La piste du missile tient la corde pour expliquer la chute d’un Boeing B-737 ukrainien près de Téhéran

Le 8 janvier, et avec près d’une heure de retard, un Boeing 737-800 de la compagnie Ukraine International Airlines [vol PS752] a décollé, de l’aéroport international de Téhéran, à 6h12 [heure locale] pour rejoindre celui de Boryspil, à Kiev avec 167 passagers [dont 82 Iraniens, 63 Canadiens et 4 Britanniques] et 9 membres d’équipage.

Quelques minutes plus tard, et alors qu’il était en montée et volait à l’altitude de 7.295 pieds [2.415 mètres] et à la vitesse de 275 noeuds [506 km/h], le B-737-800 a cessé de transmettre ses données de vol. Puis l’appareil s’est écrasé à 15 km au nord-ouest de l’aéroport de Téhéran, à 6h22, sans avoir émis d’appel de détresse. Il n’y a eu aucun survivant.

Sur une vidéo amateur prise au même moment et diffusée sur les réseaux sociaux, on voit un objet lumineux évoluer dans le ciel de Téhéran, avant d’exploser au sol.

Le B-737-800 en question était un appareil récent puisqu’il avait effectué son premier vol en juin 2016, avant d’être livré quelques semaines plus tard à Ukraine International Airlines. En outre, il venait de subir un contrôle technique, deux jours plus tôt.

Son équipage était expérimenté : le commandant de bord, Volodymyr Gaponenko, comptait 11.600 heures de vol sur ce type d’appareil tandis que son co-pilote, Serhii Khomenko, en totalisait 7.600. Les deux hommes étaient en outre accompagnés par un pilote instructeur, Oleksiy Naumkin, qui en avait 12.000 à son actif. Quant à la compagnie urkrainienne, certifiée en Europe, elle répond aux normes internationales.

La chute du vol B-737-800 est survenue peu après des tirs de missiles iraniens vers les bases irakiennes d’al-Asad et d’Erbil, lesquelles hébergeaient des forces de la coalition internationale anti-jihadiste, et notamment des militaires américains. Pour rappel, ces frappes avaient été décidées par Téhéran pour venger la mort du général Qassem Soleimani, le chef des opérations extérieures des Gardiens de la révolution, tué quelques jours plus tôt à Bagdad par un raid américain.

Dans un premier temps, les autorités iraniennes ont avancé que le B-737-800 ukrainien avait été victime d’un incident technique pour expliquer sa disparition, notamment au niveau de l’un de ses moteurs CFM56.

Les boîtes noires de l’appareil ont rapidement été retrouvées. A priori, elles auraient subi des dommages superficiels causés par le feu et l’impact. Et Téhéran a fait savoir qu’il était hors de question de les envoyer aux États-Unis [pays où l’avion a été construit] pour les faire analyser.

Selon un rapport d’enquête préliminaire établi par l’aviation civile iranienne et rapportant des témoignages oculaires, le vol PS752 aurait pris feu pour une « raison indéterminée » avant de changer de direction. Il « était sur le chemin du retour à l’aéroport » quand il s’est écrasé dans un parc de loisirs près de Chahriar, affirme-t-il.

Par la suite, quelques déclarations ont a priori été faites précipitamment. Ainsi, l’ambassade d’Ukraine à Téhéran a avancé que « certains détails » laissaient à penser que le B-737-800 avait été victime d’une panne de moteur. Et d’affirmer que la piste terroriste était écartée, avant de retirer son communiqué, sans explication.

« Nous examinons minutieusement toutes les thèses, il y en a sept », a ensuite afformé Serguiï Danylov, le secrétaire du Conseil ukrainien de sécurité et de défense nationale. Et d’expliquer que Kiev étudiait la piste « d’un tir de missile antiaérien, de l’explosion d’une bombe placée à bord, de la collision de l’avion avec un drone ou encore d’une déflagration du moteur pour raisons techniques.

Cela étant, alors que l’hypothèse selon laquelle le Boeing d’Ukraine International Airlines aurait pu être accidentellement victime d’un missile commençait à poindre, l’agence Reuters a rapporté que les services de renseignement occidentaux, au regard des premières informations recueillies, privilégiaient la piste d’une « avarie ».

Seulement, des photographies [non authentifiées] montrant des fragments d’au moins un missile de type Tor-M1 et prises sur les lieux de l’accident ont relancé la thèse du missile. Puis, sur une autre vidéo, on peut effectivement voir un engin lumineux grimper rapidement vers le ciel et toucher ce qui semble être un avion.

De conception russe, le système Tor-M1 [code Otan : SA-15 Gauntlet] utilise un missile qui explose à l’approche de sa cible, criblant cette dernière d’une multitude d’éclats. D’une portée de 12 km, il peut viser des objectifs évoluant jusqu’à 20.000 pieds d’altitude.

Le 9 janvier, répondant à des journalistes, le président Trump a fait part de ses « doutes » sur le sort du B-737 ukrainien. « J’ai le sentiment que quelque chose de terrible s’est passé », a-t-il dit. « Il se pourrait que quelqu’un ait fait une erreur », a-t-il continué. « À un moment ou à un autre, ils remettront les boites noires, idéalement à Boeing, mais s’ils les donnent à la France ou un autre pays, cela irait aussi », a-t-il ajouté, en parlant des responsables iraniens.

Selon les confidences faites par des responsables du renseignement à la presse américaine, un satellite aurait détecté le départ de deux missiles juste après le décollage du B-737. Et ce ne pourrait qu’être des engins sol-air étant donné que l’attaque iranienne contre les bases irakiennes était terminée depuis plusieurs heures.

Selon Newsweek, citant des sources du Pentagone et du renseignement américain, l’explication serait que la défense aérienne iranienne, en alerte après les frappes en Irak, aurait lancé accidentellement ces deux missiles.

De son côté, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a affirmé qu’il y avait désormais un « ensemble d’informations selon lesquelles l’avion a été abattu par un missile iranien. » Et d’ajouter que « le Royaume-Uni travaille en étroite collaboration avec le Canada pour une enquête entièrement transparente. »

Justement, le chef du gouvernement canadien, Justin Trudeau, est allé dans le même sens que son homologue britannique. « Nous avons des informations de sources multiples, notamment de nos alliés et de nos propres services » qui « indiquent que l’avion a été abattu par un missile sol-air iranien. Ce n’était peut-être pas intentionnel », a-t-il affirmé, lors d’une conférence de presse. Et d’ajouter que ces éléments « renforcent la nécessité d’une enquête approfondie dans cette affaire. »

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