Les forces terrestres allemandes et américaines vont élever leur interopérabilité à un niveau inégalé [MàJ]

Lors d’une audition parlementaire, en mars 2018, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, avait déploré le fait que le F-35 « cassait » les normes établies au sein de l’Otan en matière d’interopérabilité.

« Le modèle américain du F-35 casse ces codes et vous dit : ‘il n’y a plus d’interopérabilité, il y a intégration avec le F-35’. C’est à dire que vous êtes Américains ou vous n’êtes pas. C’est proprement scandaleux que l’Otan accepte ça. Normalement, c’est l’interopérabilité et on est train de passer à l’uniformisation et à l’intégration dans les armées américaines », s’était emporté M. Trappier.

Et visiblement, cette logique est aussi à l’oeuvre au niveau des forces terrestres. Ainsi, lors de la 27e Conférence des armées européennes, organisée le 24 octobre à Wiesbaden, c’est à dire au quartier général de l’US Army en Europe, le général Jörg Vollmer, chef d’état-major de la Deutsches Heer, et son homologue américain, le général James C. McConville, ont signé un accord bilatéral de « vision stratégique » [SVS] dont l’objectif est de porter leur interopérabilité à un niveau inégalé.

En réalité, il conviendrait de parler d’intégration plutôt que d’interopérabilité puisque cet accord permettrait, d’ici 2027, à un régiment allemand d’opérer sous le contrôle opérationnel d’une brigade de l’US Army, à l’égal d’une unité américaine. Et il est même envisagé de pousser cette intégration au niveau divisionnaire, c’est à dire qu’une division allemande serait placée sous la direction d’un quartier général de corps d’armée américain. Et réciproquement.

« Une plus grande interopérabilité entre les armées allemande et américaine est essentielle, car l’Otan est confrontée à de multiples menaces le long de ses frontières », a-t-il été justifié dans un communiqué cité par Defense News.

Et cet accord suppose les unités allemandes et américaines aient des systèmes d’informations compatibles, ainsi que des procédures communes. Il est aussi question d’initiatives partagées en matière de combat collaboratif et de munitions.

Cette vision stratégique définie par cet accord repose sur un « programme ambitieux fondé sur l’idée que les deux forces terrestres joueront un rôle déterminant dans le maintien de la paix en Europe », relève Defense News.

Ex-commandant de l’US Army Europe désormais en retraite, le général Ben Hodges a estimé que cet accord pourrait être le « point de départ […] pour arriver à un statut analogue à celui des ‘Five Eyes' », c’est à dire l’alliance des services de renseignement américains, australiens, britanniques, canadiens, et néo-zélandais.

Pour le général Hodges, cet accord est « parfaitement réalisable » et « la clé réside dans les changements politiques et technologiques nécessaires. » Ainsi, a-t-il continué, l’Allemagne et les États-Unis ont « besoin de radios tactiques sécurisées, à sauts de fréquence ainsi que des processus numérisés pour les tirs d’artillerie. »

Cela étant, durant l’été 2015, l’armée de Terre française a signé un accord de type SVS avec l’US Army. Et cela afin de « structurer » une collaboration franco-américaine « selon des lignes d’objectifs à atteindre. »

Il s’agit « de continuer à densifier » la « complémentarité » entre l’armée de Terre et l’US Army « en passant d’une collaboration fondée sur la saisie d’opportunités à une collaboration plus structurée. À ce tire, la relation bilatérale de défense peut être qualifiée d’excellente, constituant l’un des piliers les plus solides de la relation bilatérale entre la France et les Etats-Unis. Elle se caractérise par un engagement opérationnel commun sur de nombreux théâtres, des échanges dans les domaines les plus engageants pour le futur [renseignement, espace, cyber] et des relations d’armée à armée fondées sur la confiance [entraînements communs, groupes de travail permanents, etc.] », avait-il été expliqué en 2016.

A priori, le SVS signé par la force terrestre allemande avec l’US Army va donc plus loin, à l’heure où la France ne cesse d’en appeler à renforcer l’autonomie européenne.

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