La Turquie menace de bloquer l’Otan si les milices kurdes syriennes ne sont pas qualifiées de « terroristes »

On s’attendait à un sommet de l’Otan tendu, en raison de plusieurs contentieux impliquant la Turquie, les États-Unis et la France. Et, visiblement, on ne sera pas déçu.

Le premier dossier est l’achat, par Ankara, de systèmes russes de défense aérienne S-400, non compatible avec ceux utilisés au sein de l’Otan. Cette décision a eu pour conséquence son exclusion du programme d’avion de combat de 5e génération F-35, dont elle attendait 100 exemplaires pour sa force aérienne.

Mais, à Washington, le Congrès pousse l’administration Trump à aller encore plus loin en prenant des sanctions contre la Turquie, conformément à ce que prévoit la loi dite CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act], laquelle invite à prendre des mesures de rétorsion à l’égard de toute entité ayant signé des contrats avec l’industrie russe de l’armement.

« Le temps de la patience est terminé. Il est temps que vous appliquiez la loi », ont lancé les sénateurs Lindsey Graham [républicain] et Chris Van Hollen [démocrate], dans une lettre adressée à Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.

En outre, le Congrès n’entend pas faire le moindre cadeau à la Turquie, en raison de son offensive lancée le 9 octobre dernier contre les milices kurdes syriennes [YPG], qui, avec le soutien de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, ont joué un rôle déterminant dans le combat contre l’État islamique [EI ou Daesh] dans le nord-est de la Syrie.

Pour rappel, la Turquie considère les YPG comme terroristes, en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [PKK]. Et son opération militaire, qu’elle a menée avec l’appui de groupes armés syriens qu’elle soutient, avait pour objectif d’instaurer une zone de sécurité dans le nord-est de la Syrie, afin d’y installer plusieurs milliers de réfugiés syriens actuellement présents sur son territoire.

Quoi qu’il en soit, cette offensive contre les YPG a été vivement critiquée par la France, dans la mesure où, lancée sans la moindre concertation avec les membres de l’Alliance atlantique et de la coalition anti-jihadiste, elle allait compromettre tous les efforts jusqu’alors consentis pour éliminer la menace incarnée par l’EI. Ce qu’a d’ailleurs confirmé un récent rapport de l’inspection générale du Pentagone. D’où la « sortie » du président Macron sur la « mort cérébrale » de l’Otan… Et les propos « insultants » tenus à son égard par Recep Tayyip Erdogan, son homologue turc.

Ce dernier reproche à l’Otan son manque de soutien face aux enjeux sécuritaires auxquels la Turquie doit faire face. Et cela, même si l’alliance a déployé et maintenu des batteries de défense aérienne sur le sol turc depuis 2013 [opération Active Fence]. Et, tant que les Alliés ne lui apporteront pas un soutien politique « plus marqué » dans ses opérations dans le nord de la Syrie, Ankara refuse de soutenir de nouveaux plans destinés à améliorer la défense des pays baltes et de la Pologne.

Dans un entretien accordé à l’agence Reuters, le chef du Pentagone. Mark Esper, a exhorté la Turquie à soutenir ces plans de défense, tout en assurant qu’il refuserait de qualifier les YPG de « terroristes ».

« Le message à la Turquie […] est que nous devons avancer sur ces plans de défense et que cela ne peut pas être retardé par ses propres préoccupations », a affirmé M. Esper. « L’unité de l’Alliance, la promptitude de l’Alliance, font que nous devons nous concentrer sur des préoccupations plus grandes […] Et pas tout le monde ne voit pas les menaces qu’ils voient », a-t-il ajouté.

Seulement, il faudra user d’autres arguments pour faire plier M. Erdogan. « Si nos amis de l’Otan ne reconnaissent pas comme terroristes ceux que nous considérons comme terroristes, nous
nous opposerons à toutes les décisions qui seront prises là-bas », a-t-il menacé, avant de s’envoler vers Londres, ce 3 décembre.

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