L’État-major des armées explique les pertes de l’armée malienne par la jeunesse de ses soldats sous-équipés

En un peu plus d’un mois, les Forces armées maliennes [FAMa] ont perdu au moins 120 soldats au cours de trois attaques distinctes. La première, menée le 30 septembre et revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM] a décimé le bataillon malien de la Force conjointe du G5 Sahel, lequel a déploré 40 tués dans ses rangs ainsi que de nombreux disparus. Et il a été dit que, l’assaut ayant été lancé à l’aube, la garnison avait été surprise.

L’effet de surprise a également été avancé pour expliquer les lourdes pertes subies à In Delimane [au moins 49 tués, ndlr], lors d’une attaque revendiquée par l’État islamique dans le grand Sahara [EIGS] le 2 novembre, l’assaut ayant été donné à l’heure du déjeuner.

Seulement, même si elles n’avaient pas donné lieu à de tels niveaux de pertes, des attaques similaires avaient déjà été lancées par les groupes jihadistes par le passé. On pouvait donc penser que, avec les retours d’expérience [RETEX], des mesures de protection avaient été prises pour éviter ce type d’assaut. Ou du moins en limiter les effets.

Enfin, le 18 novembre, lors d’une opération transfrontalière conjointe menée avec l’armée nigérienne et appelée Tongo Tongo, une unité malienne est tombée dans une embuscade dans la vallée de Tabankort, au sud de Menaka. Selon un dernier bilan, 30 soldats maliens ont été tués et cent autres se sont repliés au Niger. La force française Barkhane a engagé une patrouille d’hélicoptères d’attaque Tigre puis une autre de Mirage 2000, ce qui a permis de « neutraliser des terroristes armés et mettre hors d’état des ressources diverses, en deux actions distinctes », a indiqué l’État-major des armées [EMA]. Selon les FAMa, 17 terroristes ont ainsi été mis hors de combat.

Là encore, de telles embuscades avaient déjà eu lieu précédemment, notamment au Niger et au Burkina Faso. La Mission des Nations unies au Mali [MINUSMA] y a également été confrontée.

Quoi qu’il en soit, souligne Paris, le « nombre des attaques n’a pas nécessairement augmenté, mais elles sont de toute évidence plus meurtrières » car « l’ennemi fait face à une armée qui est jeune, dont l’équipement est perfectible, et qui est en voie d’opérationnalisation. » Et cela alors que la mission de l’Union européenne EUTM Mali, lancée en 2013, a formé 14.000 soldats maliens et qualifié 8 bataillons des FAMa.

Cela étant, il est certain que l’équipement des soldats maliens est « perfectible ». Cela avait d’ailleurs été mis en lumière en novembre 2017, lors de l’une des première opération menée par la Force conjointe du G5 Sahel à laquelle les FAMa contribuent.

« La capacité de la Force conjointe à concevoir, commander et conduire une opération a été validée, démontrant qu’elle dispose de cadres formés capables de mettre en œuvre des procédures communes », avait indiqué l’EMA, à l’époque. Cependant, il était apparu des lacunes dans les domaines de l’appui aérien, de la logistique, des transmissions et de l’évacuation sanitaire.

Un rapport de l’International Crisis Group [ICG] avait par ailleurs expliqué, en décembre 2017, que l’armée malienne n’existait que « sur le papier » et qu’elle n’avait « qu’une très faible capacité opérationnelle ». Et d’ajouter : « Sa refondation progresse très lentement » et elle « reste en grande partie ce corps désorganisé qu’elle était à la veille du coup d’État du capitaine Sanogo en mars 2012. »

Le sous-équipement des FAMa est régulièrement dénoncé par lors de manifestations organisées après chaque attaque meurtrière dont elles sont la cible. « Aujourd’hui, c’est un moment fort de soutien aux forces de défense et de sécurité. Nous savons qu’elles sont déterminées à accomplir leur mission. Leur détermination se nourrit également de notre détermination à nous tous », a ainsi affirmé Modibo Sidibé, un ex-Premier ministre désormais dans l’opposition, le 15 novembre.

« Nous avons également dénoncé toute la corruption et la mal gouvernance qui malheureusement ont mis nos propres armées dans des situations extrêmement difficiles. Nous avons exigé qu’il y ait un audit sérieux sur le montant alloué par l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi de programmation militaire », a également insisté Soumaïla Cissé, du Front pour la sauvegarde de la démocratie [FDS], cité par RFI.

Une autre raison avancée par l’État-major français est que les FAMa « contestent le terrain des groupes armés terroristes » et veulent « s’implanter dans le Liptako, dont elles étaient absentes il y a quelques mois encore. »

Aussi, souligne l’EMA, il « est de notre devoir de les accompagner, de souligner leurs efforts et leurs résultats, comme lors de Bourgou 4, ou la reprise du camp de Boulkessi, mais également de les soutenir lors des épisodes douloureux, qui sont malheureusement une facette de leur montée en puissance. »

Cela étant, l’EMA a rappelé la stratégie de la France au Sahel. Ainsi, l’objectif est que les États du G5 Sahel puissent avoir la « capacité d’assurer leur sécurité de façon autonome ». Au niveau politique, elle repose sur une approche 3D, pour « Défense, Diplomatie et Développement. »

Le volet militaire « repose sur une stratégie zonale de résolution de crise, avec un effort concentré sur la région du Liptako-Gourma, tout en restant capable d’intervenir dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne en tant que de besoin », explique l’EMA. Et cela, dans un environnement à la fois rude et complexe, en raison de la diversité sociale et ethniques des populations.

« La complexité de cet environnement amène donc Barkhane à dépasser le cadre de la lutte contre les groupes armés terroristes, et à mettre en œuvre des actions ciblées regroupées sous trois objectifs distincts mais convergeant vers le même état final recherché », poursuit l’EMA.

Ces trois objectifs visent à réduire la menace terroriste et à entraver la liberté d’action des groupes jihadistes, à mettre ces derniers à portée des forces armées locales et de réduire leur influence bia des actions civilo-militaires auprès des populations.

« Notre action auprès de nos partenaires suppose d’une part de les former, de les équiper et de les accompagner au combat. Elle suppose d’autre part de pouvoir les appuyer directement sur le terrain dans les domaines du renseignement, du commandement ou de l’appui aérien », souligne encore l’EMA.

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