Le Pentagone confie à Microsoft le stockage de ses données informatiques pour 10 milliards de dollars

On entend par « cloud » [nuage en français] un ensemble de services informatiques, allant des applications au stockage de données à distance en passant par les logiciels, disponibles en permanence, quel que soit le type de terminal utilisé [tablette, téléphone ordinateur, etc].

Pour le secteur de la défense, un « cloud » doit être « durci » dans la mesure où il faut prendre en compte des contraintes opérationnelles [combat collaboratif, commandement et contrôle, communications chiffrées, etc].

Celui que cherche à mettre en place le Pentagone dans le cadre du contrat JEDI [Joint Enterprise Defense Infrastructure] vise donc à moderniser la totalité des systèmes informatiques utilisés par les forces armées américaines en faisant appel, qui plus est, à l’intelligence artificielle. Et le tout, pour 10 milliards dollars.

Plusieurs géants américains de l’informatique étaient donc sur la ligne de départ pour tenter d’obtenir un contrat aussi juteux. En octobre 2018, confronté à une polémique interne concernant ses rapports avec le Pentagone, Google décida de jeter l’éponge, expliquant ne pas avoir obtenu « l’assurance » que le contrat JEDI « serait conforme à [ses] principes en matière d’intelligence artificielle ».

Puis, en avril dernier, Oracle et IBM furent éliminés de la compétition. Seuls Microsoft et Amazon Web Services [AWS] étaient en alors en course.

Cependant, les responsables d’Oracle, estimant que le Pentagone n’avait pas respecté les règles en matière de marchés publics, engagèrent une action en justice. Mais leur plainte fut rejetée par un juge fédéral en juillet. On pensait alors que l’attribution du contrat JEDI serait imminente… Et qu’Amazon allait raffler la mise, étant donné que le groupe fondé par Jeff Bezos [qui est également actif dans le domaine spatial avec Blue Origin, ndlr] fournissait déjà des services informatiques à plusieurs organismes gouvernementaux américains, dont la CIA.

Sauf que, ayant par ailleurs des relations exécrables avec Jeff Bezos, notamment parce qu’il est le propriétaire du Washington Post, le président Trump s’invita dans le processus. Affirmant avoir entendu « des plaintes de diverses entreprises comme Microsoft, Oracle et IBM », il assura vouloir « regarder ça de très près ». En outre, les probèmes de succession à la tête du Pentagone compliquèrent la donne. Et une « pause » fut annoncée en août, afin de permettre à Mark Esper, qui venait d’être confirmé dans ses fonctions de secrétaire à la Défense, de prendre la mesure du dossier.

Finalement, la décision est tombée le 25 octobre. Et le Pentagone a fait mentir les pronostics en attribant le marché « JEDI » à Microsoft, dont le patron, Brad Smith, avait défendu l’opportunité pour son groupe de travailler pour les forces armées américaines via son blog. « Nous tous qui vivons dans ce pays dépendons de sa solide défense. Les personnes qui servent dans nos forces armées travaillent pour une institution ayant un rôle vital », avait-il souligné.

« Si les grandes entreprises de technologie tournent le dos au département de la Défense américain, ce pays sera en difficulté », avait, de son côté, plaidé Jeff Bezos.

« La Stratégie Nationale de Défense dit que nous devons améliorer la rapidité et l’efficacité avec lesquelles nous développons et déployons des capacités techniques modernisées pour nos femmes et nos hommes en uniforme. […] Cette attribution est un pas important dans l’exécution de la Stratégie de Modernisation Numérique », a fait valoir Dana Deasy, le responsable des systèmes informatiques du Pentagone.

Reste à voir si ce choix sera contesté ou non devant les tribunaux… Car Amazon s’est dit « surpris » par la décision du Pentagone. « AWS est clairement le leader dans le domaine du cloud computing, et une évaluation détaillée fondée purement sur la comparaison des offres conduit clairement à une autre conclusion », a fait valoir le groupe, via un communiqué.

À noter que Microsoft est déjà présent dans le secteur de la défense. En juin 2018, le français Thales avait en effet annoncé un partenariat avec le groupe américain afin de développer une solution commune de « cloud de défense » destinée aux forces armées, basée sur le système « Microsoft Azure Stack ».

« Les solutions Thales et Microsoft ainsi associées apportent le meilleur des deux mondes et offriront aux forces armées une plateforme d’applications cloud souple et des fonctionnalités bien plus avancées que les fonctionnalités basiques de stockage et de gestion des données : des capacités que les clouds de défense sécurisés n’offrent pas aujourd’hui », firent valoir les deux groupes à l’époque.

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