Une étude évalue les conséquences qu’aurait pour la planète un conflit nucléaire entre l’Inde et le Pakistan

Lors de l’assemblée générale des Nations unies, fin septembre, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a prévenu que si son pays devait avoir recours à l’arme nucléaire face à l’Inde, dont les forces armées sont plus importantes que les siennes, alors cela aurait des « conséquences bien au-delà » de ses frontières. Ce propos avait sans doute l’objectif d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation de l’État de Jammu-et-Cachemire, dont l’autonomie a été révoquée par le gouvernement indien en août dernier.

Cela étant, les relations entre l’Inde et le Pakistan ont toujours été tendues, avec parfois des incidents graves [comme l’attentat de Bombay ou encore récemment lors des escarmouches le long de la ligne de contrôle, qui traverse le Cachemire]. Pour autant, il n’a jamais été question d’un recours à l’arme nucléaire.

« Pourquoi les deux pays n’utilisent-ils pas la menace nucléaire aujourd’hui, malgré l’escalade des tensions? Parce qu’ils ont désormais parfaitement confiance dans la stratégie de dissuasion – le simple fait de disposer de l’arme atomique oblige les deux camps à être prudents, notamment lors des crises les plus graves. C’est une bonne nouvelle, car le chantage au nucléaire peut créer des malentendus et susciter la panique », expliquait, en avril, l’éditorialiste Moeed Yusuf, de l’US Institute of Peace.

Pour autant, l’hypothèse d’un conflit nucléaire entre les deux pays n’est pas à écarter d’un revers de manche. En outre, ils ont chacun une doctrine différente.

Ainsi, New Delhi a une doctrine de « non-emploi », c’est à dire qu’il s’agit de dissuader toute attaque du territoire indien avec des armes de destruction massive [qu’elles soient nucléaires, chimiques, biologiques]. Quant au Pakistan, il entretient le flou… Mais on suppose que son arsenal est avant orienté vers l’Inde et qu’il pourrait l’utiliser dans le cas où ses forces armées seraient submergées par leurs homologues indiennes. D’ailleurs, Imran Khan n’a pas sous-entendu autre chose.

Aussi, des chercheurs de l’Université Rutgers ont étudié des scénarios pouvant conduire à un conflit nucléaire entre l’Inde et le Pakistan, en prenant en compte l’évolution de leurs arsenaux respectifs d’ici 2025, ainsi que la puissance de leurs armes nucléaires.

Actuellement, les forces pakistanaises et indiennes possèdent chacunes entre 140 et 160 têtes nucléaires, selon les données du Stockholm International Peace Institute [SIPRI]. D’ici 2025, et au train où vont les choses, l’étude des chercheurs américains estiment que les deux pays ont auront chacun 250.

Cette dernière a « modélisé » un scénario basé sur une attaque terroriste contre Parlement indien [comme en décembre 2001]. La plupart de ses dirigeants tués, l’Inde pourrait répliquer en lançant une attaque conventionnelle contre la partie pakistanaise du Cachemire. Ce qui, en retour, conduirait le Pakistan à avoir recours à des armes nucléaires tactiques… Et les forces indiennes à en faire de même.

Au total, l’étude estime donc que l’Inde et le Pakistan pourrait se lancer mutuellement entre 250 et 300 armes nucléaires afin de détruire leurs grands centres urbains respectifs. Si ces armes ont une puissance de 15 kilotonnes, alors les chercheurs américains prédisent qu’au 50 millions de personnes seraient tuées.

Mais comme il est probable que les armes pakistanaises et indiennes seront plus puissantes d’ici 2025 [année de la simulation], alors le nombre de victimes griperait à environ 125 millions. Et entre 16 et 36 millions de tonnes de suies, produites les explosions et les incendies qui en découleraient, seraient rejetées dans l’atmosphère. Soit une quantité suffisante pour absorber les rayons du soleil, ce qui réduirait de 20 à 35 % la lumière atteignant la Terre.

Cette suie se répandrait ensuite, via la troposphère et la stratosphère, dans le monde entier. En outre, elle pourrait rester dans l’atmosphère pendant environ cinq ans… Ce qui entraînerait une chute de la température moyenne à la surface du globe de l’ordre de 5 degrés.

« Les températures pourraient devenir « aussi froides que l’âge de glace. Et avec moins d’énergie solaire, le monde pourrait avoir jusqu’à 30% moins de pluie », a expliqué Alan Robock, l’un des auteurs de cette étude, à Business Insider. « Ce serait un changement climatique instantané », a-t-il insisté.

Moins de lumière et moins de pluies… Cela veut dire que la production agricole mondiale serait impactée, en particulier dans l’hémisphère sud. « Des écosystèmes marins entiers pourraient également être dévastés, ce qui détruirait les économies de pêche locales », ajoute le document. En clair, aux victimes des explosions nucléaires viendraient s’ajouter celles souffrant de la famine. Selon les chercheurs, il faudrait plus de dix ans pour retrouver une situation normale.

« La guerre nucléaire serait une aberration, personne n’a envie de détruire la planète! », a confié le général Bruno Maigret à l’hebdomadaire Le Point, à l’occasion du 55e anniversaire des Forces aériennes stratégiques [FAS]. « Le principe de la dissuasion nucléaire, c’est que l’adversaire ne puisse attendre aucun bénéfice de son attaque », a-t-il rappelé. Espérons que les dirigeants indiens et pakistanais pensent de même.

L’étude : Rapidly expanding nuclear arsenals in Pakistan and India portend regional and global catastrophe

 

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