Libye : La France renonce à livrer six embarcations aux gardes-côtes du gouvernement de Tripoli

N’ayant pas été autorisée à opérer dans les eaux territoriales libyennes pour contrer les passeurs de migrants [et ne pouvant de toute façon pas le faire, faute de bateaux], l’opération européenne EUNAVFOR Sophia, sous commandement italien, a dû revoir son mode d’action en se concentrant sur la formation des gardes-côtes libyens relevant du gouvernement dit d’union nationale [GNA] installé à Tripoli sous l’égide des Nations unies.

À ce titre, l’Italie n’a pas mégoté sur les moyens en livrant des plusieurs vedettes à ces mêmes gardes-côtes. De son côté, la France avait annoncé, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février dernier, par la voix de la ministre des Armées, Florence Parly, son intention de fournir à Tripoli six embarcations à coque semi-rigide devant être acquise auprès du constructeur Sillinger.

Cette décision avait été critiquée par plusieurs ONG, pour qui l’Union européenne ne faisait que « sous-traiter » le contrôle de l’émigration vers ses côtes, en le confiant aux gardes-côtes du GNA.

Or, avait relevé Human Rights Watch, « les migrants et demandeurs d’asile capturés en mer et refoulés en territoire libyen sont placés en rétention, où beaucoup d’entre eux sont soumis à des conditions de vie inhumaines, notamment à des passages à tabac, des violences sexuelles, des extorsions de fonds, des travaux forcés, et ne reçoivent pas de soins médicaux adéquats, ni suffisamment de nourriture et d’eau. »

Aussi, ces ONG ont saisi la justice pour empêcher le transfert de ces embarcations à Tripoli. Devant la pression, le ministère des Armées a annoncé qu’il y renoncerait finalement.

« Si la cession a été un temps envisagée au bénéfice de la Libye, la ministre a finalement décidé de ne pas livrer les embarcations à cet État », est-il en effet affirmé dans un mémoire adressé par le ministère des Armées à la Cour administrative d’appel de Paris, saisie par les ONG. « La situation en Libye ne permet pas de réaliser ce don d’embarcations », y est-il justifié.

« Nous nous félicitons de l’abandon de cette initiative qui aurait fait de la France la complice officielle des crimes commis sur les personnes migrantes et réfugiées en Libye », ont réagi, ce 2 décembre, les 8 ONG à l’origine de cette procédure, dont Médecins sans frontières, Amnesty International et la Ligue des droits de l’Homme.

Cependant, s’il estimait la demande des ONG « mal fondée », le ministère des Armées a expliqué dans son mémoire que le don de ces embarcations visait seulement à « accompagner l’État libyen dans le processus de consolidation de l’État de droit et de reconstruction des capacités militaires de sa marine nationale. »

Cela étant, cette décision ne pourra que conforter le GNA dans l’idée que la France soutient le gouvernement de Tobrouk et donc l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar, alors très active contre les groupes jihadistes sévissant dans l’est et le sud du pays, avant de lancer une offensive en direction de Tripoli, en avril dernier. D’ailleurs, depuis, Tripoli n’a cessé de tirer à boulets rouges contre Paris.

« La France a continûment soutenu le gouvernement de M. Sarraj [le chef du GNA, nldr]. Nous l’avons beaucoup soutenu aux Nations unies et sur le plan de la sécurité. Il le sait. Je remarque que Fathi Bachagha, le ministre de l’Intérieur, qui attaque régulièrement la France et dénonce son ingérence supposée dans la crise, n’hésite pas à passer son temps en Turquie. Alors je ne sais pas où sont les interférences », avait rétorqué, en mai dernier, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères.

Photo : Sillinger

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]