Déjà menacé d’une baisse de sa dotation, le Fonds européen de défense est une « ligne rouge absolue » pour Paris

Proposé par la Commission européenne, le Fonds européen de défense [FEDef] se substituera au plan de développement industriel dans le domaine de la défense [PEDID] afin de renforcer de l’autonomie stratégique de l’Union européenne [UE] en favorisant l’innovation technologique et en encourageant les projets menés en coopération par les pays membres. Pour cela, il est question de le doter de 13 milliards d’euros pour la période 2021-27.

Mais c’est visiblement encore loin d’être gagné. Le 2 décembre, la Finlande, qui assure actuellement la présidence tournante de l’UE, a proposé une cadre financier pluriannuel [CFP], c’est à dire une programmation budgétaire, pour la période 2021-27 moins ambitieuse que prévu.

Pour rappel, la Commission avait proposé un budget de 1.105 milliards d’euros pour cette période, avec une contribution de 1,11% du revenu national brut [RNB] des 27 États membres [contre 1,03% actuellement]. Le Parlement européen avait été plus loin en fixant un seuil de 1,3% du RNB.

Or, la présidence finlandaise propose de tailler dans le vif, en proposant un plafond global à 1,07% du RNB de l’UE [soit 1.087 milliards d’euros], afin de financer prioritairement la Politique agricole commune [PAC] et les politiques liées à l’environnement ainsi qu’à la cohésion des territoires. Et qui dit budget réduit dit ambitions revues à la baisse dans d’autres domaines. Et ce serait donc le Fonds européen de défense [FEDef] qui en ferait en partie les frais puisque sa dotation tomberait à 11,5 milliards d’euros. Même chose pour la politique dite de « Facilité européenne pour la paix », qui aurait une enveloppe de 9,2 milliards au lieu des 10,5 milliards d’euros attendu.

Le souci est que les 27 [+1 si on compte encore le Royaume-Uni] ne sont pas d’accord sur le niveau des contributions au budget européen. L’Allemagne a d’ores et déjà prévenu qu’elle souhaitait réduire la sienne.

« Augmenter ce budget de 1% sans la contribution du Royaume-Uni ferait porter à Berlin une charge excessive. C’est pourquoi nous devons discuter d’une répartition équitable des charges financières et d’une réduction pour l’Allemagne », a affirmé la chancelière Angela Merkel, au Bundestag, en octobre. L’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède sont sur la même ligne.

Le Conseil européen des 12 et 13 décembre sera l’occasion de discuter de ce cadre financier pluriannuel 2021-27. Et on se dirige tout droit vers un blocage politique… qui pourrait durer.

Pour rappel, le FEDef a été proposé pour des raisons politiques [doutes sur l’attitude des États-Unis depuis l’élection de M. Trump, menaces au sud et à l’est, perspective de la sortie du Royaume-Uni de l’UE], économiques [bâtir une industrie européenne de la défense autonomie] et, in fine, stratégiques.

C’est d’ailleurs ce qu’a ré-affirmé Thierry Breton, chargé du marché intérieur, du numérique, des services, de l’industrie, de la défense et de l’espace au sein de la nouvelle commission qui, présidée par Ursula von der Leyen, est entrée en fonction le 1er décembre.

« La défense va être un enjeu absolument essentiel pour les cinq ans qui viennent de cette Commission et ce sera sous ma responsabilité, avec pour la première fois la création d’une industrie européenne de défense coordonnée pour partie par la Commission européenne », a rappelé M. Breton sur les ondes de RMC, le 2 décembre. « Ce qui est important, c’est que nous ayons des technologies de défense qui soient propres et qui soient souveraines », a-t-il ajouté.

S’agissant du FEDef, « ce sont 13 milliards d’euros qui vont être investis pour commencer à bâtir une industrie de défense européenne coordonnée sur l’ensemble du territoire européen sans laisser aucun membre de côté. Chacun doit à son niveau s’approprier une partie de sa défense », a fait valoir M. Breton, pour qui « nous entrons dans un monde extraordinairement dangereux, un monde instable dans lequel l’Europe doit prendre de plus en plus son destin en mains, et son destin, c’est aussi son destin militaire. »

Et, alors que le président Macron ne cesse de plaider en faveur d’une autonomie stratégique européenne, la France s’oppose évidemment à toute réduction des moyens alloués à ce futur FEDef. « C’est, pour nous, une ligne rouge absolue! », a ainsi affirmé Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des affaires européennes auprès du ministre des Affaires étrangères.

« Il y a des choses qui nous vont très bien : il y a plus d’argent pour la PAC, ce qui est une bonne nouvelle car c’est un élément de souveraineté » mais « sur la défense, évidemment que c’est inacceptable […] au moment même où on dit qu’on veut une Europe qui puisse s’affirmer dans le monde », expliqué Mme de Montchalin, sur BFMTV, le 5 décembre.

La présidente  de la commission européenne ne s’est pas exprimée en ces termes… Mais il n’en reste pas moins qu’elle voit d’un mauvais oeil la proposition finlandaise. « Les moyens, dans le propos finlandais, je crois qu’ils ne sont pas assez hauts. Si on est sérieux, il faut investir. Quand il y a une crise, et quand l’UE est d’accord d’agir, elle doit avoir les procédures et les moyens », a-t-elle fait valoir, le 4 décembre.

Il reste un tout petit plus d’un an pour que les 27 se mettent d’accord sur le prochain Cadre financier pluriannuel, étant donné que ce dernier doit entrer en vigueur le 1er janvier 2021.

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