi.

Cela étant, il suffisait sans doute d’attendre un peu pour en savoir davantage. « Aucun groupe terroriste ne peut garder au secret la structure de sa hiérarchie, personne n’est bon à ce point », avait expliqué Seth Jones, du Centre pour les études stratégiques internationales [CSIS] à Washington, en décembre dernier.

Effectivement. Selon le quotidien britannique The Guardian, qui cite des responsables de deux services de renseignement, l’identité du nouveau chef de Daesh serait connue. Il s’agirait d’un certain « Amir Mohammed Abdul Rahman al-Mawli al-Salbi », alias « Haji Abdullah ».

Ainsi, al-Salbi ne serait pas arabe puisque, d’après les informations du Guardian, il serait issu d’une famille irakienne turkmène de la ville Tal Afar. Décrit comme étant un « vétéran » de la mouvance jihadiste, qui plus est titulaire d’un diplôme de droit islamique obtenu à l’Université de Mossoul, il aurait été détenu par les forces américaines à Camp Bucca, dans le sud de l’Irak, en 2004. C’est là où il aurait rencontré al-Baghdadi. Il serait d’ailleurs l’un des fondateurs de Daesh.

Par ailleurs, al-Salbi n’est pas un inconnu des services américains. Le programme « Rewards for Justice » a déjà mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars, justement parce qu’il était alors considéré commé étant « l’un des principaux dirigeants de l’État islamique en Irak ». D’ailleurs, sa fiche indique que, « censé superviser certaines des opérations terroristes menées par le groupe dans le monde », il passait pour « un successeur potentiel » d’Abu Bakr al-Baghdadi.

En outre, Adel al-Salbi, le frère du nouveau chef présumé de Daesh, est le représentant en Turquie du Front turkmène d’Irak, un mouvement politique proche d’Ankara. D’après The Guardian, les deux hommes auraient été en contact jusqu’à la désignation d’Amir al-Salbi à la tête de l’organisation jihadiste.

Quant aux capacités de Daesh, un responsable kurde irakien a confié au quotidien britannique que ses « réseaux ruraux ont intacts ». Et d’ajouter : « Les membres de l’EI en Irak reçoivent toujours leurs salaires mensuels et une formation dans les régions montagneuses reculées. Ce reseau permet à l’organisation de perdurer, même en cas de défaite militaire. »

Et les derniers évènements dans la région [offensive turque contre les milices kurdes syriens et tensions entre les États-Unis et l’Iran ayant des répercussions en Irak] ne peuvent que profiter à Daesh.

Et cela préoccupe le roi Abdallah II de Jordanie, dont le pays est en première ligne. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est la résurgence […] de l’EI au cours de l’année, pas seulement dans le sud-est syrien mais aussi dans l’ouest de l’Irak », a-t-il en effet déclaré, dans un entretien donné à France 24. « Cela va devenir un problème pour Bagdad, et nous devons être là pour aider les Irakiens à gérer cette menace pour nous tous, pas seulement pour la région mais aussi pour l’Europe et le monde », a-t-il ajouté.

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