Europe : Le Congrès américain va prendre des sanctions contre le projet russe de gazoduc Nord Stream 2

« Nous ne pouvons pas assurer la défense de l’Occident si nos alliés deviennent de plus en plus dépendants de la Russie », avait déclaré Mike Pence, le vice-président américain, au sujet du projet de gazoduc Nord Stream 2, en avril dernier. Et de dénoncer l’implication de l’Allemagne dans ce projet, qui va la rendre « littéralement prisonnière de la Russie, avant d’estimer qu’il était « tout simplement inacceptable » de voir « la première économie européenne continuer d’ignorer la menace d’agression russe et négliger sa propre défense et notre défense commune. »

Ce n’était pas la première fois qu’un responsable américain dénonçait, avec des termes aussi vifs, le projet Nord Stream 2. Lors du sommet de l’Otan organisé à Bruxelles en juillet 2018, le président Trump avait dit exactement a même chose au sujet de l’Allemagne. « paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela? Ce n’est pas juste », s’était-il insurgé.

Pour rappel, d’un coût estimé à 9,5 milliards d’euros, le projet Nord Stream 2 vise à construire un gazoduc passant par la Baltique afin de faire de l’Allemagne une porte d’entrée pour le gaz naturel russe en Europe occidentale et de contourner ainsi l’Ukraine.

Conduit par un consortium emmené par le géant russe Gazprom [50%] et réunissant cinq autres groupes européens, dont OMV [Autriche], Shell [Royaume-Uni/Pays-Bas], Engie [France] et les allemands Uniper et Wintershall, Nord Stream 2 permettra à la Russie d’exporter vers l’Europe environ 110 milliards de mètres cubes par an [si on ajoute les capacités de Nord Stream 1, inauguré en 2011, ndlr].

Les États-Unis, mais aussi plusieurs pays membres de l’Union européenne, sont donc résolument hostiles à ce projet. Parmi les raisons qui expliquent cette opposition, il est avancé que Nord Stream 2 porterait atteinte à la politique européenne de diversification des approvisionnements en gaz. En outre, il mettrait à mal l’économie ukranienne, qui dépend fortement du transit du gaz russe via son territoire. Enfin, des considérations environnementales sont également en jeu.

L’Union européenne a cherché à mettre des bâtons dans les roues de ce projet. Début 2019, la Commission a en effet décidé de soumettre les opérateurs extérieures à l’UE aux règles de l’Union de l’énergie, lesquelles insistent sur la transparence des prix, garantissent un accès aux infrastructures à des tiers et séparent les activités de transpoet et de production de gaz. Ce qui réduirait l’emprise de Gazprom sur Nord Stream 2. C’est d’ailleurs pour cette raison que, en octobre, le groupe russe, via une fililale suisse, a saisi un tribunal d’arbitrage tribunaux pour contester cette décision.

Cela étant, les Européens sont divisés sur Nord Stream 2. Si l’Allemagne y est évidemment très favorables, d’autres y sont très hostiles, comme la Pologne, ou hésitants, comme le Danemark, qui, le 30 octobre, a finalement délivré le permis de construire pour le tronçon du gazoduc devant transiter dans ses eaux territoriales.

À Washington, on prépare également une offensive contre Nord Stream 2, via le National Defense Authorization Act [NDAA] 2020, c’est à dire la Loi d’autorisation de la Défense nationale, qui établit le budget du Pentagone et qui comprend différentes mesures d’ordre politique.

Ainsi, selon le sénateur Jim Risch, le président du Comité des affaires étrangères du Sénat, il est question que ce NDAA prévoit des sanctions contre les entreprises qui participent au projet Nord Stream 2. Et, a-t-il confié à Defense News, cette disposition devrait être adoptée facilement étant donné que l’administration Trump et le Congrès ont trouvé un accord sur ce sujet?

« Le texte sur les sanctions n’a pas été rendu public mais M. Risch a déclaré qu’il était proche de la loi ‘Protéger la sécurité énergétique de l’Europe’, parrainée par le sénateur Ted Cruz et adoptée par 20 voix contre 2 par le comité des Affaires étrangères du Sénat en juillet » dernier, écrit Defense News.

Le projet de loi en question prévoit de sanctionner les entreprises exploitant les navires utilisés pour construire les gazoduc Nord Stream 2 et TurkStream [qui doit transiter par la mer Noire pour arriver en Turquie, ndlr].

Quoi qu’il en soit, la Pologne a déjà sanctionné une entreprise liée au projet Nord Stream 2. En effet, le 8 novembre, l’Office polonais anti-monopole [UOKiK] a infligé une amende de 40 millions d’euros à Engie au motif que le groupe français a « refusé, de manière répétée et sans fondement légal » de lui communiquer des informations sur le financement du gazoduc ainsi que des précisions sur ses rapports avec Gazprom.

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