Otan : Devant M. Trump, le président Macron accuse la Turquie de « travailler avec des intermédiaires » de Daesh

Ce 3 décembre, et alors qu’il avait qualifé l’Alliance atlantique d' »obsolète » et remis en cause Traité de Washington relatif à la défense collective, le président américain Donald Trump a jugé sévèrement les propos de son homologue français, Emmanuel Macron, lequel avait estimé, les colonnes de l’hebdomadaire The Economist, que l’Otan était « en état de mort cérébrale ».

« Je pense que c’est très insultant », a en effet déclaré le chef de la Maison Blanche, alors qu’il se trouvait avec Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, avant le début du sommet marquant le 70e anniversaire de l’Alliance atlantique.

Pour autant, le président français ne s’est pas démonté. Lors d’un entretien avec M. Trump, il assumé ses propos. Mieux même : il a persisté et signé.

« Mes déclarations ont suscité quelques réactions, mais je maintiens ce que j’ai dit », a dit M. Macron, devant le président américain. « Je suis content que ma déclaration ait provoqué des réactions, je voulais secouer tout le monde », a-t-il insisté. Et de dire pourquoi.

Ainsi, le chef de l’État a rappelé que la Turquie, pourtant membre de l’Alliance atlantique [depuis 1952, ndlr] a fait le choix d’acquérir des systèmes russes de défense aérienne S-400, incompatibles avec ceux mis en oeuvre par les alliés. Et il a également évoqué l’attitude d’Ankara, qui a menacé de bloquer les plans défensifs que l’Otan souhaite mettre en oeuvre au profit de la Pologne et des États baltes.

Et le président Macron a ensuite porté l’estocade. Évoquant la lutte contre le terrorisme, il a d’abord souligné que les alliés n’en partageait pas tous la même définition. Et c’est notamment le cas, selon lui, d’Ankara.

« Quand je regarde la Turquie, ils se battent à présent contre ceux qui ont combattu à nos côtés. Et parfois ils travaillent avec des intermédiaires de l’EI », a lâché Emmanuel Macron, en faisant référence aux milices kurdes syriennes [YPG], considérées comme étant des organisation terroristes par Ankara, en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK].

Cela « pose une question stratégique. Si nous devons juste avoir des discussions sur ce que l’on devrait payer [au sein de l’Otan] sans discuter de telles situations, on n’est pas sérieux. Nous ne sommes pas sérieux à l’égard de nos soldats et nos concitoyens. C’est la raison de mes déclarations. Nous avons absolument besoin d’une clarification stratégique », a ensuite ajouté M. Macron.

Cela étant, le PKK figure sur la liste des organisations terroristes du Conseil de l’Union européenne.

Quoi qu’il en soit, les propos de M. Macron sur la collusion d’Ankara avec des « intermédiaires » de Daesh risquent fort d’être très mal pris par Recep Tayyip Erdogan, le président turc.

Mais il n’en reste pas moins que, quand elle a lancé son offensive dans le nord-est de la Syrie, le 9 octobre dernier, la Turquie s’est appuyée sur des groupes armés syriens, réunis au sein de « l’Armée nationale syrienne ». Et certains d’entre-eux ne sont pas très « net » quant à leurs rapport avec Daesh.

« Il y a effectivement un très gros contingent de locaux [au sein de l’ANS], notamment de la tribu Jays, qui a notoirement collaboré avec Daesh et qui a participé en 2014 à la bataille de Kobané, aux côtés des jihadistes », rappelait ainsi récemment Fabrice Balanche, géographe et maître de conférences à l’Université Lyon-2, dans les colonnes du Figaro.

Le dernier rapport de l’inspection générale du Pentagone sur la situation au Levant a affirmé la même chose. « Les forces de l’opposition syrienne ayant participé à l’offensive turque n’ont mené aucune opération de contre-terrorisme contre l’EI […] et il y a peu de chances qu’elles en fassent. […] La DIA [Defense Intelligence Agency] a indiqué que certaines des milices soutenues par la Turquie avaient auparavant aidé à faire passer des combattants de l’EI vers des territoires tenus par l’opposition et probablement maintenu des liens étroits » avec l’organisation jihadiste car elles « partagent une interprétation similaire et stricte de la charia » affirme-t-il.

Et c’est sans compter sur les soupçons qui pèsent sur le MIT, le renseignement turc, depuis que des vidéos diffusées en 2014 par le quotidien turc Cumhuriyet ont accrédité l’hypothèse qu’Ankara fournissait des armes à des factions jihadistes syriennes. Cela avait d’ailleurs valu, à l’époque, au journal de faire l’objet d’une enquête pour… terrorisme.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]