La France plaide pour un « pilier européen » au sein de l’Otan

En disant tout et son contraire, le président américain, Donald Trump, s’adonne-t-il à l’art de l’offuscation? En effet, alors que, ces derniers mois, les relations entre Washington et Ankara ont été tendues [achat par la Turquie de systèmes russes S-400 ayant motivé son expulsion du programme d’avions de combat F-35, affaire du pasteur Andrew Brunson, taxes américaines sur l’acier, Syrie, etc], le chef le chef de la Maison Blanche n’a eu que des mots élogieux à l’endroit de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, qu’il a reçu le 13 novembre.

« Je suis un grand fan du président », a en effet M. Trump en parlant de M. Erdogan. « Nous sommes amis depuis longtemps », a-t-il dit, qui avait menacé de « détruire » l’économie turque quand Ankara lança son offensive contre les milices kurdes syriennes [YPG] dans le nord-est de la Syrie, le 9 octobre dernier.

Justement, cette séquence, qui a donc vu ces deux pays prendre des décisions sans en aviser préalablement leurs partenaires de l’Alliance atlantique ainsi que les pays membres de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [dont certains étaient concernés au premier chef, étant donné qu’ils avaient des troupes dans le nord de la Syrie au moment de l’offensive turques, ndlr] est l’une des raisons qui ont poussé le président Macron à dire que l’Otan était « en état de mort cérébrale » et à s’interroger sur l’article 5, c’est à dire la clause de défense collective prévue par le Traité de Washington [ou de l’Atlantique-Nord].

« Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu », a en effet déclaré M. Macron, dans un entretien publié par The Economist, avant d’en appeler l’Europe à se doter d’une autonomie stratégique et militaire si elle ne voulait pas « disparaître ».

Des propos qui ont d’ailleurs offusqué M. Erdogan, étant donné qu’il les a jugés « inacceptables ». « Je pense que le président [turc] n’a vraiment pas apprécié […] et je pense que beaucoup d’autres gens ont eu la même réaction », a résumé M. Trump.

Cela étant, au Sénat, la ministre des Armées, Florence Parly, est une nouvelle fois revenue sur le constat fait par M. Macron au sujet de l’Otan.

« Lorsque le président de la République a évoqué la mort cérébrale de l’Otan, cela ne veut pas dire la mort de l’Otan mais […] nul ne peut ignorer la crise que traverse l’organisation », a ainsi déclaré Mme Parly. « Certes, sur un plan strictement militaire, les choses fonctionnent. L’Otan est un outil robuste […] Mais cela ne doit pas cacher l’essentiel », a-t-elle ajouté, avant de dénoncer « l’insuffisance criante de l’effort de défense des Européens, là où même les Européens devraient constituer leur propre pilier au sein de l’Alliance » atlantique.

« La responsabilité du président de la République, c’est d’alerter nos partenaires comme il l’a fait à la veille du sommet de Londres. L’Otan est la pierre angulaire de la défense européenne, mais elle doit s’adapter. […] Il faut se repenser. Nous allons lancer, avec les alliés, une vraie réflexion stratégique sur l’avenir de l’Alliance et sur la force de nos engagements en son sein. Nous ferons prochainement des suggestions précises à cet effet », a poursuivi Mme Parly.

Dans le fonds, les débats actuels renvoient à ceux que l’on a pu avoir il y a un peu plus de dix ans, c’est à dire au moment où la France s’apprêtait à retrouver le commandement militaire intégré de l’Otan, qu’elle avait quitté en 1966.

« Nous voulons renforcer le partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Otan, fondé sur la complémentarité », avait ainsi affirmé le président Sarkozy, lors d’un discours prononcé en mars 2009 devant la Fondation pour la recherche stratégique [FRS]. « Notre incapacité à assumer au grand jour notre position dans l’Alliance jette le doute sur nos objectifs. Résultat, nous avons une Alliance qui n’est pas assez européenne et une Europe de la défense qui ne progressait pas comme nous l’espérions », avait-il aussi rappelé.

Le président Sarkozy avait également affirmé que l’Alliance ne devait pas être une « auberge » car « y entrer […] implique de partager nos valeurs, de pouvoir en assumer les responsabilités et de contribuer effectivement à la sécurité des alliés et à la stabilité du continent. »

Quoi qu’il en soit, le chemin vers un « pilier européen » de l’Otan s’annonce long et difficile. Actuellement, les pays ne faisant pas partie de l’Union européenne représentent 80% du total des dépenses militaires des Alliés [ce seuil sera atteint une fois le Brexit achevé, ndlr]. C’est dire qu’il reste de la marge pour rééquilibrer le tout.

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