Le renseignement chinois s’intéresserait de très près aux militaires affectés en Bretagne

Le militaire français aurait particulièrement la cote auprès du renseignement chinois. Surtout s’il est affecté en Bretagne, région qui accueille de nombreuses unités de la Marine nationale et de l’armée de Terre ainsi que l’écosystème de la cyberdéfense nationale ainsi que la base de l’Île-Longue, centre névralgique de la composante océanique de la dissuasion avec ses quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE].

Lors de l’audition, à l’Assemblée nationale, de l’amiral Bernard-Antoine Morio de l’Isle, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique [ALFOST], le député Joachim Son-Forget avait évoqué l’intérêt de jeunes femmes chinoises pour les militaires basés en Bretagne, et notamment pour ceux de la Marine nationale. « Concernant les équipages, on s’inquiétait fut un temps à Brest de la présence d’étudiantes chinoises nombreuses en ville. Comment fait-on pour évaluer les relations de nos personnels? », avait-il en effet demandé.

La question du député ne sortait pas de nulle part. Auteur d’une enquête très pointue [« France Chine, les liaisons dangereuses« ], sur l’influence et l’espionnage chinois en France, Antoine Izambard, journaliste à Challenges, cite en effet une note confidentielle du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale [SGDSN] qui, élaborée en juillet 2018, s’inquiétait de l’augmentation de mariages entre des militaires affectés en Bretagne et des étudiantes chinoises de l’Université de Bretagne Occidentale [UBO] et de l’École nationale supérieure de techniques avancées [ENSTA].

« Dans ce petit jeu de séduction, les militaires ne sont pas les seuls visés. Il y a aussi des ingénieurs. C’est toute la communauté de la défense qui semble fortement ‘sollicitée' », a expliqué le journaliste au quotidien « Le Télégramme ».

Évidemment, cela fait penser aux « Hirondelles » du KGB, c’est à dire aux « hôtesses » du service de renseignement soviétique, dont la mission était de recueillir des informations sur l’oreiller, ou encore à l’opération Roméo, imaginée par Markus Wolf, le « maître-espion » est-allemand [sauf que les femmes seules et employées dans des ministères sensibles étaient visées, ndlr]. Ou encore à cette affaire, révélée par Franck Renaud [« Les diplomates : Derrière la façade des ambassades de France »], d’un officier de la DGSE « retourné » par son interprète féminin alors qu’il était en poste à Pékin.

Ces étudiantes chinoises sensibles à l’uniforme sont-elles des espionnes? « La note ne le dit pas », a dit Antoine Izambard sur les ondes de France Inter. « En tout cas, poursuit-il, le fait qu’elle pointe cette hausse des mariages avec des militaires français laisse imaginer qu’il y a eu des cas.

Le journaliste donne d’autres exemples de l’intérêt chinois pour la défense française. « Quand, sur 30 doctorants d’un laboratoire de recherche d’une grande école d’ingénieurs bretonne, dix sont de Chine et tous issus de l’Institut de technologie de Harbin, administré par une agence gouvernementale qui conçoit et achète tous les systèmes d’armes de l’Armée populaire de libération, il y a de quoi se poser des questions », souligne-t-il dans les colonnes du Télégramme. Et d’ajouter : « Cela devient ‘de l’inconscience’ pour mes interlocuteurs quand ces étudiants semblent autorisés à travailler sur des machines destinées aussi bien à un usage civil que militaire! ».

La Bretagne n’est pas la seule concernée… Ainsi, lors de son audition, l’amiral Morio de l’Isle avait admis avoir constaté une implantation étrangère « de plus en plus forte autour » des quatre Centres de transmission [CTM] de la Force océanique stratégique [FOST]. Par exemple, dans les environs de celui de Rosnay [Indre], la Chine y installé une université [près de l’aéroport de Châteauroux, ndlr] et envisge d’y installer une base d’entraînement pour les Jeux olympiques. Et à cela s’ajoute l’achat de terrains agricoles à proximité de ce site militaire.

Un autre exemple de l’intérêt chinois a été donné en septembre par Intelligence Online. Selon le site spécialisé dans les questions liées au monde du renseignement, plusieurs pilotes français de Rafale auraient été « approchés » par des sociétés chinoises, l’Armée populaire de libération étant apparemment avide d’informations sur cet avion qui équipe à la fois l’armée de l’Air et l’Aéronautique navale.

Quant à la question posée par le député Son-Forget, et selon le compte-rendu qui en a été fait [sachant que l’audition s’était déroulée à huis-clos, certains détails n’ayant pas vocation à être connus du public, ndlr], l’amiral Morio de l’Isle avait seulement rappelé que, dans la domaine de la protection du secret, il appartenait « à direction du renseignement et de la sécurité de la défense [DRSD] d’analyser l’environnement des unités de la FOST et de l’informer des éventuelles menaces qui pourraient la concerner. »

France Chine, les liaisons dangereuses, d’Antoine Izambard – Stock – 19 euros

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