La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne accusent l’Iran de développer des missiles à capacité nucléaire

Conclu à Vienne en juillet 2015 par le groupe dit « 5+1 » [les cinq membres permanent du Conseil de sécurité et l’Allemagne] et Téhéran, l’accord sur le nucléaire iranien [JCPoA] est, pour le coup, en état de mort cérébrale depuis la décision du président Trump de retirer la signature des États-Unis et de restaurer les sanctions visant l’économie iranienne, afin de limiter le financement par l’Iran des milices qui lui sont inféodées au Moyen-Orient.

Mais, dans le même temps, les autres pays signataires cherchent à maintenir cet accord sous respiration artificielle. Ainsi, et afin de contourner les sanctions américaines, Paris, Londres et Berlin ont imaginé un mécanisme qui, appelé ISTEX [Instrument In Support Of Trade Exchange], repose sur le principe d’une chambre de compensation [les ventes de pétrole iranien sont compensées par les achats faits par Téhéran], l’enjeu étant de permettre à l’Iran de continuer à bénéficier des retombées économiques qu’il attendait en échange du contrôle strict de son programme nucléaire.

Or, pour les responsables iraniens, ce dispositif n’est pas assez ambitieux. Notamment parce que Téhéran voudrait pouvoir vendre son pétrole aux Européens, alors que ses exportations de brut s’élèvent actuellement à 300.000 barils/jour, contre 2,5 millions barils/jour avant les sanctions américaines.

Aussi, l’Iran s’affranchit de plus en plus de ses obligations imposées par le JCPoA, notamment en mettant en service des centrifugeuses interdites, en reprenant ses activités de recherche et en dépassant la limite de 300 kg de stock d’uranium faiblement enrichi ainsi que le pourcentage de 3,67% d’enrichissement et le plafond autorisé de réserve en eau lourde.

Qui plus est, le dernier rapport trimestriel de l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA], chargée de vérifier le respect du JCPoA, a confirmé avoir détecté des « particules d’uranium naturel » dues à une activité humaine [et trahissant de possibles recherches d’intérêt militaire] dans un entrepôt situé à Turquzabad, près de Téhéran. Or, le problème est que ce site, signalé par le renseignement israélien, n’avait pas été déclaré par l’Iran auprès de l’agence onusienne.

« L’Iran a déclaré qu’il voulait rester dans le cadre du JCPoA. Il doit agir en conséquence en revenant sur ces activités et en se conformant de nouveau pleinement et sans délai au JCPoA », souligne la diplomatie française.

Cela étant, et bien avant la décision de M. Trump de faire des confettis avec le JCPoA, l’Iran avait été accusé de ne pas respecter pleinement ses obligations en raison de la poursuite de son programme de missiles balistiques.

En effet, la résolution 2231 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour entériner le JCPoA demande à Téhéran de « ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des charges nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles balistiques. »

Or, l’Iran n’a pas mis un terme pour autant à ses activités balistiques étant donné qu’il considère que ses missiles [et fusées], à « vocation défensive », ne peuvent emporter d’armes nucléaires puisque le JCPoA est censé l’empêcher de s’en doter. D’où son intransigeance sur ce sujet.

Aussi, et après que les autorités iraniennes ont apparemment réprimé durement un mouvement de constestation [entre 100 et plus de 200 tués, ndlr], le ton monte. Le 5 décembre, soit à la veille d’une réunion, à Vienne, entre les parties prenantes au JCPoA, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont exhorté à Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, à informer le Conseil sur les activités balistiques de l’Iran, lesquelles contreviennent, estiment-ils, à la résolution 2231.

« Nous avons exprimé à de nombreuses reprises notre forte préoccupation au sujet des activités balistiques de l’Iran qui ne sont pas conformes à ses obligations au titre de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies et constituent une menace pour la sécurité régionale et internationale », a rappelé la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. « Nous appelons à nouveau l’Iran à respecter l’ensemble de ses obligations », a-t-elle ajouté.

Pour appuyer leur demande, les trois pays européens ont notamment évoqué le tir, en avril dernier, d’une nouvelle version du missile balistique Shahab-3, capable d’emporter une tête nucléaire, ainsi que celui d’un « missile balistique à propulsion liquide, d’une portée d’environ 1.300 kilomètres » de type Borkan-3.

La diplomatie iranienne a immédiatement réagi à ces accusations. Son chef, Javad Zarif, a ainsi dénoncé un « mensonge désespéré pour dissimuler leur misérable incompétence dans l’accomplissement du strict minimum de leurs propres obligations ». Et d’ajouter : Si ces trois pays veulent avoir « un minimum de crédibilité mondiale, ils peuvent commencer par exercer leur souveraineté plutôt que de se plier aux pressions américaines. »

En janvier, la France s’était dit prête à « imposer des sanctions à Téhéran si aucun progrès n’était enregistré dans les discussions sur le programme balistique iranien ». « Nous avons commencé un dialogue très difficile. […] Nous sommes prêts s’il n’aboutit pas à avoir un usage ferme de sanctions et ils le savent », avait dit Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, avant d’indiquer que Paris demandait à l’Iran de renoncer « à sa production de missiles et en particulier ses exportations en direction de certaines factions armées au Moyen-Orient. »

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