Pour sa prochaine mission, le porte-avions Charles de Gaulle sera déployé en Atlantique et en mer du Nord

Lors de ses voeux aux armées, le 16 janvier, le président Macron a annoncé que le porte-avions Charles de Gaulle appareillerait d’ici la fin janvier pour rejoindre l’opération Chammal, qui est le volet français de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.

Et de préciser qu’il sera « le coeur d’opérations combinées de plusieurs pays européens » étant donné qu' »Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Portugal, et Grèce participeront à l’escorte du Charles de Gaulle au cours de sa mission. »

Cependant, si l’on en juge par les récents « points de situation » des opérations que publie l’État-major des armées [EMA], avec 20 sorties aériennes hebdomadaires en moyenne, l’activité aérienne des 11 Rafale de la force Chammal, déployés en Jordanie et aux Émirats arabes unis, a été réduite significativement depuis que l’État islamique [EI ou Daesh] a perdu son califat territorial à l’issue de la bataille de Baghouz, en mars 2019. Et le dernier raid contre des positions de l’organisation jihadiste a été effectué en novembre.

Dans ces conditions, qu’apportera le Groupe aérien embarqué [GAé] du Charles de Gaulle,  avec sa trentaine de Rafale M, même si, comme l’a souligné le président Macron, Daesh incarne une « menace [qui] pèse toujours, sous une autre forme, larvée, plus insidieuse »?

Pour le moment, on ignore si le groupe aéronaval [Task Force 473] ira ou non dans le Golfe arabo-persique [GAP] comme il l’avait fait lors de précédents engagements dans l’opération Chammal. En tout cas, ce 17 janvier, sur les ondes d’Europe 1, la ministre des Armées, Florence Parly, a assuré que l’envoi du porte-avions Charles de Gaulle dans la région « ne constituait pas une pression vis à vis de l’Iran ».

« La France a marqué son désir de pouvoir contribuer à la désescalade dans une région qui subit de très fortes tensions, nous sommes arrivés à un point où il n’y a plus d’escalade, ou en tous cas, l’escalade semble avoir cessé », a expliqué Mme Parly, pour qui le déploiement du porte-avions intervient « en contrepoids à la stratégie américaine de pression maximale sur l’Iran ».

En revanche, et au-delà de la lutte contre Daesh, la présence du groupe aéronaval en Méditerranée orientale ne sera pas anodine [surtout si son escorte intègre une frégate grecque], tant on sait que cette région est actuellement sous tension, avec les revendications turques concernant les réserves de gaz naturel que recèle la zone économique exclusive [ZEE] de la République de Chypre.

En outre, Nicosie, Athènes et Le Caire protestent vigoureusement contre l’accord sur les frontières maritimes conclu entre le gouvernement d’union national libyen [GNA] et Ankara. Accord qui permet à la Turquie d’étendre son plateau continental et de perturber le projet de gazoduc EastMed.

Évoquant les forages « illégaux » de la Turquie dans la ZEE chypriote lors d’une audition parlementaire, en octobre, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, avait prévenu : « Nous avons décidé de mettre en place un régime-cadre de sanctions si, d’aventure, la Turquie poursuivait ces opérations. Nous allons prévoir une présence militaire dans cette zone. »

Par ailleurs, le président Macron a également indiqué que le porte-avions Charles de Gaulle sera déployé, à partir d’avril, en Atlantique et en mer du Nord. Or, depuis qu’il est en service, le navire a rarement été vu sous de telles latitudes. La dernière fois remonte à 2010, année où il avait été au-delà du cercle polaire arctique.

Ces dernières années, en raison des tensions avec la Russie depuis l’annexion de la Crimée, l’Otan a fait de l’Atlantique-Nord une priorité, avec la création du commandement de l’Atlantique-Nord [qui en fait une réactivation du SACLANT, le Commandement allié Atlantique dissous en 2003] et celle, à Ulm [Allemagne], du commandement du soutien et de la facilitation. Et, aux États-Unis, le 2e Flotte de l’US Navy, dédiée à l’Atlantique Nord et rayée de l’ordre de bataille en 2011, a récemment été réactivée.

Dans le même temps, et avec les enjeux de l’Arctique dans la ligne de mire, l’Atlantique et la mer du Nord font l’objet de toute l’attention de la Russie, qui y a d’ailleurs mené sa plus vaste opération sous-marine depuis la fin de la Guerre Froide en octobre dernier. Au point d’en inquiéter l’état-major norvégien. « Les Russes veulent dire que ‘c’est notre mer’, et que ‘nous sommes capables d’atteindre les États-Unis’. C’est le message qu’ils veulent nous envoyer. Ils veulent tester la capacité de l’Occident [dont de l’Otan, ndlr] à détecter et à gérer ce problème », avait expliqué une source militaire à la radio NRK.

Enfin, de la mer du Nord à la mer Baltique, il n’y a qu’un pas. Or, « Les enjeux sécuritaires » de cette dernière « rejoignent les intérêts stratégiques de la France », insistait récemment une étude de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie [DGRIS] du ministère des Armées. D’où, d’ailleurs, la mission française Lynx, menée sous l’égide de l’Otan dans les pays baltes.

Commentant la présence annoncée de navires européens au sein du groupe aéronaval du Charles de Gaulle, le président Macron a souligné que « cette force européenne, tout comme notre déploiement Lynx dans les pays baltes, viendra renforcer le lien transatlantique et l’Otan, preuve supplémentaire que défense européenne et Otan sont les deux piliers d’un même édifice. »

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