Pour la Russie, la présence militaire américaine au Japon est un « problème »

Le Japon et la Russie n’ont toujours pas signé de traité de paix depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La question des îles Kouriles [Territoires du Nord pour les Japonais, ndlr], annexées par l’Union soviétique en 1945, est l’un des obstacles à l’amélioration des relations entre les deux pays.

Cela étant, le différend aurait pu être réglé à l’occasion de la Déclaration de 1956, laquelle avait rétabli les relations diplomatiques entre l’Union soviétique et le Japon. Il était alors question de restituer deux des quatre îles à Tokyo, mais seulement après la signature d’un traité de paix. Quatre ans plus tard, Moscou se ravisa, après la signature d’un traité de coopération mutuelle et de sécurité par l’archipel nippon et les États-Unis.

Et, ces dernières années, la Russie a entrepris de renforcer significativement ses activités et ses capacités militaires [systèmes S-400 et Pantsir S1, de batteries de défense côtière, des radars, de missiles anti-navires Iakhont et de moyens de lutte anti-sous-marine] dans les îles Kouriles, ce qui fait régulièrement l’objet de critiques de la part du Japon. Et cela donne lieu parfois à des tensions, comme quand deux bombardiers russes Tu-95 Bear ont été accusés d’avoir violé l’espace aérien japonais en juin dernier.

Quoi qu’il en soit, la militarisation continue des îles Kouriles par la Russie vise plusieurs objectifs. D’une part, il s’agit de protéger les ressources qu’elles recèlent [soufre, minéraux polymétalliques, pêche, etc] et de verrouiller l’accès à la mer d’Okhotsk pour sa flotte du Pacifique. Une autre raison est le renforcement des capacités de défense antimissile du Japon, en étroite coopération avec les États-Unis. Et cela afin notamment de contrer la menace des missiles nord-coréens.

Or, c’est précisément cette présence militaire américaine dans l’archipel qui a été pointée par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, à l’issue d’une réunion à Nagoya, avec ses homologues du G20.

« La présence militaire américaine est un bien sûr un problème sur la voie d’une évolution dans la qualité des relations russo-japonaises », a ainsi déclaré M. Lavrov, lors d’un point de presse, le 23 novembre.

« Quand la déclaration de 1956 était en discussion, l’Union Soviétique avait déjà dit que toute cette déclaration ne pourrait être pleinement réalisée que dans le contexte d’une cessation de la présence américaine sur le territoire du Japon », a ensuite ajouté M. Lavrov.

Pour rappel, les États-Unis disposent de 54.000 militaires au Japon. Pour leur maintien, Tokyo débourse 2 milliards de dollars, au titre du « partage du fardeau ». Un somme, a-t-il été avancé par Foreign Policy, que le président Trump voudrait quadrupler d’ici 2021, à l’occasion des négocations portant sur un nouvel « accord de mesures spéciales ». La Corée du Sud est exactement dans la même situation… En outre, cette présence militaire américaine ne va sans susciter quelques tensions au sein d’une partie de l’opinion publique nippone.

« Nous avons transmis à nos collègues japonais […] l’ensemble des préoccupations concrètes de la Fédération de Russie sur sa sécurité du fait de la présence, du développement et du renforcement constant de l’alliance politico-militaire nippo-américaine », a encore déclaré le chef de la diplomatie russe. « Nos collègues japonais ont promis de réagir à ces préoccupations. Nous allons attendre leur réponse et poursuivre la discussion », a-t-il conclu.

En attendant, l’amiral Hiroshi Yamamura, le chef d’état-major de la Force maritime d’autodéfense japonaise vient de signer un accord trilatéral de coopération avec ses homologues de l’US Navy [l’amiral Mike Gilday] et de la Royal Navy [l’amiral Tony Radakin], à bord du porte-avions britanniques HMS Queen Elizabeth, alors au mouillage à Annapolis [États-Unis].

« Nous devons nous adapter à la nouvelle tendance en matière de sécurité », a fait valoir l’amiral Yamamura. « Assurer l’accès aux voies navigables – et la prospérité économique qui en découle – nécessite un engagement continu à l’égard des normes internationales et du droit de la mer. […] Être prêt à défendre ces normes est important pour nous tous. C’est pourquoi nous continuons tous à voler, naviguer et opérer là où le droit international le permet », a, de son côté, commenté l’amiral Gilday.

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