La Turquie est soupçonnée d’envoyer des combattants de groupes armés syriens en Libye

La semaine passée, la Turquie a fait savoir qu’elle répondrait à la demande de soutien militaire envoyée par le Gouvernement d’union nationale libyen [GNA], conformément à un accord conclu en novembre dernier.

Pour rappel, le GNA, soutenu par des milices armées dont certaines sont proches des frères musulmans, fait face à une offensive de l’Armée nationale libyenne [ANL] qui, commandée par le général Khalifa Haftar, relève du gouvernement de Tobrouk, qui a l’appui du Parlement libyen, élu en juin 2014.

En outre, l’ANL bénéficie d’un soutien fourni par les Émirats arabes unis, l’Égypte et l’Arabie Saoudite. Voire de la Russie, qui aurait envoyé en Libye des mercenaires de la société militaire privée [SMP] Wagner. Quant à la France, elle a été proche du maréchal Haftar quand ce dernier dirigeait des opérations anti-jihadistes dans l’est et le sud du pays.

Quant au GNA, il est notamment appuyé par la Turquie et le Qatar. Et comme il a été formé sous l’égide de l’ONU, il est officiellement reconnu par la communauté internationale. Ce qui fait que, histoire de compliquer la donne, l’Union européenne [UE] traite avec lui dans le cadre de l’opération EUNAVFOR Sophia.

Le 20 décembre, le chef du GNA, Fayez Al-Sarraj, a adressé des lettres aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l’Italie, à l’Algérie ainsi qu’à la Turquie pour leur demande d’aider ses troupes à « repousser l’agression de tout groupe opérant hors de la légitimité de l’Etat, pour maintenir la paix sociale et parvenir à la stabilité de Libye. A priori, seule la Turquie y a donc répondu.

Mais avant d’envoyer des troupes en Libye, le gouvernement turc doit obtenir un feu vert auprès de son Parlement. Un vote devait avoir lieu le 8 ou le 9 janvier. Finalement, il pourrait se tenir une semaine plus tôt, la présidence turque lui ayant fait parvenir, ce 30 décembre, une motion autorisant un tel déploiement.

Cela étant, et sans attendre la fin de cette procédure, la Turquie aurait déjà envoyé des combattants à Tripoli, a priori via la SMP turque « Sadat ».

Selon des informations de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], au moins 300 combattants de l’Armée nationale syrienne, une alliance de groupes armés rebelles soutenus par Ankara, seraient en effet déjà arrivés dans la capitale libyenne, où ils auraient pris leurs quartiers dans le camp de Takbali. Des vidéos ont même été diffusées sur les réseaux sociaux.

« Plusieurs sources syriennes ont confirmé […] qu’il s’agit de combattants originaires de la région d’Alep, à en juger par leur accent », a indiqué le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.

Cependant, le GNA a réfuté de telles informations ainsi que l’authenticité des vidéos, assurant qu’elles avaient été tournées à Idleb. De même que l’Armée nationale syrienne.

Reste que le site Middle East Eye a indiqué que des sources syriennes lui ont confirmé que « plusieurs groupes rebelles » avaient été sollicité par Ankara en vue d’un redéploiement en Libye. Et une source turque a précisé que le groupe « Division Sultan Murad », composé de combattants turkmènes syriens, a accepté de se rendre à Tripoli. Les « Brigades Suqour al-Sham » et l’organisation « Faylaq al-Sham » seraient sur le point d’en faire autant.

A priori, ces combattants syriens, appartenant pour la plupart à la mouvance salafiste, se sont vus proposer par Ankara un salaire de 2.000 à 2.500 dollars pour un contrat de 3 à 6 mois.

Par ailleurs, le suivi du trafic aérien via Flight Radar montre une activité plutôt inhabituelle dans les environs de Tripoli et de Misrata. Par exemple, ce 30 décembre, vers 16 heures, deux avions de ligne appartenant à des compagnies libyennes [dont Afriqiyah Airways] sont arrivés dans ces deux villes en provenance de Turquie.

À noter que, selon le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la Libye, l’ANL du maréchal Haftar a également été renforcée par plusieurs groupes armés soudanais, dont l’Armée de libération du Soudan-Minni Minawi [ALS/MM] et le Rassemblement des forces de libération du Soudan pour ne citer que les importants. En outre, d’après la même source, il est estimé qu' »environ 1.000 soldats soudanais des Forces d’appui rapide ont été déployés en Libye le 25 juillet 2019 par le général Mohamed Hamdan Dagalo [dit Hemeti]. »

Quoi qu’il en soit, la projection de troupes à plus de 1.500 km de ses frontières serait inédit pour l’armée turque, qui a, pour seule expérience en la matière, celle acquise lors de l’opération Attila [invasion du nord de Chypre, à une centaine de kilomètres de la Turquie]. Quant à la forme que cette intervention pourrait prendre, on peut imaginer qu’elle consisterait à établir une bulle de protection autour de Tripoli, via des moyens de défense aérienne.

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