Le moteur SABRE de Reaction Engines a franchi une étape cruciale qui ouvre la voie au vol hypersonique

Fondée en 1989 par trois anciens ingénieurs du motoriste britannique Rolls Royce, Reaction Engines développe, depuis maintenant plusieurs années, un moteur se voulant révolutionnaire puisqu’il pourrait être utilisé pour mettre au point aussi bien des aéronefs hypersoniques [volant à une vitesse supérieure ou égale à Mach 5, ndlr] que des avions spatiaux pouvant décoller pour mettre une charge utile en orbite avant d’atterrir.

Un tel projet, appelé « SABRE » [Synergetic Air-Breathing Rocket Engine] » éveille évidemment beaucoup d’intérêt. Si la DARPA, l’agence de recherche et de développement du Pentagone, a attribué des contrats à sa filiale américaine, le Defence Equipment and Support’s Technology Office [DE&S] du ministère britannique de la Défense finance une partie de ses recherches.

« Dans le cadre des technologies développées parallèlement au projet Tempest [avion de combat de nouvelle génération, ndlr], je suis ravi de dire que, de concert avec Rolls-Royce, Reaction Engines et BAE Systems, nous développons des systèmes à propulsion hypersonique […], ce qui fera du Royaume-Uni un centre d’excellence pour cette technologie et contribuera à répondre aux futurs besoins de la Défense britannique », a en effet commenté l’air marshall Sir Stephen Hillier, le chef d’état-major de la Royal Air Force, en juillet dernier.

Et, visiblement, le « SABRE » est prometteur. En tout cas, les groupes de secteur de l’aéronautique et de la défense le pensent puisque Rolls Royce, BAE Systems et Boeing [via le fonds corporate venture Horizon X] ont pris des participations importantes au capital de l’entreprise britannique.

Et en effet, le moteur « SABRE » pourrait révolutionner le transport aérien ou encore réduire drastiquement le coût de mise sur orbite d’un satellite.

« Contrairement aux réacteurs, les moteurs SABRE peuvent également fonctionner en mode fusée en dehors de l’atmosphère, ce qui ouvre la voie à une prochaine génération de lanceurs spatiaux réellement réutilisables. Et les aéronefs propulsés par SABRE pourront réduire le temps de vol entre Londres et l’Australie à quatre heures », fait ainsi valoir Reaction Engines.

Pour cela, les ingénieurs de l’entreprise britannique planchent sur un « pré-refroidisseur » [ou échangeur de chaleur] permettant de refroidir un flux d’air de 1.000 °C à -150 °C en 0,01 seconde tout en évitant la formation de givre. Ce qui évite la surchauffe à ses composants.

« Cette rupture technologique repose sur un système de refroidissement qui utilise un ensemble de tubes très fins disposés en forme de vortex et remplis d’hélium condensé afin d’extraire de la chaleur à partir de l’air et la réduire jusqu’à -150°C avant qu’elle ne pénètre dans le moteur. Dans des conditions normales, l’humidité contenue dans l’air viendrait à geler, tapissant le moteur de givre. Cependant, l’entreprise a également mis au point une méthode qui empêche ce phénomène de se produire », résumait Business Insider, en 2012.

Lors de tests menés en avril dernier, les ingénieurs de Reaction Engines ont réussi à réduire la température de 420 degrés en 0,05 seconde, ce qui correspondait à un vol supersonique de Mach 3,5. Mais ils ont encore fait mieux en octobre, avec une baisse de 1.000°c en 1/20 de seconde.

Reaction Engines a « testé avec succès son prérefroidisseur à des températures de flux d’air représentatives de Mach 5, marquant une étape importante dans le développement du moteur SABRE », a en effet annoncé l’entreprise britannique, fin octobre.

Les « tests ont démontré la capacité du prérefroidisseur à refroidir avec succès le flux d’air à des vitesses nettement supérieures à la limite opérationnelle de tout avion à réaction. Mach 5 est plus de deux fois plus rapide que la vitesse de croisière du Concorde et plus de 50% plus rapide que celle de l’avion Blackbird SR-71, qui fut le plus rapide au monde doté d’un moteur à réaction », a en outre souligné Reaction Engines. Et cela ouvre désormais la voie aux vols hypersoniques.

« C’est un événement capital pour Reaction Engines et le développement du moteur SABRE, qui pourrait potentiellement révolutionner à la fois l’accès à l’espace et le vol à grande vitesse […] Les performances de notre technologie prérefroidissement ont été validées dans des conditions de vol hypersoniques et nous rapprochent de la réalisation de notre objectif de développer le premier moteur hybride capable d’accélérer de zéro à Mach 5 », s’est félicité Richard Varvill, directeur technique et co-fondateur de l’entreprise.

Cela étant, la mise au point d’un appareil hypersonique ne s’arrête pas aux moteurs… Et cela suppose de relever d’autres défis, notamment au niveau des matériaux ou des systèmes de contrôle.

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