La furtivité des F-35A aurait été mise à mal par un radar passif développé par le groupe allemand Hensoldt

En avril 2018, et alors qu’une procédure avait été lancée par le gouvernement allemand pour trouver un successeur au Panavia Tornado de la Luftwaffe, deux avions de combat F-35A appartenant au 61e escadron de chasse de l’US Air Force se posèrent à Berlin pour participer au salon aéronautique « ILA ». Au regard du contexte, on pouvait imaginer que ces appareils allaient effectuer des démonstration en vol. Or, il n’en fut rien : ils restèrent en exposition statique.

L’explication alors avancée était qu’aucun programme de démonstration avait été préalablement approuvé pour le F-35A à la verticale de l’aéroport de Schönefeld, où était organisé l’évènement

Mais selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, la rumeur disait à l’époque que Lockheed-Martin, le constructeur du F-35, voulait éviter d’exposer ses appareils à un système de détection mis au point par Hensoldt, l’ex-division dédiée à l’électronique de défense du groupe Airbus.

En 2012, l’US Naval Institute avait publié un article qui, signé par l’amiral Jonathan Greenert, alors chef des opérations navales de l’US Navy, sur les limites de la furtivité, c’est à dire cette capacité à rester invisible aux moyens de détection qui est l’un des points forts du F-35. Notamment à cause des progrès technologiques, comme l’apparition des radars dits passifs.

Or, Cassidian, la branche électronique d’EADS [qui deviendra Airbus Group], avait justement affirmé avoir développé un tel système, susceptible de « détecter même des objets volants difficilement détectables, comme par exemple les ‘avions furtifs’. »

Contrairement aux systèmes classique, un radar passif n’émet pas d’ondes électromagnétiques pour détecter un aéronef. En revanche, il utilise les ondes émises par les télévisions, les stations de radio et les réseaux de teléphonie mobile. Puis, il suffit de mesurer la différence de marche entre le signal reçu directement de l’émetteur, et celui réfléchi par la cible. Ce principe avait été exploité dès 1943 par l’allemand Telefunken, qui mit au point le système « Kleine Heidelberg ».

Pour autant, les ingénieurs d’Hensoldt ne se découragèrent pas : il leur suffisait d’attendre le départ des F-35A de Berlin. Et, rapporte Defense News, ils louèrent une ferme équestre dans les environs de l’aéroport de Schönefeld afin d’y installer le radar passif « Twinvis« .

Avertis du décollage des deux avions américains, l’équipe allemande fut en mesure de les suivre sur une distance de 150 km, en utilisant les signaux de leurs transpondeurs ADS-B afin de corréler les données obtenues par le système Twinvis. L’information  a été confirmée par Hensoldt auprès de Der Spiegel.

Cependant, Lockheed-Martin a cherché à relativiser la performance du système Twinvis en expliquant que les deux F-35A étaient munis de réflecteurs [des lentilles à gradient d’indice, dites de Lüneburg] afin justement de les rendre détectables… Et cela, par souci de sécurité, étant donné qu’ils devaient évoluer parmi le trafic aérien civil.

Mais pour Hensoldt, la présence ou non de réflecteurs ne change rien à l’affaire… puisque le système Twinvis n’en a pas besoin pour fonctionner.

Cela étant, les radars passifs présentent quelques limites. À commencer par la nécissité de disposer de suffisamment de sources émettrices… Or, si cela ne pose pas de problème pour les zones peuplées, il en va tout autrement pour celles qui le sont moins. Et, pour la même raison, ils ne pourront pas fonctionner si les moyens de radio-diffusion ont été détruits.

Dans son article publié en 2012, l’amiral Greenert avait estimé que l’association de radars à antenne active [AESA] et d’ordinateurs de gestion de combat sans cesse plus performants pouvait également porter atteinte à la furtivité des aéronefs et des navires. Cependant, le recours à des technologies anciennes peut être efficace…

En 1991, lit-on dans le hors-série du magazine DSI publié à l’occasion du dernier salon du Bourget, les forces américaines planifièrent un raid d’hélicoptères AH-64 Apache pour détruire trois radars irakiens, en l’occurrence un P-18 Spoonrest et deux P-15, mis au point en Union soviétique dans les années 1950.

Fonctionnant sur la bande des fréquences VHF [30-300 MHz], ces radars étaient pourtant considérés comme dépassés, en raison de leur mauvaise résolution angulaire. Seulement, il s’avéra qu’ils étaient en mesure détecter le F-117 Nighthawk, le chasseur furtif américain entré en service en 1983.

Par ailleurs, rappelle DSI, en juin 1998, l’ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, a réussi à détecter un bombardier furtif B-2 « Spirit », grâce à un prototype de radar trans-horizon, appelé Nostradamus. Installé sur l’ancienne base aérienne de Dreux-Louvilliers, il était en mesure de repérer des avions à une distance entre 500/800 km et 2.500 / 3.000 km sur 360 degrés.

Photos : 1/ US DoD 2 et 3/ Hensoldt

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