La Corée du Sud pourrait se procurer deux sous-marins nucléaires d’attaque

Alors que la Corée du Nord a affirmé, la semaine passé, avoir réussi à lancer un missile balistique mer-sol de type Pukguksong 3 depuis un sous-marin [ce que conteste le Pentagone, pour qui l’engin a été tiré depuis une barge semi-submersible], Séoul envisage de faire un effot significatif afin de renforcer ses capacités en matière de lutte sous-marine.

Actuellement, la marine sud-coréenne dispose de 18 sous-marins à propulsion diesel-électrique, fabriqués sous licence par Hyundai Heavy Industries et Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering . En effet, ces navires sont en réalité des versions locales des submersibles allemands de Type 209 [classe « Chang Bogo »] et de Type 214 [classe « Sohn Wonyil »].

En 2018, le ROKS Dosan Ahn Changho a été mis en l’eau et son entrée en service est prévue en 2020. Il s’agit de la tête de série d’une nouvelle classe de sous-marins, affichant un tonnage deux fois plus important que ceux jusqu’alors mis en oeuvre par la marine sud-coréenne. Au total, et pour le moment, quatre exemplaires doivent être construits.

L’expérience acquise lors de la construction sous licence des sous marins « Chang Bogo » et « Sohn Wonyil » a permis le développement de ceux de type Dosan Ahn Changho par l’industrie locale. Ces derniers devraient emporter au moins dix missiles de croisière « Chonryong », ce qui marquera une évolution capacitaire majeure pour la marine sud-coréenne.

Pour autant, Séoul envisage d’aller encore plus loin. Ce 10 octobre, la marine sud-coréenne a indiqué qu’elle venait de mettre un « groupe de travail » chargé d’étudier les modalités pour acquérir aux moins deux sous-marins à propulsion nucléaire.

« Avec la perspective à long terme d’avoir des sous-marins à propulsion nucléaire, nous avons mis sur pied notre propre groupe de travail », a en effet affirmé un responsable miliaire sud-coréen, dans un rapport destiné aux parlementaires et cité par l’agence Yonhap.

L’idée est ainsi de renforcer la dissuasion sud-coréenne à l’égard de Pyongyang, qui dispose de l’arme nucléaire et des vecteurs pour la mettre en oeuvre.

« Un sous-marin à propulsion nucléaire est considéré comme le moyen le plus efficace pour détecter et détruire les sous-marins nord-coréens armés de missiles mer-sol balistiques stratégiques car il est capable de mener des opérations sous l’eau pendant une période plus longue », a ainsi fait valoir l’amiral Sim Seung-seob, le chef des opérations navales sud-coréennes. « Nous reconnaissons l’utilité et la nécessité d’un sous-marin à propulsion nucléaire, car il s’agit d’une force de dissuasion utile pour réagir simultanément à la Corée du Nord et aux pays voisins », a-t-il ajouté.

Cela étant, ce n’est pas la première fois qu’une telle éventualité est évoquée. Ce fut en effet le cas en 2003… dans le cadre d’un projet clandestin appelé « initiative 362 ». Mais elle fut annulée un an plus tard, après des fuites dans la presse, alors que des travaux de conception assez poussés avaient été réalisés.

Puis, en 2017, le ministère sud-coréen de la Défense avait mandaté le Korea Defence Network pour réaliser une étude de faisabilité concernant la mise au point autonome d’un sous-marin d’attaque nucléaire [SNA].

Le centre de réflexion rendit sa copie l’année suivante, en préconisant  de s’inspirer des SNA français de la classe Barracuda [ou Suffren], dont les chauffreries nucléaires fonctionnent avec de l’uranium faiblement enrichi.

« L’utilisation d’uranium enrichi à plus de 20% pour un sous-marin nucléaire pourrait violer un accord nucléaire avec les États-Unis », avait expliqué une source sud-coréenne à Defense News, avant de vanter les nouveaux sous-marins français.

Reste à voir si l’industrie sud-coréenne a la capacité de concevoir un sous-marin à propulsion nucléaire. Il se pourrait qu’elle reprenne les plans du Dosan Ahn Changho en y intégrant un réacteur nucléaire.

« La conception et la construction d’un sous-marin à propulsion nucléaire ne posent aucun problème aux constructeurs navals sud-coréens, mais pour l’intégration d’armes et d’autres équipements dans la plate-forme de sous-marin, nous aurons peut-être besoin de l’aide de la France ou d’autres », avait estimé, en mars 2018, Moo Keun-sik, un ancien de la marine sud-coréenne ayant travaillé sur l’intiative 362.

Déjà, pour la construction du sous-marin Dosan Ahn Changho, l’industrie sud-coréenne a dû faire appel à des entreprises étrangères pour des composants spécifiques. Si 70% des éléments de ce bâtiment sont d’origine locale, elle a en effet sollicité le français Safran pour un mât optronique de type « non pénétrant » de nouvelle génération, basé sur le mât de série 30 dont sont dotés les sous-marins Scorpène de Naval Group.

Enfin, d’autres paramètres sont à considérer, comme le temps qu’il faudra pour développer, construire et mettre en service un tel sous-marin nucléaire, ou bien encore les moyens financiers qu’il faudra y consacrer, sachant qu’il est question d’un chantier à plus d’un milliard de dollars.

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