La Turquie refuse toute remise en question de son accord maritime signé avec Tripoli

Proche du gouvernement d’union nationale [GNA] installé à Tripoli sous l’égide des Nations unies et dont l’autorité est contesté par l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalofa Haftar [soutenu par l’Égypte, notamment, ndlr], Ankara a renforcé sa coopération militaire avec ce dernier et signé un protocole d’accord de délimitation maritime, faisant fi de la République de Chypre et de l’Égypte.

L’enjeu est l’exploitation des immenses réserves de gaz naturel que recèlent les eaux territoriales de ces deux pays, ainsi que du projet de gazoduc EastMed, dans lequel la Grèce est impliquée. Évidemment, la République turque de Chypre-Nord [RTCN], qui est seulement reconnue par Ankara a salué cet accord, estimant qu’il arrivait « au bon moment ». Et cela, alors que la Turquie a commencé des forages dans les eaux de la République de Chypre.

Cependant, en concertation avec Le Caire, Athènes a vivement réagi. Le 1er décembre, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a demandé le soutien de l’Otan pour contester l’accord passé entre Ankara et Tripoli. Accord qui, du point de vue de Nicosie, ne peut avoir « aucune valoir légale » car, sinon, il constituerait une « grave violation du droit international. »

Mais telle n’est pas, comme on s’en doute, l’interprétation de la partie turque. « Par l’accord signé avec la Libye, une partie des frontières occidentales de nos zones de juridiction maritime en Méditerranée orientale est délimitée. L’accord est conforme aux décisions des tribunaux qui créent la jurisprudence internationale et le droit international, y compris les articles pertinents de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer », a répondu Ankara, par la voix de Hami Aksoy, le porte-parole de son ministère des Affaires étrangères.

Et d’ajouter : « Toutes les parties sont essentiellement conscientes que les îles ne peuvent pas avoir d’effet de coupure sur la projection côtière de la Turquie, pays ayant la plus longue ligne de côte continentale de la Méditerranée orientale, que les îles situées de l’autre côté de la ligne médiane entre les deux continents ne peuvent créer de zones de juridiction maritime au-delà de leurs eaux territoriales, et que la longueur et la direction des côtes doivent être prises en compte pour délimiter les zones de juridiction maritime. »

Quoi qu’il en soit, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se veut inflexible. « Si le sujet est mis à l’agenda [de l’Otan par la Grèce], nous leur dirons que ce que la Libye et la Turquie ont entrepris relève de leurs droits souverains et nous n’allons pas en débattre avec eux », a-t-il dit, avant de s’envoler vers Londres pour assister au sommet de l’Alliance atlantique.

« La Grèce peut prendre des mesures, nous aussi nous avons le droit d’en prendre. Nous ferons ce qui est nécessaire », a encore prévenu M. Erdogan, pour qui les efforts d’Athènes, de Nicosie et du Caire pour « n’auront aucun impact, car nous avons conclu un accord écrit avec la Libye » et que « la Turquie ne discutera pas, autour de la table, avec d’autres pays, de ses droits souverains. »

Selon la presse turque, l’accord en question permettrait à la Turquie d’augmenter la superfice de son plateau continental de 30%. De quoi enpêcher la Grèce, la République de Chypre [tous deux membres de l’Union européenne, ndlr] et l’Égypte de trouver une entente visant à délimiter leurs zones maritimes respectives… Et de torpiller ainsi les projets concernant l’exploitation gazière en Méditerranée orientale, laquelle permettrait à l’Europe de diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie.

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