Les forces turques déploient un drone pouvant être armé à Chypre-Nord

En réaction à un coup de force grec visant à accomplir « l’Enosis », c’est à dire le rattachement de Chypre à la Grèce, un idée était dans l’air avant l’indépendance accordée en 1960 par le Royaume-Uni [*], la Turquie lança, en juillet 1974, l’opération « Attila » sous le prétexte de protéger les intérêts de la communauté turque de l’île et de garantir l’ordre constitutionnel.

Depuis, l’île est traversée par une « ligne verte », qui sépare la République turque de Chypre-Nord [RTCN], reconnue seulement pas Ankara, et la République de Chypre, devenue membre de l’Union européenne par la suite. Cette ligne de démarcation est surveillée par la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre [UNFICYP].

Les efforts pour réunifier l’île ayant jusqu’à présent échoué, les tensions entre Nicosie et Ankara se sont sérieusement envenimées, ces dernières années, avec la découverte d’importantes réserves de gaz dans la zone économique exclusive [ZEE] chypriote [donc, située au sud de l’île]. Là encore, la Turquie appuie ses revendications en disant vouloir faire profiter la RTCN de cette manne gazière.

Fin novembre, Ankara et le gouvernement d’union nationale libyen [GNA] ont signé un protocole d’accord visant à délimiter la frontière maritime entre la Turquie et la Libye, en ne faisant aucun cas des eaux territoriales de la République de Chypre et de la Grèce. D’où les vives protestations de Nicosie et d’Athènes, qui peut compter sur l’appui de l’Union européenne dans cette affaire.

« Le protocole d’accord entre la Turquie et la Libye sur la délimitation des juridictions maritimes en mer Méditerranée viole les droits souverains d’États tiers, est contraire au droit de la mer et ne saurait avoir de conséquences juridiques pour les États tiers. Le Conseil européen réaffirme sans équivoque sa solidarité avec la Grèce et Chypre en ce qui concerne ces actions de la Turquie », a en effet affirmé le Conseil européen, le 12 décembre.

C’est donc dans ce contexte que, pour la première fois, les forces turques ont déployé un drone tactique Bayraktar TB2, pouvant être armé de missiles anti-char UMTAS, à Gecitakle, dans la région de Famagouste, la capitale de la RTCN.

« Le conseil des ministres de la République turque de Chypre du Nord avait décidé vendredi [13/12], que l’aéroport de Gecitkale serait utilisé pour les activités relatives aux drones », affirme-t-on à Ankara.

Pouvant voler à la vitesse de croisière de 130 km/h et à l’altitude maximale de 22.500 pieds, le Bayraktar TB2 a une endurance de 24 heures. Son rayon d’action n’est que de 150 km.

En septembre 2018, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait annoncé un renforcement de la présence militaire turque en RTCN.

Quoi qu’il en soit, la situation est toujours tendue dans l’île. Dans son dernier rapport sur Chypre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a évoqué un « fait particulièrement préoccupant » avec la hausse « considérable » des « violations liées à la progression des forces armées. » Ainsi, entre décembre 2018 et juin 2019, « 76 violations de ce type ont été enregistrées », contre seulement 12 durant la période précédente.

« La Force [l’UNFICYP, ndlr]. a enregistré 71 de ces violations le long de la ligne de cessez-le-feu nord, pour la plupart dans des zones où la délimitation de la ligne de cessez-le-feu par les Nations unies est contestée par les forces turques. Si elles ne sont pas nouvelles, ces violations se sont produites plus régulièrement, souvent en réaction à la présence et aux activités régulières de la Force, particulièrement, dans des zones de forte visibilité fréquemment utilisées pour la circulation civile et les activités bicommunautaires », lit-on dans le rapport.

« La Force a relevé un certain nombre de situations où les acteurs se sont révélés entreprenants, obstructionnistes et, parfois, verbalement agressifs à l’égard de son personnel militaire, restreignant ainsi plus durablement la liberté de circulation des membres de la mission dans certaines zones », avance encore ce document.

[*] Lire « Citrons acides » de Lawrence Durrell

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