La crise de l’habillement au sein des armées va-t-elle être enfin réglée?

Lors de la dernière audition de la ministre des Armées, Florence Parly, à l’Assemblée nationale, le député Jacques Marilossian a brièvement évoqué la crise de l’habillement qui affecte la Marine nationale et qui se « traduit par des problèmes de délais, de ruptures de stock, de matériels non conformes. »

Et cela fait déjà un moment qu’il en est question, de cette crise. En 2015, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait été interpellé à ce sujet. Et il avait promis un « plan d’urgence » pour y remédier dans les plus brefs délais. « C’est une question récurrente mais qui n’est pas si secondaire car ça contribue au moral », avait-il souligné.

Deux ans plus tard, tout était encore loin d’être réglé. En effet, passé auprès d’une « marque renommée », le marché des chaussures de sécurité ne donnait pas satisfaction et plus de 30% des articles livrés présentaient une qualité jugée insuffisante, « créant une pénurie inattendue », selon Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. Les chemisettes blanches et les tenues de protection de base [TPB, c’est à dire a tenue de travail des marins] s’usaient alors beaucoup trop rapidement.

La Marine nationale n’est pas la seule à connaître des problèmes de cette nature. Des chiffres donnés par le Centre interarmées de coordination du soutien [CICoS] ont montré que moins de 20% des aviateurs se disaient « satisfaits » de l’approvisionnement en matière d’habillement.

« Trop de ruptures de stock et impossibilité de fournir un paquetage complet aux jeunes engagés sont monnaies courantes. Ce n’est pas acceptable et ça dure depuis le début de la réforme des soutiens. Ça cristallise le mécontentement. Ça pourrait être anecdotique mais ça ne l’est pas. La tenue, c’est important, y compris dans l’armée de l’Air », avait déploré un représentant de l’APNM « Air » [Association professionnelle nationale de militaires, ndlr].

Quant à l’armée de Terre, l’édition 2017 de la Revue annuelle de la condition militaire avait constaté un « défaut de quantité et de qualité du service rendu dans le domaine de la fourniture d’habillement [treillis, chaussures] et d’effets de protection [gilets pare-balles] » lors de la montée en puissance de l’opération Sentinelle.

Début 2018, selon Francis Lamy, le président du Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM], 40% des bases de défenses rencontraient des difficultés » dans le domaine de l’habillement. Et de citer la lenteur du processus de distribution des effets, des pénuries d’équipements, des ruptures régulières de stock, des dysfonctionnements de délivrance, etc… Cela conduit à une « hétérogénéité de tenue en opération ou à la persistance de pratiques d’achats personnels d’effets par les militaires », avait-il souligné.

« Aujourd’hui, attendre 8 mois pour recevoir son pantalon de service ou devoir prêter ses chaussures de défilé à son camarade pour les cérémonies officielles faute de stock suffisant, ce n’est plus possible », a admis Mme Parly, lors d’un déplacement à Châtres pour y inaugurer l’établissement logistique du Commissariat des armées [ELOCA] de « nouvelle génération ».

« Un homme ou une femme, se sent devenir militaire le jour où il ou elle revêt l’uniforme. Son uniforme, c’est sa fierté ; sa tenue, c’est son identité. […] Ce n’est pas seulement la tradition qui se transmet par l’effet militaire, c’est l’esprit de corps. La richesse de notre habillement et des effets militaires, c’est ce qui fait que l’esprit de corps de nos Armées est si puissant », a par ailleurs souligné la ministre, pour qui la « fonction de l’habillement est fondamentale. »

Or, a-t-elle poursuivi, « avoir une filière performante dans ce domaine c’est avoir une armée soudée, bien préparée et fière de ce qu’elle est. »

Cet ELOCA de nouvelle génération doit justement permettre de régler cette crise au sein des armées dans la mesure où il « incarne le renouveau de la filière habillement », lancé par le Service du Commissariat des armées [SCA].

Auparavant, l’ELOCA se répartissait sur 33 hectares et comptait une trentaine de bâtîments. Désormais, il a pris la forme d’un entrepôt unique de 36.000 m2, entièrement numérisé et pouvant stocker jusqu’à 50.000 palettes d’effets militaires.

« Cette démarche a un double objectif : centraliser le stock habillement et optimiser la préparation de commandes individuelles et collectives afin d’améliorer la qualité de service. En s’inspirant des modèles civils les plus performants, le Commissariat des Armées a donc complétement renouvelé son processus industriel. Les trois phases techniques que sont la réception, le stockage et la distribution des produits bénéficient aujourd’hui des progrès les plus adaptés à nos enjeux en matière d’automatisation et de développement des systèmes d’information », est-il détaillé dans colonnes du dernier numéro de « Soutenir », le magazine du SCA.

« Demain, grâce aux nouveaux moyens numériques de l’ÉLoCA, il sera possible de passer commande en ligne, sur internet ou depuis une application mobile. Il sera possible de suivre sa commande et de se faire livrer dans des boîtes en libre-service au sein d’un espace ATLAS, qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom : l’accès en tout temps et en tout lieu au soutien, y compris à l’habillement. C’est un service sur-mesure que nous créons pour faciliter la vie de nos soldats et nous allons continuer de déployer avec des services toujours plus nombreux », a expliqué Mme Parly.

L’armée de l’Air sera la première à bénéficier de ce système de commande en ligne. Puis ce dernier sera étendu à l’ensemble des armées et service dans le courant de l’année 2020.

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