Le dernier missile nord-coréen pose de sérieux problèmes à la défense japonaise

Abandonné après l’implosion de l’Union soviétique; et à la grande satisfaction de l’Allemagne réunifiée, le missile à capacité nucléaire HADES de l’armée de Terre avait la particularité d’avoir une trajectoire dite « semi-balistique », c’est à dire que, après être rentré dans les couches basses de l’atmosphère, il déployait des gouvernes aérodynamiques lui donnant la capacité de manoeuvrer et de déjouer ainsi les défenses adverses.

Alors que la France retirait ses HADES, la Russie mettait en service le missile 9K720 Iskander [code Otan : SS-26 Stone], à la trajectoire également semi-balistique. La Chine possède cette capacité, avec les DF-15/M9 et les B-611, de même que l’Iran, avec le Fateh 100… et la Corée du Nord.

Les premiers signes au sujet de l’existence d’un tel engin sont apparus en mai dernier, quand Pyongyang tira, en direction de la mer du Japon, plusieurs « projectiles », dont un nouveau missile balistique de courte portée, appelé KN-23. Lors de ce premier essai, ce dernier aurait atteint une apogée de 60 km et parcouru 240 km.

La Corée du Nord a ensuite enchaîné les tirs. Le 9 mai, deux KN-23 atteignirent l’altitude de 50 km et parcoururent 420 km. Même chose le 25 juillet, avec cependant une portée différente entre les deux engins lancés ce jour-là. Enfin, le 3 août, deux autres KN-23 furent tirés.

Cela étant, la présence de ce type de missile dans l’arsenal nord-coréen intrigue les analystes, dans la mesure où, selon des photographies publiées par le journal officiel nord-coréen Rodong Sinmun, il ressemble étrangement à l’Iskander russe… et présente aussi des similitudes avec le Hyunmoo-2A sud-coréen, mis au point avec une assistance technique russe, et le Hrim-2 ukrainien, encore en développement.

Ausis, plusieurs explications à cette ressemblance entre le KN-23 et l’Iskander peuvent être avancées : soit la Corée du Nord s’est procuré ce missile auprès de la Russie [directement ou indirectement], soit elle a mis la main sur les plans du Hyunmoo-2A, soit elle bénéficié d’une assistance technique extérieure, russe ou ukrainienne.

En attendant d’éclaircir ce mystère, il n’en reste pas moins que le KN-23 inquiète particulièrement l’état-major des forces d’autodéfense japonaise…. Car, en dépit des moyens antimissiles dont il dispose [batteries Patriot PAC-3, destroyers AEGIS/SM-3, il n’a pas été mesure de suivre la trajectoire de certains de ces missiles lors des récents lancements effectués par la Corée du Nord. C’est en effet ce qu’a révélé l’agence nippone Kyodo News, le 23 septembre.

« Le Japon n’a pas réussi à suivre la trajectoire de certains des nouveaux types de missiles à courte portée tirés par la Corée du Nord lors d’une récente série de lancements, suscitant des inquiétudes quant aux capacités de défense » japonaises, ont déclaré des « sources proches du dossier » à Kyodo News.

La défense japonaise aurait ainsi été prise en défaut en raison de la trajectoire « irrégulière » de ces missiles et de l’altitude à laquelle ils ont volé. Et pour Tokyo, il ne faut guère de doute que Pyongyang cherche à « percer » son bouclier antimissile, pour lequel il a encore consenti d’importants efforts financiers, avec la commande, auprès des États-Unis, de deux sites AEGIS Ashore [radar AN/TPY-2 et missiles intercepteurs basés à terre, ndlr], pour plus de 2 milliards de dollars.

Par ailleurs, la décision de Séoul de dénoncer l’acccord de partage d’informations militaires [GSOMIA] avec Tokyo ne facilite pas la tâche des forces d’autodéfense nippones… Et, a priori, les forces sud-coréennes n’auraient pas eu de difficulté à détecter les départs des missiles KN-23. Or, l’incapacité à détecter les tirs à un stade précoce rend plus compliqué toute éventuelle interception et réduit les délais pour alerter et évacuer la population.

Mais plus généralement, intercepter des missiles de type Iskander ou KN-23 est déjà un défi en soi avec les systèmes actuels de défense, étant donné que es engins volent à 60/70 km d’altitude après leur lancement et à 25/30 km dans leur phase manoeuvrante.

Pour contrer cette menace, les systèmes antimissile moyen ou haut endo-atmosphériques sont probablement les mieux adaptés. « Dans le bas du spectre l’Arrow et le concept Aster Block 2 ont des altitudes d’interception comprises entre 20 et 60 km. Dans le haut
du spectre le THAAD américain [Terminal High Altitude Area Defense] peut intercepter ses cibles entre 50 km et 120 km et peut-être même entre 30 et 200 km d’altitude », lit-on dans un Bulletin d’Études de la Marine [BEM] dédié à la défense antimissile.

« En allant chercher la menace plus haut, on gagne beaucoup en surface défendue : elle passe de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de kilomètres carrés. Ces intercepteurs ont une
vitesse en fin de phase propulsée entre deux et trois km/s. Ils sont équipés d’autodirecteurs infrarouges, car au-dessus de 20 km d’altitude on n’est plus confronté à l’atténuation des rayonnements infrarouges par les nuages », précise le document.

Enfin, l’Observatoire de la défense antimissile de la Fondation pour la recherche stratégique estimait, en 2015, que le THAAD pourrait « permettre une défense ponctuelle contre des SS-26 de portée allongée, menace contre laquelle les SM-3 Block 1A et les PAC-3 sont mal adaptés, ce dernier essentiellement du fait de sa couverture encore réduite. »

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