Dassault Aviation et Airbus mettent la pression pour lancer la phase de développement du SCAF

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », aurait dit Winston Churchill [mais aussi Albert Einstein et Lenine…]. C’est sans doute vrai à titre individuel… Mais c’est plus compliqué à plusieurs. En tout cas, le Système de combat aérien du futur [SCAF], un programme lancé par la France et l’Allemagne et rejoint récemment par l’Espagne, en est un exemple.

Ce projet vise à développer un « système de systèmes » qui mettra en réseau différents types d’aéronefs et d’effecteurs autour d’un nouvel avion de combat, appelé pour le moment « New Generation Fighter » [NGF], appelé à remplacer le Rafale et l’Eurofighter Typhoon à l’horizon 2040. La France en assure la direction tandis que l’Allemagne a la responsabilité du Main Groud Combat System [MGCS], un autre programme franco-allemand concernant le combat terrestre.

S’agissant du SCAF, Dassault Aviation est chargé de mettre au point le NGF tandis qu’Airbus Defence and Space doit assurer la maîtrise d’eouvre de « l’Air Combat Cloud ». Et les moteurs du futur avion de combat seront développés par Safran et l’allemand MTU.

Lors du dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, en juin, un contrat portant sur une étude concernant les moteurs du NGF a pu être notifiée à Safran et à MTU, après le déblocage d’une enveloppe de 32,5 millions par le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr]. Une enveloppe qui était pourtant loin d’être acquise, les députés d’outre-Rhin ayant exigé des garanties sur la part qu’aurait l’industrie allemande dans le programme SCAF.

Mais outre la signature de l’accord-cadre relatif au programme SCAF par la France, l’Allemagne et l’Espagne, ce contrat fut la seule avancée significative : Dassault Aviation et Airbus Defence & Space qui s’attendaient à se voir donner le feu vert pour le développement de démonstrateurs en furent pour leur frais. « On verra en septembre », leur avait-il été dit…

Puis octobre est arrivé… Et le contrat sur les démonstrateurs n’a toujours pas été signé. D’où l’impatience manifestée par Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, et par Dirk Hoke, le président exécutif d’Airbus Defence & Space, dans une lettre ouverte publiée à l’intention des responsables politiques.

« Lancer cette première phase de développement du SCAF, c’est lancer la première phase de développement du projet européen de défense du XXIe siècle. Dans le contexte géopolitique actuel c’est aussi permettre à l’Europe de sauvegarder sa souveraineté industrielle et opérationnelle, c’est lui permettre de faire face aux menaces de demain », font ainsi valoir les deux dirigeants.

Or, le temps presse car les « technologies futures doivent être développées dès maintenant pour être ensuite testées et qualifiées en vol », soulignent-ils. « Cette phase de maturation est essentielle pour dérisquer et anticiper des développements aussi complexes », insistent-ils, avant de rappeler que Dassault Aviation et Airbus Defence & Space ont, eux, « su rapidement trouver des accords et se mettre en ordre de marche » pour ce programme… à la différence des autorités françaises et allemandes.

« Il appartient désormais aux leaders politiques d’utiliser courageusement cette dynamique et de prendre les décisions qui s’imposent pour ouvrir le prochain chapitre. Ne perdons plus de temps. L’industrie est prête, motivée et unie pour faire de ce programme un succès », assurent encore MM. Trappier et Hoke, qui attendent une avancée significative à l’occasion du prochain Conseil des ministres franco-allemand.

Certes, il y a un différend majeur entre Paris et Berlin au sujet des règles relatives aux exportations éventuelles du SCAF, la position allemande étant [officiellement] plus restrictive en la matière. Aussi, la lettre de Dassault Aviation et Airbus appelle surtout les dirigeants français et allemands à trouver rapidement un accord sur ce point, comme les y invite le Traité d’Aix-la-Chapelle, signé en janvier dernier.

Mais un accord sur les règles d’exportation risque d’être insuffisant… Car tout dépend du contexte politique allemand… Et du Bundestag, qui aura toujours le dernier mot. Or, les programmes SCAF et MGCS ne font pas forcément l’unanimité au sein des parlementaires d’outre-Rhin.

« La décision finale sur le lancement du programme en Allemagne relève du Bundestag et non du seul gouvernement. Or le soutien du Bundestag au projet de SCAF ne serait pas entièrement acquis dans le contexte politique allemand actuel. […] En effet, certains, en Allemagne, verraient la coopération franco-allemande prise dans son ensemble comme faisant une part disproportionnée à l’industrie française », avait souligné le député Jean-Charles Larsonneur, dans un rapport qui, publié en novembre 2018, annonçait les difficultés actuelles.

« Certains à Berlin cherchent également à remettre en cause la maîtrise d’oeuvre de ce programme accordée à la France contre la maîtrise d’oeuvre de l’Allemagne sur le futur char de combat franco-allemand », a ainsi exmpliqué Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, lors de la dernière Université d’été de la Défense.

Cette défiance des députés allemands s’illustre par leur refus de valider l’organisation mise en place pour Safran et MTU, alors qu’elle a été acceptée par le gouvernement fédéral. En outre, le Bundestag veut financer le programme SCAF par « tranches », ce qui reviendrait à le placer sous un épée de Damoclès dans la mesure où cela constituerait autant d’occasions de le remettre en cause.

Dans son rapport, le député Larsonneur avait avancé l’hypothèse de la création d’un nouveau « club Eurofighter » visant à développer un avion de combat qui serait complémentaire du F-35 américain. Or, ce « club » est en train de se former sous l’égide du Royaume-Uni, dans le cadre du programme « Tempest », que l’Italie a récemment rejoint… Or, si SCAF s’enlise où s’il est rejeté par le Bundestag, il n’est pas impossible que l’Allemagne suive à son tour.

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