La Marine nationale a des difficultés pour recruter, ce qui met certaines spécialités sous grosse tension

Chaque année, la Marine nationale doit renouveler environ 10% de ses effectifs afin de pouvoir compter sur la jeunesse de ses marins. En outre, avec la fin des suppressions de postes décidée en 2015, ses objectifs en matière de recrutement sont ambitieux puisque ce dernier doit progresser de plus de 40% en cinq ans.

Ainsi, en 2018, la Marine nationale devait recruter 3.400 jeunes marins, en se focalisant notamment sur l’École de maistrance, qui forme ses officiers-mariniers. Or, selon le député Jacques Marilossian, rapporteur pour avis de ses crédits au titre du projet de loi de finance initiale 2020, cet objectif n’a pas été atteint, 400 recrues ayant manqué à l’appel.

Or, ce sous-recrutement va produire des « déficits dans les effectifs de la Marine à partir de la date où les marins que l’on aurait dû recruter auraient dû sortir d’école », explique l’amiral Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale. « C’est donc à partir de 2019 et de 2020 que se feront sentir le plus les ‘non-recrutements' » de 2018, a-t-il ajouté.

« C’est ainsi que, dans le cadre du dialogue de gestion ‘classique’ des schémas d’emplois, la direction des ressources humaines du ministère [des Armées] a tenu compte des performances du recrutement. Début 2019, le schéma d’emplois de la marine a ainsi été revu à la baisse de 51 emplois. Les performances début septembre [2019] s’établissaient à un déficit de 72 emplois, soit 21 postes vacants de plus que ce qui a été arrêté en début d’année », a par ailleurs précisé M. Marilossian.

Une solution pourrait passer par un « sur-recrutement » pour compenser les déficits passés. Mais ce raisonnement est « simpliste » dans la mesure où les écoles de la Marine ne peuvent former plus de recrues qu’elles ne peuvent en accueillir.

« Le volume de recrutement est contraint par les capacités des écoles. En effet, les capacités de formation sont calculées au plus juste ‒ par exemple, si une école dispose de simulateurs pour 24 élèves, elle ne peut pas raisonnablement augmenter ses effectifs. Cela contribue à ce que la marine ne puisse pas envisager combler en 2019 le retard pris en 2018 », souligne le rapporteur pour avis.

Par ailleurs, certaines spécialités sont plus affectées que d’autres par ce sous-recrutement. L’informatique en fait notamment partie, étant donné que le secteur privé offre des rémunérations plus élevées sans les sujétions inhérentes au métier de marin [et au statut militaire].

« La Marine a ainsi recruté onze officiers spécialisés de la marine sous contrat [OSM-SC] en 2018 dans le domaine ‘informatique et cyber’ sur les douze dont elle avait besoin, mais la tension est plus forte en 2019, avec trois recrutements réalisés au 1er septembre sur les douze prévus pour l’année », note ainsi le député. Et « attirer des candidatures ‘de qualité’ vers les métiers de l’énergie-propulsion et de l’aéronautique est également compliqué », ajoute-t-il.

En outre, s’agissant du recrutement des officiers mariniers, la Marine a des difficultés pour les spécialités de contrôleur aérien, avec seulement 25% des postes pourvus en 2018, de plongeur-démineur [38 %], de technicien aéronautique – avionique [47 %], de technicien de maintenance navale – mécanique [60 %] ou encore de technicien de conduite et de maintenance nucléaire [70 %].

Enfin, pour les équipages, certaines spécialités liées aux opérations navales [systèmes d’information et de communication, systèmes de détection] sont en difficutés, avec des postes pourvus seulement à hauteur de 52/57%.

D’après l’amiral Jean-Baptiste Dupuis, directeur du personnel militaire de la Marine, « plus le recrutement est qualifié, plus il est facile, plus il est ’embarqué’, plus il est difficile et plus il est technique, plus il est difficile également. » Aussi, résume M. Marilossian, il est « plus facile de recruter un officier juriste pour les organes administratifs qu’un matelot mécanicien à Brest. »

Cela étant, les premiers chiffres du recrutement pour 2019 laissent entrevoir une amélioration par rapport à l’an passé… Mais ils « incitent tout de même à une certaine vigilance », avertit le député.

Ainsi, pour l’École de Maistrance, « l’évolution des recrutements mois par mois reste […] inférieure aux objectifs » même si une hausse est constatée. Et, au « 1er octobre 2019, l’objectif annuel aura été atteint à 63 % de son objectif annuel », précise le rapporteur.

« Le recrutement de quartiers-maîtres de la flotte [QMF] pour des contrats de quatre ans reste inférieur aux objectifs : au 1er octobre 2019, 56 % seulement des objectifs annuels ont été remplis », poursuit-il.

Enfin, seul le recrutement des officiers de marine donne satisfaction… hormis celui des officiers servant en vertu d’un contrat à des fonctions d’état-major [OSC-EM] « dans les filières les plus concurrentielles, tels la cybernétique, l’informatique et le nucléaire. »

Quoi qu’il en soit, pour M. Marilossian, « la Marine se trouve aujourd’hui en situation de sous-effectif, non à cause d’un manque de crédits, mais faute de volontaires pour s’engager sous les drapeaux ou y demeurer. »

Et d’en donner la raison : « Obstacle à la fidélisation, la perte d’attractivité de la marine n’est pas seulement pécuniaire : elle tient beaucoup au décalage entre ce qui fait la vie de marin et les aspirations de la majorité des jeunes Français et Françaises. Les freins tiennent davantage à un manque d’intérêt pour ces métiers, exigeants en matière de disponibilité, de mobilité et d’imprévisibilité de la charge de travail, et faisant peser de nombreuses contraintes pesant sur la vie de famille. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]