Trente ans après la chute du Mur, la Bundeswehr n’a que deux généraux nés en ex-Allemagne de l’Est

Le soir du 9 novembre 1989, avec la chute du Mur de Berlin, un « peuple entier se libérait, près de quarante ans à attendre, pour passer de l’autre côté », a chanté Jean-Pax Méfret. Et l’événement ouvrait la voie à la réunification de la République fédérale d’Allemagne [RFA] avec la République démocratique allemande [RDA] et, plus généralement, annonçait la chute du communisme dans l’est de l’Europe. La réunification allemande eut lieu près d’un an plus tard, le 3 octobre 1990.

Cette dernière ne se fit pas sans mal, en raison de l’écart abyssal entre les situations économiques et sociales entre l’ouest et l’est de cette Allemagne réunifiée. Qui plus est, la décision de convertir 1 deutsche Mark pour 1 Ost Mark eut pour conséquence de creuser encore plus le fossé entre la RFA et l’ex-RDA. Pendant que le PIB de la première progressait de 5%, la second vit le sien chuter inexorablement.

Trente plus tard, plus de 50% du PIB allemand se concentre dans seulement trois Länder, à savoir la Rhénanie-du-Nord/Westphalie, le Bade-Wurtenberg et la Bavière, les 13 autres régions se partageant le reste. Et un Allemand de l’Ouest dispose, en moyenne, d’un patrimoine de 94.000 euros. Soit un niveau plus de fois supérieur à celui que détient un « Ossi » [41.000 euros en 2017, ndlr].

Cependant, le gouvernement allemand assure que les différences tendent à s’estomper progressivement. « Le rapport annuel du gouvernement fédéral [Jahresbericht der Bundesregierung zum Stand der Deutschen Einheit 2018] confirme que le nivellement des conditions de vie est bien avancé. Surtout en ce qui concerne l’infrastructure, la qualité de l’environnement, l’image des villes et des villages, les conditions de logement et la santé », dit-il.

Le taux de chômage dans l’ex-RDA, qui était encore de 18,7% en 2005, est tombé à 7,5% douze ans plus tard, alors qu’il s’élève à « seulement » 5,3% dans les Landër de l’Ouest. Et cela grâce à un tissu économique reposant essentiellemnt sur des PME. « La part de l’industrie dans la valeur ajoutée brute est aujourd’hui dans l’est de l’Allemagne supérieure à la moyenne de l’Union européenne », assure Berlin.

Reste, malgré tout, « pour ce qui est du niveau des salaires, de la force économique, de la recherche et de l’innovation, l’est de l’Allemagne accuse encore un retard par rapport à l’ouest », admet le gouvernement allemand.

Mais la différence entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne se mesure aussi au sein de la Bundeswehr. En effet, seulement deux officiers généraux nés en ex-RDA figurent parmi les 215 que comptent les forces armées allemandes. Et, au ministère de la Défense, « 10 chefs de division sur 181 sont nés en Allemagne de l’Est », selon des données officielles communiquées à Matthias Höhn, un député du Bundestag.

L’explication probable à cette situation est à chercher dans le parcours des officiers originaires de l’ex-RDA arrivé à un âge où ils peuvent espérer obtenir leurs étoiles de général. Ayant servi dans une armée ayant fait partie du Pacte de Varsovie, ils ont pris du retard dans leur avancement par rapport à leurs camarades rompus aux procédures de l’Otan. Et sans doute que certains réflexes et modes de pensée ne sont pas aussi faciles à perdre…

Cependant, cette situation vaut aussi pour les autres administrations fédérales allemandes, même si elle semble un peu moins marquée. Ainsi, « sur les 1.750 chefs d’unité des ministères fédéraux et de la Chancellerie, 217 seulement sont nés en Allemagne de l’Est. Soit 12% », souligne le quotidien « Schweriner Volkszeitung ».

Quoi qu’il en soit, a fustigé le député Höhn, « la direction de la Bundeswehr est aux mains de l’Allemagne de l’Ouest. » Pour lui, le « gouvernement fédéral est seul responsable de ces disparités inacceptables dans la direction de la Bundeswehr » et « le fait qu’il parle d’une armée unifiée semble presque ridicule. »

Par ailleurs, la faible proportion de généraux nés en ex-RDA n’est pas ce qui a retenu l’attention du Bundeswehr-Journal. En revanche, le nombre d’officiers généraux au sein des forces armées allemande l’a fait tiquer.

Avec 215 généraux pour environ 197.000 militaires, le Bundeswehr-Journal estime en effet qu’il y « peu d’Indiens mais beaucoup de chefs ». Et, selon lui, la Bundeswehr a un « problème de leadership ». En France, on compte 376 officiers généraux pour 206.317 personnels militaires d’active et 61.287 employés civils.

« En 1992, il y avait près de 470.000 soldats, dirigés par 193 généraux. La Bundeswehr a donc économisé sur tout depuis la fin de la Guerre Froide mais n’a pas touché aux postes de direction les plus élévés, bien payés et politiquement occupés », a souligné Ferdinand Knauß, ancien porte-parole du ministère allemand de l’Éducation et de la Recherche devenu journaliste au magazine économique WirtschaftsWoche.

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