L’Ukraine est-elle en train de devenir une terre de refuge pour les jihadistes de l’État islamique?


Le 15 novembre dernier, le SBU, le service de renseignement ukrainien, a annoncé l’arrestation d’un certain Al Bara Chichani [alias Cezar Tokhosashvili], un tchétchène d’origine géorgienne, connu pour avoir rejoint la Syrie en 2012 pour combattre au sein du groupe Jamaat Ahadun Ahad, avant de rallier l’État islamique [EI ou Daesh]. Et cela, à la suite d’une opération « spéciale » menée conjointement avec des « services spéciaux étrangers » dans la région de Kiev.

Le SBU a présenté Al Bara Chichani comme étant un cadre important de l’EI. Pourtant donné pour mort, il se serait établi en Turquie après l’élimination, en juillet 2016, d’Abou Omar al-Chichani [dit « Omar le Tchétchène »], le commandant militaire de l’organisation jihadiste, dont il aurait été l’adjoint. Puis, il s’est ensuite rendu en Ukraine, où il a vécu près de Kiev sans avoir été inquiété jusqu’à son interpellation.

Or, selon le quotidien The Independent, Al Bara Chichani ne serait pas le seul jihadiste de l’État islamique à avoir trouvé refuge en Ukraine, où d’après le SBU, il aurait continué à coordonner des actions terroristes.

Spécialiste de la mouvance jihadiste à l’Université de Harvard, Vera Mironova estime ainsi que des « centaines » d’anciens combattants de l’EI ont élu domicile en Ukraine, sans être inquiétés par les autorités locales.

« Arriver en Ukraine, c’est une opération en plusieurs étapes. Ceux qui y parviennent sont ceux qui sont véritablement dangereux », a souligné la chercheuse dans les colonnes du quotidien britannique.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Ainsi, Philip Ingram, un ancien officier des services de renseignements britanniques, a souligné les failles dans le système judiciaire et sécuritaire ukrainien. Généralement, les premiers à en profiter sont « les réseaux du crime organisé ». Mais ce laxisme, teinté de corruption, n’aurait donc pas échappé aux jihadistes.

Ainsi, par exemple, si l’introduction des passeports biométriques, en 2015, a réduit la circulation de faux documents, il n’en reste pas moins qu’il est encore assez facile de s’en procurer via le Dark Net, pour 5.000 dollars en moyenne. « The Independent connaît au moins un exemple d’un ancien jihadiste ayant obtenu un passeport biométrique de cette manière », écrit le quotidien.

Le laxisme judicaire et la corruption n’expliquent pas tout : l’Ukraine offre plusieurs avantages aux jihadistes de l’EI, en particulier pour ceux qui sont originaires du Caucase. Le pays est proche de la Géorgie et de la Tchétchènie, on y parle la langue russe, le risque d’extradition vers la Russie est faible et les services de sécurité manquent souvent de professionnalisme. Qui plus est, la priorité de Kiev est le Donbass, où ses forces font face à des séparatistes pro-russes.

Seulement, cette présence présumée de jihadistes en Ukraine n’est pas sans conséquence pour l’Union européenne qui, en 2015, et malgré les réserves de la France et de l’Allemagne, a décidé d’exmpter une les ressortissants ukrainiens disposant d’un passeport biométrique désireux de séjourner dans l’espace Schengen à demander un visa.

Cela étant, le SBU se défend de tout laxisme et dit être vigilant. Nous parlons aujourd’hui de quelques cas individuels, de personnes qui essaient de se cacher des autorités. Mais nous les trouvons tous » et les arrêtons, a fait valoir une porte-parole auprès du journal britannique.

« Le Conseil de sécurité de l’Ukraine coopère systématiquement et efficacement avec les agences spéciales et les forces de l’ordre partenaires pour détecter et neutraliser rapidement les menaces terroristes », insiste encore le SBU, sur son site Internet.

Photo : SBU

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