Le président serbe dénonce les manoeuvres du renseignement russe dans son pays

En janvier dernier, le président russe, Vladimir Poutine, a reçu un accueil « triomphal » à Belgrade, avec plus de 120.000 Serbes venus l’acclamer sur le parvis de l’église Saint-Sava, rénovée en grande partie par le groupe russe Gazprom. Il faut dire que la Russie porte une grande attention à la Serbie, qui est son partenaire le plus proche dans les Balkans occidentaux, où la plupart des pays ont rejoint l’Otan ou émis la volonté de le faire.

Cette popularité du président Poutine auprès des Serbes s’expliquent sans doute par les racines slaves et orthodoxes communes au deux pays. Mais pas seulement… Le soutien de Moscou à Belgrade au sujet du Kosovo est une autre raison.

De même que les efforts russes en matière d’influence, avec la présence à Belgrade d’une centaine d’ONG oeuvrant au rapprochement entre les deux pays, les messages passés au patriarcat orthodoxe de Serbie et des médias ouvertement pro-russes.

Résultat : selon un sondage publié en 2017 par le ministère serbe de l’Intégration européenne, les Serbes placent la Russie au deuxième rang des pays qui ont le plus aidé la Serbie au cours de ces dernières années, alors que la réalité est un peu différente puisqu’elle n’arrive qu’à la 9e position : 75% des dons reçus par la Serbie proviennent en effet de l’Union européenne et/ou de ses pays membres. Et selon les données de la Banque nationale serbe, plus de 70 % des investissements étrangers entre 2010 et 2017 sont venus de l’UE, contre quelque 10 % de Russie.

En outre, les investissements russes se font parfois aux dépens de Belgrade… Le rachat du groupe gazier serbe Naftna Industrija Srbije [NIS] par Gazprom en est un exemple : le géant russe de l’énergie a déboursé 400 millions de dollars alors que la valeur de cet actif était estimé à 3 milliards de dollars, selon Igor Novakovic, directeur de recherche au Centre des affaires internationales et de sécurité, cité dans une enquête de l’Express. « Depuis, les Russes produisent le gaz, mais ils ne versent que 3 % de royalties à l’État serbe. Très en deçà des taux habituels », a-t-il ajouté.

En outre, s’agissant du Kosovo, on peut se demander s’il est dans l’intérêt de Moscou de voir la situation se normaliser, dans la mesure où Belgrade serait susceptible ensuite de rejoindre l’Union européenne [UE].

Quoi qu’il en soit, cette attention russe pour Berlgrade se retrouve évidemment dans le domaine militaire. Ainsi, la Russie a livré, à un « prix d’ami » des avions de combat MiG-29 à la force aérienne serbe. En octobre, les forces aérospatiales russes ont déployé en Serbie des batteries de défense aérienne S-400 à l’occasion de l’exercice conjoint « Bouclier slave 2019 ».

Mais sans doute que la Russie en fait trop… Du moins, c’est ce que peut penser après les propos tenus le 21 novembre par Aleksander Vucic, le président serbe. En effet, ce dernier a dénoncé les actions du renseignement russe dans son pays, à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité nationale.

En cause : Une vidéo montrant un membre présumé du renseignement russe] remettre de l’argent à un lieutenant-colonel serbe sur un parking, à Zemun, dans la banlieue de Belgrade. L’officier russe a par la suite été identifié comme étant le lieutenant-colonel Georgy Kleban, adjoint de l’attaché défense de l’ambassade de Russie jusqu’en juin 2019.

« Dix contacts de Georgy Kleban avec trois sources conspiratrices ont été documentés. Trois fois, [ce] lieutenant-colonel a remis de l’argent » à ses contacts serbes, a précisé le président Vucic. Le service de renseignement serbe Bezbednosno Informativna Agencija [BIA] a la preuve de contacts de plusieurs « autres membres des services de renseignement russes avec des membres de structures militaires de la Serbie », a-t-il ajouté.

Le ministère russe des Affaires étrangères n’a évidemment pas manqué de réagir. « Nous sommes habitués à ce genre de révélations qui font toujours surface une semaine ou quelques jours avant des rencontres au plus haut niveau et qui sont présentées comme sensationnelles. Et dans quelques mois, ces informations seront soit niées soit reconnues comme une provocation concoctée à la hâte », a ainsi déclaré Maria Zakharova, sa porte-parole, en faisant référence à la visite que doit faire le président serbe à Moscou le 4 décembre prochain.

De son côté, son homologue du Kremlin, Dmitri Pesko, a dit être certain que « le relations entre la Russie et la Serbie sont si spéciales et fraternelles que rien ne pourra les détruire. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]