Vers une formation « mutualisée » pour les pilotes de drones des armées de l’Air et de Terre?

En matière de formation au pilotage de drones, les trois armées vont en ordre dispersé. Ainsi, la Marine nationale, qui va équiper ses navires avec de tels appareils, entend créer sa propre école pour former ses spécialistes. L’armée de l’Air, qui met en oeuvre des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 Reaper, a mis en place une filière dédiée, avec un cursus devant durer 71 semaines, en grande partie à Cognac, en particulier au sein de l’Escadron de transformation opérationnelle sur drone [ETOD] 3/33 « Moselle ».

Quant à l’armée de Terre, la situation est un peu plus compliquée. En effet, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ses drones tactiques relèvent de l’arme de l’artillerie et non de l’ALAT [Aviation légère de l’armée de Terre, ndlr].

Et, pour y ajouter de la confusion, la formation de ses futurs « télé-pilotes » de drones Patroller, dont le premier exemplaire lui sera livré en 2020, se fait à l’école de l’ALAT de Dax. Là, les stagiaires-artilleurs apprennent les bases de l’aéronautique en vue de les préparer à la licence de pilote privé. Durant leur formation, ils effectuent 40 heures de vol.

Les Patroller, qui seront tous mis en oeuvre par le 61e Régiment d’Artillerie [RA], affichent des performances assez proches de celles d’un drone MALE. En outre, et comme le général Thierry Burkhard, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] l’a souligné lors de sa première audition à l’Assemblée nationale [le compte-rendu vient d’être publié, ndlr], ces Patroller auront vocation à être armés… Comme les MQ-9 Reaper de l’armée de l’Air.

« À mes yeux, la question de l’armement du Système de drone tactique [SDT] est réglée. Dès lors qu’il est jugé logique, raisonnable et efficace d’armer les Reaper, la réponse va de soi pour les autres drones. Dans le combat moderne, il importe de traiter rapidement des objectifs très furtifs. Dès lors, il serait tactiquement absurde que nous ayons un capteur capable de surveiller une grande zone et de détecter l’objectif recherché et de faire appel à d’autres moyens, souvent éloignés, pour le détruire », a expliqué le CEMAT aux députés. Pour autant, « le Patroller ne sera pas un moyen d’appui sur le champ de bataille, il n’est pas fait pour cela, mais qu’il ne puisse pas traiter instantanément un objectif à haute valeur ajoutée n’aurait pas de sens », a-t-il précisé.

S’agissant de l’arrivée des Patroller, une « partie du travail consistera à former les opérateurs – les pilotes de systèmes de drones », a dit le général Burkhard. « Mais le vol n’est qu’une première étape : il faut aussi une parfaite intégration en termes de coordination 3D avec aussi les différents intervenants des armées et principalement avec l’armée de l’Air », a-t-il poursuivi

En outre, a-t-il ajouté, il sera « également essentiel de bien orienter ces capteurs, dans les bonnes zones » et il y aura « également le travail d’analyse des images qui nécessite toute une chaîne d’exploitation. » Et le « 61e RA maîtrisera la totalité de ces capacités et de ces compétences, depuis la formation des pilotes et des équipages de pistes jusqu’aux parties orientation du capteur, exploitation des images et production de renseignement », a-t-il souligné.

Pour autant, s’agissant de la formation des « télé-pilotes », qui est autant « capitale » que la coordination dans le ciel, le CEMAT a estimé qu’il faudrait faire preuve de « pragmatisme ».

« Le métier d’un pilote de Patroller sera à peu près identique à celui d’un pilote de Reaper. […] On ne va donc pas entreprendre de former au même endroit tous les pilotes de drone, du nano-drone au drone MALE, mais il y a là, effectivement, un segment haut auquel il faut réfléchir pour trouver les meilleures synergies. L’armée de l’air et l’armée de Terre devront nécessairement partager leurs visions », a estimé le général Burkhard.

Cependant, les différences « culturelles » entre aviateurs et terriens peuvent éventuellement être une barrière même si, après des années de mutualisations, ils ont désormais l’habitude de partager des formations aéronautiques, en particulier dans les domaines des hélicoptères et des spécialités techniques.

« Je comprends que l’armée de l’Air, par construction, considère les pilotes de drones comme des pilotes à part entière, très autonomes dans leur cabine. L’armée de Terre, pour sa part, du fait de sa culture, estime que le pilote de Patroller est totalement intégré à la manœuvre se déroulant au sol avec laquelle, au travers de son chef se trouvant derrière lui, il doit être en mesure d’interagir en permanence », a relévé le CEMAT.

« Il faudra donc trouver un équilibre mais, quoi qu’il en soit, je le répète, nous devons réfléchir à la manière dont nous pourrons œuvrer ensemble et parvenir à une solution commune », a-t-il conclu.

Photo : drone tactique Patroller

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